Hommage à Mohamed Lemkami parti le cœur plein d’amertume à cause de l’état du pays

Algérie Mohamed Lemkami
Le défunt Algérie Mohamed Lemkami. D. R.

Nous publions des parties extraites de la conclusion du livre Les Hommes de l’Ombre, en hommage au défunt moudjahid Mohamed Lemkami qui nous a quittés il y a trois ans, le cœur plein d’amertume à cause de l’état dans lequel il laissait le pays.

Par Mohamed Lemkami – En Algérie, il existe malheureusement une multitude de roseaux non pas dans le sens de la moralité de la fable, mais dans la compétition par le bas, dans le «ôte-toi que je m’y mette !» à tous les niveaux et dans l’opportunisme. C’est normal, la médiocrité ne peut sécréter que la médiocrité et l’incompétence émerge forcément partout. C’est dans cette faune de corrompus assoiffés d’ambition que nos dirigeants de derrière le rideau puisent leurs serviteurs pour les injecter dans tous les postes stratégiques de responsabilité. Ceci a généré des problème et conflits de prérogatives. Ainsi l’incompétence, la médiocrité, la brosse et le «medh» ainsi que la corruption sont devenus maintenant institutionnellement organisés. Plus grave encore, une société de consommation sans contrepartie est en voie de création.

Chez nous, les roseaux ne plient pas, ils s’aplatissent et rampent. Le résultat a été comme le dit le dicton que «la mauvaise monnaie chasse la bonne» ou que «le gaz se dilate dans l’espace qu’on lui libère». Nombreux parmi ceux et celles qui avaient pris dans leur prime jeunesse les armes pour libérer le pays, au crépuscule de leur vie, observent avec impuissance et amertume cette faune d’arrivistes qui font de l’Algérie, malgré ses immenses potentialités, un pays qui régresse et s’appauvrit. Le plus désolant et triste est que ce sont nos frères d’armes qui encouragent et utilisent à leur profit ces tristes situations.

Parmi les cadres ayant acquis une sérieuse expertise, beaucoup sont à la retraite dès la cinquantaine ; d’autres sont partis ailleurs pour une vie meilleure. Par exemple à l’étranger, il existe actuellement au moins un millier d’enseignants du corps professionnel universitaire. Uniquement en France, il y a, d’après certaines sources, 10 000 médecins spécialistes alors qu’ils font cruellement défaut dans nos hôpitaux. Tout ce monde a été formé avec des deniers publics.

L’explosion populaire d’Octobre 1988, qui exprimait un ras-le-bol profond, surtout au niveau de la jeunesse, aurait pu être bénéfique et permettre à l’Algérie de prendre le train de la démocratie, de la modernité et du développement dont ne subsiste que cette presse indépendante très courageuse, malgré ses insuffisances et qui en a payé chèrement le prix. Dans ce mouvement spontané ou téléguidé, on y trouvait des côtés sympathiques, l’impression qu’on pouvait remettre en cause des tas de choses et se remettre en cause soi-même de façon positive. Malheureusement, cela n’avait pas été le cas.

L’incompétence notoire des gouvernants et l’absence de l’autorité de l’Etat ont laissé faire et la porte a été grande ouverte à toutes les manipulations et à toutes les dérives. La conjonction de puissantes forces occultes d’ici et d’ailleurs n’ont pas trouvé mieux que de mobiliser et d’orienter cette jeunesse crédule autour de thèmes porteurs tels que l’injustice et la hogra, vers la violence aveugle, contre son propre peuple.

Tout le monde manipule tout le monde. Cette jeunesse algérienne, produit et victime d’une démographie débridée et galopante depuis 1962, et d’une école défaillante et de plus en plus sinistrée depuis le milieu de la décennie 1970 et en plein naufrage au cours de la décennie 1990, dont une bonne partie vouée au chômage, était sevrée souvent de tout, même du visa et de «babor Australie» pour aller voir au réel ce monde qu’elle découvrait à travers la télévision étrangère, captée via la parabole. Mal ou insuffisamment prise en main par la famille, abandonnée à l’école de la rue, elle était en train de prendre ses repères, ses aspirations et ses rêves quand elle avait fini par tomber dans les filets de ces prédicateurs manipulateurs d’un islam d’importation répandant des idées stupides et haineuses, qui avait squatté de longue date nos mosquées et nos écoles.

Droguée par un discours trompant de ces mercenaires au service d’autres, généralement payée en devises fortes, elle a été envoyée par ces mêmes mercenaires au Pakistan et en Afghanistan apprendre l’intolérance et la haine et revenir dans son propre pays égorger et mutiler des bébés, des femmes, des hommes sans défense et détruire toutes les infrastructures que le peuple a mis trois décennies à construire.

