Ces gens-là qui ont pillé le pays et qui rêvent encore de retourner dans leur Eden
Par Dr Abderrahmane Cherfouh – 10 000 milliards de dinars, ou un million de milliards en centimes, ou encore un million de logements à raison d’un milliard de centimes l’unité ! C’est le montant des sommes détournées par les anciens dirigeants, les hommes d’affaires et leurs acolytes. Ces chiffres effarants, incroyables causent un immense préjudice matériel au Trésor algérien, à l’économie du pays et risquent d’hypothéquer l’avenir des générations futures. Ce ne sont pas des chiffres fantaisistes lancés par un quelconque quidam ou un amateur du sensationnel ; c’est Me Zakaria Dahlouk, l’avocat du Trésor public qui les a avancés lors d’une interview qu’il a accordée au quotidien Le Soir d’Algérie. Alors que l’Algérie vit une crise sans précédent, comment va-t-on faire pour se relever et réparer autant que faire se peut les dégâts causés par cette mafia politico-financière qui a pillé et ravagé le pays ? Une mafia composée d’individus qui n’ont aucun problème de conscience et qui n’ont montré aucun signe de remords lors de leur procès.
Tous les repères demeurent flous et se brouillent tellement qu’on se demande par quel miracle l’Algérie, qui est engagée simultanément sur plusieurs fronts, va s’en sortir. Cela n’augure rien de bon. Tous les clignotants sont au rouge : le pétrole sur lequel repose toute l’économie du pays ne vaut presque plus rien, le coronavirus nous mène une guerre sans merci et affecte toute notre économie qui était déjà chancelante, un peuple désabusé, livré à lui-même, qui ne croit plus en rien et qui s’appauvrit davantage. Face à tous ces défis et malgré toutes les bonnes volontés, comment rebâtir du solide sur ces ruines laissées par ces collectionneurs d’appartements et de villas de grand luxe, ces amateurs de-pots-de-vin et de l’argent facile qui ne pensaient qu’à sauvegarder leurs propres privilèges et leurs intérêts étroits ?
Alors que le peuple continue à souffrir et ne sait plus à quel saint se vouer, voilà que la panique commence à s’installer chez ceux qui sont la cause de notre misère et qui ne cessent de lancer des appels désespérés à la justice pour qu’ils puissent aller se confiner chez eux. Faut-il en rire ou en pleurer ? Ils ont le fol espoir de trouver une oreille attentive qui saura les délivrer de ce cauchemar qu’ils n’auraient jamais osé imaginer vivre un jour. Comme par hasard, c’est en prison qu’ils ont fini par découvrir la réalité amère d’un monde impitoyable qu’ils n’ont jamais connu ni fréquenté. On ne va pas plaindre ces gens-là s’ils subissent en partie le sort peu enviable qu’ils ont réservé en toute insouciance aux autres depuis vingt ans. Ce sont ces gens-là qui ont gouverné l’Algérie, ceux-là mêmes qui ont soutenu un président impotent. Ils sont l’exemple frappant de la triste histoire qu’ils ont écrite, l’histoire de toute une génération sacrifiée qui a aspiré à une vie meilleure mais qui a vu ses rêves et ses désirs brisés par la gabegie d’un pouvoir qui a régné sans partage et qui a tué l’espoir de tout un peuple. Ce sont ces gens-là qui ont poussé tous les Algériens, ceux qui le pouvaient du moins, à fuir leur pays parfois en risquant leur vie dans des embarcations de fortune. Fuir son pays laisse toujours au passage un bleu au cœur, une blessure et le sentiment d’avoir été floué. On le sait depuis longtemps, les ruptures avec son pays sont toujours sources de désarroi, de peine quasi-incurable d’avoir tout donné et tout perdu, surtout ses repères.
Toute honte bue, ces gens-là continuent de harceler et d’implorer la justice de les libérer en faisant valoir leur âge avancé et le risque d’être contaminés par la pandémie. Comptant sur la générosité et la mansuétude des Algériens, ils ont hâte d’être écoutés – eux qui n’ont jamais écouté personne pendant vingt ans – et de retourner chez eux se confiner dans leur immenses palais situés dans un cadre enchanteur et paradisiaque, des palais faits de marbre bien propres est bien astiqués qui sentent l’odeur des fleurs des jardins bien entretenus par des jardiniers bien dévoués et de goûter aux délices d’une cuisine à l’ambiance bien raffinée et de se prélasser dans leurs piscines bien chauffées. Bien loin de ce peuple qui est la cause de leur malheur depuis un certain 22 février 2019. Un peuple qui continue à vivre dans des conditions encore précaires sur tous les plans : manque de transport, pauvreté, enclavement, etc. Dans certaines régions, le confort sanitaire de base est inexistant.
A. C.
(Montréal)
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