Double peine
Par Mrizek Sahraoui – Des violences urbaines ont éclaté en France, samedi dernier, à la suite d’un grave accident impliquant un motard et un véhicule de police, à Villeneuve-la-Garenne, dans le département des Hauts-de-Seine. Ce vendredi encore, le quartier du Mirail, dans la ville de Toulouse, a été le théâtre de nouvelles violences, a rapporté la presse locale, venant sans doute en écho à celles, déjà largement médiatisées et commentées sur le net, de Villeneuve-la-Garenne et de la banlieue parisienne.
Des témoignages, recueillis par la presse et les vidéos circulant sur les réseaux sociaux au sujet de cette affaire qui a déclenché de vives tensions dans le département des Hauts-de-Seine et dans la proche banlieue parisienne, plaident en faveur d’une bavure policière. Les syndicats policiers ont parlé, eux, d’un refus d’obtempérer. Certains médias comme d’habitude, BFMTV notamment, ont, pendant un temps, et sans la moindre précaution, relayé la version selon laquelle il se serait agi «d’une course-poursuite», une version très rapidement démentie.
Même si dans la plupart des cas analogues, la justice finit toujours par classer ce type d’affaires ou décider d’un non-lieu, il s’en trouve à chaque fois des politiques qui se saisissent de ces questions, non pas pour appeler au calme, mais pour ajouter de l’huile sur le feu dans le but d’exacerber les tensions entre les populations des banlieues, à majorité étrangères, et les forces de l’ordre, de tout temps sur les dents dans ces «quartiers populaires à problèmes».
Quartiers à problèmes, une hâtive et irresponsable conclusion de la vulgate politico-médiatique car délaissés et laissés pour compte, devenus, au fil du temps et des promesses non tenues par les pouvoirs successifs, les territoires honnis de la République. Personne ne conteste l’existence d’une économie souterraine dans les quartiers sensibles, pas plus que l’on ne peut nier la progression exponentielle de l’islam radical, une conséquence directe du déficit de l’éducation et de la faillite des politiques publiques à destination des populations en difficulté. Mais il faut une bonne dose de mauvaise foi pour en faire une généralité.
Le hic est que même les médias, ceux qui se réclament gardiens des valeurs fondatrices de la France, viennent au secours et participent au discours ambiant, selon lequel les jeunes vivant dans ces quartiers sont, quoi qu’il en soit, toujours en faute. Cette stigmatisation, fruit d’une double peine, à savoir d’un manque total d’une réelle prise en charge à la hauteur des défis et, plus grave encore, de la couleur de peau, cette indexation donc nourrit le ressentiment et la haine envers tous les symboles de la République, a fortiori, les forces de l’ordre, toujours en première ligne.
Et bien, lesdits médias trouvent «hallucinant» l’ordre donné par la préfecture de police aux policiers «d’éviter tout contact avec les perturbateurs» au cours de leurs interventions. Cette directive, que l’on peut, à juste titre, qualifier de sage et responsable, de la hiérarchie policière est pourtant claire. Elle vise, à l’évidence, à éviter l’embrasement au moment où la France, comme le monde entier d’ailleurs, fait face à la pandémie.
Après près d’une semaine de violences urbaines et plusieurs jours de boucan médiatique, le Président, lui, semble s’en laver les mains, sans avoir pris la mesure de la gravité des événements. Quoi de plus normal. Il est en train de (re)construire le cheminement de sa pensée politique, à l’épreuve d’un nouveau concept : le souverainisme, en réalité pas si récent que ça, étant le socle d’une doctrine vieille de plus de soixante ans, fièrement portée par les Le Pen, de père en fille.
Par contre, selon un bon nombre de ses détracteurs, Macron est enferré jusqu’à la garde, à la suite de la gestion chaotique de la pandémie et au regard de la nuée de procédures judiciaires qui l’attend.
M. S.
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