Louisa Hanoune dévoile les vrais motifs de son emprisonnement par Gaïd-Salah
Par Mounir Serraï – La passionaria du Parti des travailleurs (PT), Louisa Hanoune, est revenue sur son incarcération pendant 9 mois à Blida pour la fameuse «affaire» de complot en vue de changement du système politique et atteinte à l’autorité du chef militaire.
Dans un long entretien de près de deux heures accordé à Berbère Télévision, la première responsable du PT a évoqué les véritables motifs de sa mise derrière les barreaux dans une affaire qu’elle a qualifiée de «politique». «Comme l’ont démontré mes avocats lors des deux procès en première instance et en cour d’appel, il n’y a jamais eu complot mais des rencontres.» Louisa Hanoune a affirmé qu’en tant que responsable d’un parti politique, elle rencontrait les responsables du pays, parfois à sa demande, souvent à leur demande. «Hormis Boumediene et Boudiaf, j’ai eu à rencontrer tous les autres chefs d’Etat. J’ai rencontré les Premiers ministres et le gouvernement, le DGSN et même l’ex-chef d’état-major, feu Gaïd-Salah pendant trois heures. Est-ce que j’ai comploté contre l’Etat ou le système ?» s’est demandé Louisa Hanoune tout en soulignant qu’elle a toujours milité pour le changement du système, de sorte à ce que le peuple puisse exercer sa souveraineté.
«En tant que responsable d’un parti politique, mon rôle ne se limite pas à faire des déclarations mais aussi à agir, surtout dans un contexte révolutionnaire où des événements dangereux risquaient de se produire», a-t-elle poursuivi. C’est ainsi donc qu’elle dit avoir bien appelé, le 22 mars (2019), la sœur du Président de l’époque, Bouteflika, pour lui demander de lui transmettre son message qui consistait à réclamer sa démission, sans conditions, en emportant avec lui son gouvernement et son Parlement. «Elle m’avait promis de lui transmettre mon message. Et j’ai appris par la suite que l’ex-Président était prêt à démissionner le 23 mars (2019)», a-t-elle précisé, expliquant dans ce sillage la raison ayant motivé sa rencontre du 26 mars avec le frère conseiller du Président, Saïd Bouteflika, et l’ancien chef du Département du renseignement et de la sécurité, le général à la retraite Mohamed Mediène, alias Toufik.
«Constatant que le Président n’avait pas encore démissionné, j’ai donc décidé d’aller à cette rencontre pour comprendre ce qui se passait et pour réitérer ma demande relative à la démission du Président afin de placer le pays dans un véritable processus de changement tel que voulu par le mouvement populaire mais aussi par le PT qui a toujours milité pour une Assemblée constituante», a-t-elle souligné. La rencontre s’est déroulée entre les trois. «Il n’y avait que Saïd Bouteflika, frère conseiller du Président encore en poste, venu parler en son nom, et l’ancien chef des services de renseignement et de la sécurité de l’armée Mohamed Mediene, Alias Toufik. La rencontre a duré presqu’une heure dans un édifice de l’Etat. Il n’y avait aucune autre personne. L’histoire de la présence d’agents de renseignement étrangers, la DGSE en l’occurrence, véhiculée par un média privé, a été un gros mensonge sorti d’une officine», a-t-elle affirmé, précisant qu’il n’y avait dans le dossier d’instruction aucune référence à la participation d’agent étranger à cette rencontre. Et même lors des deux procès, ni les juges ni le parquet n’avait parlé de cela.
Louisa Hanoune a assuré avoir été contre l’option d’une courte période de transition dont la conduite allait être confiée à l’ancien président Liamine Zeroual et contre toute autre solution en dehors du départ du système et la mise en place d’un processus constituante tel que plaidé et réclamé par son parti. Une position qu’elle dit avoir réitérée lors de ses deux procès à Blida qui étaient, selon elle, «purement politiques».
La secrétaire générale du PT est revenue sur son arrestation qu’elle avait pressentie. «J’étais dans le collimateur depuis janvier 2019, depuis mes déclarations mettant en garde contre le 5e mandat qui sera le point de rupture avec le peuple. J’ai subi des attaques d’une rare violence des mouches électroniques. Quand je dis les mouches électroniques, tout le monde le sait, c’est un appareil avec beaucoup de moyens matériels. A chacune de mes déclarations, quel que ce soit le sujet, dès que j’ouvrais la bouche, les «mouches» se déchaînaient contre moi par dizaines de milliers, voire par centaines de milliers parce qu’elles ont les moyens avec les computers… Et c’était l’insulte, l’invective, des grossièretés. Ce n’était pas des gens qui faisaient de la politique mais plutôt des mercenaires», a-t-elle assuré.
«Nous avons quand même constaté qu’une partie de ces mouches électroniques se trouvait à l’étranger, dans certaines capitales européennes et même arabes. Nous avons tout de suite compris la tendance idéologique de leurs auteurs. J’ai été prise pour cible parce que nos déclarations et nos positions en tant que parti dérangeraient. Pourquoi ? Parce que, d’emblée, nous avions dit que le Hirak était un processus révolutionnaire qui ne se contenterait pas de colmatage, ni de replâtrage. La réforme n’était pas sa revendication. Il réclamait le départ du système avec tous ses symboles», a-t-elle relevé.
La secrétaire générale du PT a indiqué avoir fait cassation, notamment, pour vice de procédure, en précisant que lors de sa rencontre du 26 mars elle était encore députée et donc jouissant de l’immunité parlementaire qui devait être levée avant son interpellation. Une procédure qui, selon elle, n’a jamais été actionnée jusqu’à présent, bien qu’elle ait déposé sa démission du Parlement le 28 mars 2019.
M. S.
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