Dr Cherfouh : «Nos dirigeants doivent partir s’ils sont inaptes à gérer la crise !»
Par Dr Abderrahmane Cherfouh – Le confinement reste pour le moment le seul moyen pour lutter contre la propagation du coronavirus. Presque tous les pays du monde ont opté pour cette stratégie afin de réduire autant que faire se peut le développement de cette pandémie qui fait des ravages. Pour ne pas être en reste, l’Algérie a adopté la même stratégie et a pris plusieurs mesures dans ce sens.
C’est bien beau de prendre les décisions qu’il faut pour protéger la santé de la population. C’est ça le rôle du gouvernement en principe. C’est facile de demander au peuple de respecter le confinement, de prendre conscience de la gravité de la situation, de faire preuve de civisme en suivant les instructions à la lettre et en respectant les règles établies par le gouvernement. Pour répondre à cette attente des autorités, il faut que tout le monde s’y mette, y compris ceux qui établissent les lois. Nous devons être tous solidaires, disciplinés pour le bien de tous. Il en est même qui poussent le bouchon plus loin et qui disent qu’il y a plus de place à la critique, perçue comme une nuisance et une entrave à la politique du gouvernement, alors que le pays est en situation de guerre face au coronavirus.
Mais pour que ces mesures soient appliquées et respectées, il faut avoir les moyens de sa politique. Il faut avoir, entre autres, les capacités matérielles, humaines, logistiques et techniques en vue d’atteindre les objectifs visés. C’est une guerre que nous menons contre cette pandémie, c’est vrai, mais peut- on aller à la guerre et affronter l’ennemi les mains vides ? Pour aller à la guerre, il faut être armés et motivés.
Il est donc essentiel, à cet égard, de commencer par fournir tous les équipements et matériels nécessaires et adéquats à ceux qui sont en première ligne et qui affrontent courageusement cette pandémie, à savoir les médecins, les infirmiers et tout le personnel de la santé afin de leur permettre de travailler convenablement, de ne pas être contaminés à leur tour et de devenir un facteur de contagion. Mais, sur le terrain, on constate autre chose. Les médecins, livrés à eux-mêmes, en manque de masques et de moyens, crient leur désarroi et appellent les autorités à réagir en prenant à témoin la population qui ne sait plus à quel saint se vouer. Il y a un décalage énorme entre le discours du gouvernement qui affirme avoir mis tous les moyens à la disposition des travailleurs de la santé et la réalité quotidienne sur le terrain.
Autre question cruciale : comment va-t-on faire pour amener les gens à rester chez eux et à respecter le confinement ? On dit que certains citoyens sont indisciplinés, inconscients, qu’ils bravent la mort tous les jours, qu’ils sont un danger potentiel pour eux-mêmes et pour les autres. C’est le constat que font aujourd’hui d’autres citoyens plus prudents qui redoutent une grande catastrophe sanitaire. Mais comment va-t-on faire pour limiter les déplacements dans les quartiers populaires et inciter les gens à respecter la distanciation sociale quand on vit dans la promiscuité, quand on est obligés d’aller au marché pour s’approvisionner en denrées alimentaires de toutes sortes, des marchés qui grouillent de monde ? Dans certaines zones de l’Algérie, il n’y a même pas d’eau courante. Comment vont faire les gens pour décontaminer les produits qu’ils achètent ou bien sont-ils considérés comme des citoyens de seconde zone ? Dans ces conditions, comment les gens vont-ils faire pour redoubler de précaution et éviter les contacts pour ne pas être contaminés ? C’est toujours les plus démunis qui payent le prix et qui sont les plus vulnérables.
Même l’information officielle n’est pas fiable. Il est très important d’offrir une information rigoureuse, scientifique, basée sur les faits et contrôlée par les services de la santé. Le citoyen qui vit une situation de stress a le droit d’exiger d’être bien informé pour suivre le développement de cette pandémie.
Tous ces problèmes, exacerbés par la surpopulation, nous devons les poser à ceux qui nous gouvernent. Vont-ils les résoudre encore par les fausses promesses et la fuite en avant ? Ou bien vont-ils faire des citoyens les bouc-émissaires de leur échec en les faisant passer pour des indisciplinés et des inconscients ?
S’ils sont incapables de résoudre tous ces problèmes, qui les a obligés à nous gouverner ? Vont-ils prendre leurs responsabilités et avouer leur échec et laisser la place à ceux qui sont plus compétents qu’eux ? C’est simple, démissionnez ! C’est ce que le Hirak demande.
En attendant, personne ne sait de quoi seront faits les prochains jours et les prochaines semaines.
A. C.
(Montréal)
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