Des officiers du Mossad : «Le roi du Maroc est notre taupe à la Ligue arabe !»
Par Nabil D. – Quatre anciens hauts responsables des services secrets israéliens, le Mossad, ont révélé le secret des relations qui lient le royaume du Maroc et l’entité sioniste. Des relations «très intimes» qui remontent aux années 1960. «Je crois que je suis le premier Israélien à m’être assis aux côtés du roi du Maroc, c’est moi qui ai entamé les contacts entre Israël et le Maroc», a affirmé Rafi Eitan, chef des opérations au Mossad entre 1950 et 1981.
«Les Marocains, a-t-il révélé, avaient reçu un renseignement selon lequel [le président égyptien] Jamal Abdennasser estimait qu’il fallait changer le roi du Maroc et qu’il fomentait un plan pour l’assassiner. Le roi du Maroc s’est alors demandé qui pouvait l’aider et des juifs marocains lui ont répondu que les Israéliens en étaient capables. Nous les avons rencontrés et avons élaboré une stratégie pour protéger le roi.»
A la question de savoir si la protection du roi devait inclure des assassinats politiques comme celui de l’opposant Mehdi Ben Barka, fondateur du Front national des forces populaires (FNSP), condamné à mort par contumace en novembre 1963, Gad Shimron, officier du Mossad entre 1975 et 1988, a indiqué que le Mossad, à l’époque, «avait réussi à tisser des liens très étroits avec les services secrets marocains» et qu’«à une période précise, les Marocains avaient décidé d’assassiner Ben Barka».
Si Rafi Eitan, qui a refusé d’en dire plus sur ce sujet, se contentant de s’interroger, ironique : «Ce sont eux (les généraux Oufkir et Delimi, ndlr) qui l’ont tué ? C’est à eux que tu dois poser la question alors !» Gad Shimron a, lui, confirmé que Ben Barka a été enlevé à Paris par des hommes des services secrets marocains que dirigeait le général Oufkir et qu’il a été torturé à mort. Pour cet ancien officier du Mossad, que le Mossad se soit ainsi impliqué sans aucun scrupule dans un assassinat qui ne concerne pas la sécurité d’Israël ne pose aucun problème d’ordre éthique. «L’idée d’intégrer la morale dans le monde du renseignement ne signifie pas qu’une telle action est immorale, dans la mesure où ce qui est pris en considération, c’est l’objectif visé, parfois on est appelé à pactiser avec le diable en personne», a-t-il dit.
Qu’est-ce qu’Israël a gagné ? «Evidemment, si Israël entretient des relations avec un Etat arabe, membre de la Ligue arabe, qui accueille parfois des sommets et des rencontres de la Ligue arabe, cette relation ne peut qu’être excellente», a-t-il confié.
Son collègue Efraim Halevy, directeur du Mossad entre 1998 et 2002, qui estime que «c’est cela l’art de la diplomatie secrète», révèle, de son côté, que les services israéliens sentaient que le roi du Maroc «voulait [parrainer] un dialogue direct entre les Egytiens et nous». «Le directeur du Mossad à l’époque, Yitzhak Hofi, entretenait des relations exceptionnelles avec le roi du Maroc. Moshe Dayan fut envoyé au Maroc pour y rencontrer le vice-président du Conseil des ministres égyptien», a-t-il indiqué.
Yossi Alpher, officier du Mossad entre 1969 et 1981, a, quant à lui, affirmé que le Mossad «a coordonné les discussions de bout en bout», en soulignant que «c’est le Mossad qui a tissé ces relations politiques stratégiques» avec le Makhzen, lesquelles «ont commencé dans les années 1960» et confirment «le rôle central joué par le Mossad au Maroc est un cas classique».
N. D.
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