Révélations inédites sur les heures qui ont précédé la chute du clan Bouteflika
Par Mohamed K. – Histoire secrète de la chute de Bouteflika. C’est le titre que le politologue Naoufel Brahimi El-Mili a choisi pour son livre riche en révélations et en informations de première main sur les heures qui ont précédé la chute de l’ancien président-roi Abdelaziz Bouteflika. L’ouvrage, paru aux éditons L’Archipel, est le résultat d’un travail de fourmi à travers lequel l’auteur fournit une pléthore d’informations dont beaucoup étaient, jusque-là, inconnues du grand public.
Naoufel Brahimi El-Mili a concentré son enquête sur les acteurs qui ont joué un rôle central dans les tractations tous azimuts qui avaient fait suite à l’irruption du soulèvement populaire pacifique dénonçant le cinquième mandat et réclamant le départ de tous les symboles civils et militaires du système. Il rembobine le film des événements qui ont conduit à la déchéance d’Abdelaziz Bouteflika, en se référant à des témoignages inédits qui révèlent au grand jour les positions des uns et des autres dans le brouillamini politique qui a fini par faire tomber le roi et lui substituer un de ses ministres après le coup de force de l’ancien homme fort de l’armée, le général Gaïd-Salah, mort en décembre dernier.
On apprend que le général Toufik, ancien patron du DRS, a mis la main à la pâte très tôt pour déloger l’indéboulonnable Bouteflika, solidement adossé au patron de l’armée, en activant ses réseaux pour adouber la candidature de l’ancien directeur du personnel au ministère de la Défense nationale, le général Ali Ghediri, après qu’il eut été dissuadé de se présenter lui-même, faute de candidats capables de tenir la barre après le départ du Président malade. On apprend aussi que la candidature du richissime homme d’affaires Issad Rebrab était «souhaitée», mais que le magnat de l’agroalimentaire aurait décliné l’offre, arguant que son business est prenant et qu’il ne pourrait pas allier les deux activités. Nous avions fait état, dans un précédent article, de la probabilité que le patron de Cevital briguât la fonction suprême en 2014 déjà, selon des indiscrétions qui nous étaient parvenues à l’époque.
L’auteur relate également les détails de la discussion qui a eu lieu entre le frère du Président déchu, Saïd Bouteflika, et l’ancien ministre de la Défense nationale, le général Khaled Nezzar, le 8 mars 2019. Discussion durant laquelle l’ex-membre du Haut Comité d’Etat conseillait le clan de quitter le pouvoir, de dissoudre le Parlement, de démettre le gouvernement et de le confier à des technocrates et, enfin, d’aller vers une conférence nationale qui réunirait la société civile, exit les partis politiques, laquelle conférence paverait la voie à l’instauration d’une nouvelle République débarrassée des caciques de l’ancien système et des vieux réflexes ataviques.
Naoufel Brahimi El-Mili révèle également le contenu d’une réunion que Saïd Bouteflika et Bachir Tartag auraient eue avec Paris et les contacts entrepris par l’ancien ministre des Affaires étrangères, lui-même peu convaincu par le cinquième mandat que Gaïd-Salah voulait imposer, avec, notamment, le diplomate Lakhdar Brahimi dont le carnet d’adresses achalandé, note l’auteur, pouvait aider à faire passer l’idée de la feuille de route que Bouteflika essayait de mettre en œuvre comme ultime carte avant de quitter le pouvoir.
«Cet ouvrage tente d’apporter, à travers des révélations issues des plus hautes sphères algériennes et françaises, un éclairage inédit sur des événements qui ont bouleversé l’Algérie et pourraient encore nous réserver de nombreuses surprises», explique le politologue dans l’avant-propos qui conclut que le général Gaïd-Salah «a emmené les contestataires sur son terrain, sans perdre son ultime objectif : faire élire un Président avant la fin de l’année 2019. Mission accomplie : la crise du pouvoir est réglée, reste la crise politique». Cette dernière perdure et rien n’indique qu’elle se résoudra de sitôt.
M. K.
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