Procès Ouyahia : quand un média public donne une leçon aux journaux soumis
Par Nabil D. – Les procès fortement médiatisés d’anciens ministres et d’hommes d’affaires accusés d’avoir profité de leur proximité avec l’ancien cercle présidentiel sous Bouteflika sont différemment couverts par les médias publics et privés. Autant des journaux comme El-Moudjahid s’emploient à restituer les minutes des audiences avec précision et professionnalisme, autant des titres de la presse arabophone connus pour leur versatilité et l’inconstance de leur ligne éditoriale changeant au gré des conjonctures font preuve de partialité et de malhonnêteté intellectuelle.
Cet état de fait a été remarqué et dénoncé par des observateurs qui se réfèrent à la couverture du procès en cours qui met en cause le patron du groupe Sovac, Mourad Oulmi, spécialisé dans le montage de plusieurs marques allemandes, l’ancien Premier ministre, Ahmed Ouyahia, deux ex-ministres de l’Industrie et des cadres de ce département. «Pour ceux qui ne peuvent suivre le déroulement du procès et qui s’en informent à travers la presse, la manipulation des faits par les médias privés qui ont tourné casaque après la déchéance d’Abdelaziz Bouteflika pour s’épargner les foudres de Gaïd-Salah et de Wassini Bouazza fait que les articles se transforment en réquisitoires», notent des experts en communication, qui en veulent pour preuve la terminologie usitée par ces journaux empruntée aux discours de l’ancien chef d’état-major.
«Les médias arabophones reprennent à leur compte des termes comme ‘issâba (clan ou bande, ndlr), les symboles de la corruption, etc. pour décrire les accusés, alors même que le verdict n’est pas prononcé, se positionnant ainsi de fait du côté de la partie civile comme si ces journaux étaient partie prenante dans ces affaires ou s’autoproclamaient juges», expliquent ces analystes. «On n’aurait pas connu la version des prévenus et on n’aurait pas pu entendre l’autre son de cloche si un journal comme El-Moudjahid, par exemple, n’avait pas été présent au procès», ajoutent ces sources, qui précisent que le quotidien officiel rapporte les propos du patron de Sovac qui «insiste sur la légalité de son activité» et de l’ancien Premier ministre Ahmed Ouyahia, qui affirme qu’«il a agi pour l’intérêt général du pays et pour la sauvegarde de l’économie nationale» et qu’«à aucun moment il n’a été accusé de dilapidation des deniers publics». «Je suis mis en cause pour manque de transparence dans la gestion du CNI (…) mais ce délit n’existe pas dans la loi et on tente de diffamer une personne sans preuve», s’est-il défendu, en laissant entendre qu’il s’agit bel et bien de règlements de comptes.
Des propos qui, même s’ils étaient repris dans les médias privés inféodés, auraient été commentés de façon à en annihiler le contenu.
N. D.
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