L’ex-gouverneur de la Banque d’Algérie révèle le secret de nos lois de finances
Par Mohamed K. – Abderrahmane Hadj Nacer a expliqué les dessous de la dernière loi de finances conçue et adoptée précipitamment par le pouvoir. Dans un entretien accordé à Algérie émergente en mars 2019, l’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie de 1989 à 1992 a expliqué que celle-ci «est un signe exclusivement orienté vers l’étranger, qui ne sert qu’à servir l’étranger. Parce que dans cette période complexe qui s’appelle le Hirak, le vieux réflexe du système a été de consolider sa légitimité internationale telle qu’il la comprend et non pas telle qu’elle existe en réalité».
«Pour certains ici, cette légitimité achetée à l’étranger se suffit à elle-même. Pour les étrangers, ce mode de soumission d’un pays – qu’il s’appelle l’Algérie ou autre, peu importe – qui, avant, était largement suffisant parce que c’était une façon de faire allégeance, pose problème aujourd’hui. Si nos dirigeants pensent que le maintien de l’ordre d’avant est possible, cela prouve à quel point ils n’ont pas pris conscience de ce que signifient les gesticulations actuelles», a affirmé Abderrahmane Hadj Nacer. Pour lui, «l’Occident a perdu face au fait qu’il n’a pas développé d’alternative à l’ordre mondial qu’il a préconisé et qui est une espèce de nouvel ordre homogène contrôlé par les puissances financières, etc.». «Il (l’Occident) n’a pas travaillé sur les alternatives, [mais] il a aussi des solutions magiques qui consistent à se demander comment s’attacher un pays en vidant ses réserves et en le ligotant avec le FMI», a-t-il souligné.
Cet expert financier a, par ailleurs, relevé que «l’Etat algérien fonctionne en aveugle sans capacité d’ingénierie propre», estimant que «c’est un Etat qui ne connaît plus sa population, qui n’a pas les moyens de conceptualiser les problèmes et qui n’a pas les moyens de tirer profit des expériences des autres pays parce que tout ce qui est relatif à l’ingénierie lui est devenu étranger». «Donc, c’est un Etat qui va dépendre de plus en plus de l’étranger», a-t-il noté, en faisant remarquer qu’«à chaque fois qu’il y a eu un lieu où se concentrait un peu d’intelligence ou de savoir-faire ou d’accumulation, comme, par exemple, le ministère du Plan, on le fait disparaître. Or, le ministère du Plan était le lieu où se concentrait la réflexion sur l’organisation économique, sociale – et, plus tard, même politique – du pays. C’est donc là que se créaient les nouvelles organisations, c’est-à-dire que c’est là que se faisait l’anticipation».
«Quand on élimine les élites, cela veut dire qu’on envisage d’éliminer cet étage qui est essentiel dans le fonctionnement de toute grande entreprise», a-t-il dit, en ajoutant qu’«il ne peut pas y avoir d’ordre néocolonial avec des élites autonomes».
«Le jour où on aura quelqu’un qui comprendra que le secret de la réussite est que le chef obéisse au groupe et pas l’inverse, ce n’est qu’à ce moment-là qu’on aura une forme de stabilité. Quand on se réfère à notre histoire, on relève les périodes de stabilité et d’instabilité, on retrouve toujours cette équation. Nous devons toujours étudier notre histoire, notre sociologie et notre anthropologie», a conclu Abderrahmane Hadj Nacer.
M. K.
Comment (35)