Tandis que nos dirigeants continuent de naviguer dans la confusion et le manque de lisibilité, des fortunes colossales, insultantes entre les mains de la pire engeance de toute société, grâce à l’ouverture brutale de notre commerce extérieur et au trabendisme, s’érigent à l’ombre du terrorisme alors que la majorité des citoyens plonge dans la pauvreté. Des mafias sectorielles devenues puissantes en peu de temps, contrôlent et se partagent le marché des secteurs les plus juteux de l’importation. L’Etat fonctionne comme une entreprise privée et ouvre la voie à un enrichissement illicite. Le semblant de terre anticorruption n’a rien donné. Les indices internationaux donnent de l’Algérie une image en perpétuelle régression. On constate malheureusement que depuis 1962, la transparence dans la gouvernance des affaires de l’Etat est un cauchemar.

L’Algérie est un pays malade de ses hommes et de son système. On a assisté, par ailleurs, à cette multitude de ces nouveaux partis dont on exhibe les dirigeants, souvent folkloriques à l’occasion de chaque scrutin pour faire plus démocratique. Par leurs discours irresponsables, ils sont en train de recréer le régionalisme, le tribalisme et le clanisme avec un concours politique sans honte de la religion, de la langue arabe et de la langue amazighe pour asseoir leur audience et gagner quelques strapontins. Certains disent à notre jeunesse que nous sommes des Arabes, d’autres lui disent que nous sommes des Amazigh et, enfin, malgré notre islamité authentique de quinze siècles, certains sont venus apprendre à nos jeunes la direction de la Kaâba. Mais pourquoi ne lui apprennent-ils pas simplement qu’ils sont Algériens ? Au cours des élections généralement truquées, le peuple répond politiquement par l’abstention. Ainsi, ce dernier devient le véritable parti d’opposition.

L’importance de l’abstention à chaque rendez-vous électoral illustre bien l’énorme décalage entre la majorité du peuple et sa minorité d’activistes militants du système sous une forme ou sous une autre. D’ailleurs, l’un des constats malheureux de la société algérienne, c’est la disparition ou plutôt l’inexistence d’une véritable classe moyenne et l’absence de la notion de citoyenneté, seules capables de construire une réelle démocratie et l’apparition d’une forte oligarchie économique issue du trabendisme et de l’enrichissement illégitime qui va malheureusement, si on n’y prend pas garde très vite, s’imposer de plus en plus comme oligarchie politique. Il est urgent, et même impératif, de s’occuper de la jeunesse actuelle qui a de plus en plus tendance à s’adonner au business, au gain facile, mais aussi à la drogue. Seul un changement profond des mentalités au niveau de la famille et de toutes les structures de l’éducation peut remédier à ces déviations préjudiciables pour l’avenir de l’Algérie. Par ailleurs, le vivre-ensemble dans la société algérienne est en train de laisser la place à un individualisme ravageur.

Rien de sérieux et de durable ne saurait être construit sur le plan politique dans notre pays, tant que les causes de nos échecs successifs qui ont lourdement coûté à notre peuple ne sont pas sérieusement étudiées. En attendant, seule l’opinion publique d’une société civile non polluée et non manipulée (les manipulateurs ne sont pas uniquement locaux mais aussi étrangers, occidentaux et orientaux) pourrait forcer les gouvernants à considérer le bien-être de tous. Encore faut-il que ces gestionnaires de l’ombre s’adonnent à un véritable et continu jeu de marionnettes, qui bloquent l’émancipation de la société algérienne et la dévient de son parcours historique vers une démocratie et l’Etat de droit, arrêtent définitivement ce rôle que le peuple ne leur a jamais confié et se limitent à leur vraie mission. Autrement dit, les vrais détenteurs actuels de pouvoir, et dans l’intérêt supérieur de la nation, doivent engager un dialogue sincère et franc avec toutes les franges de la société. C’est à ces conditions, à mon avis, et alors «à force de marcher tout droit, que l’on finira par sortir du bois».

M. K.

Comment (12)

    Anonyme
    28 septembre 2020 - 20 h 22 min

    Si abbés allah yerahmou était un exemple pour le pays des hommes comme lui on en fait plus c est une bougie de l espoir qui est parti allah yerahmou

    Anonyme
    28 septembre 2020 - 20 h 17 min

    Vous avez remis une pièce importante de l histoire du pays
    Monsieur lemkami dit abbés est un homme de principe droit humble généreux patriote allah yerahmou
    Merci à AP

    Aek malki
    28 septembre 2020 - 13 h 22 min

    Ce livre est sorti en 2012 son point de vue était prémonitoire vue que nous vivons actuellement cette tragédie.
    Que dieu est son âme
    Allah yerahmou

    1commentaire
    27 septembre 2020 - 17 h 26 min

    Et bien rien ne marche si la base la fondation et pas saine c’est pourquoi au jour d’aujourd’hui rien ne tient ou presque la révolution l’indépendance a était trahie sa on le sais,la seule solution il faudrez un pact nationale ou la justice primera sur tout sans cela et bien on pourra encore pleurer pendant des siècles et notres jeunesses iras ailleurs vers l’inconnue…

    Le téméraire
    27 septembre 2020 - 16 h 46 min

    C’est vrai le père était intègre

      Akli
      27 septembre 2020 - 18 h 43 min

      La famille entière est intègre et ils ont la fierté de regarder les gens dans les yeux éducation exemplaire

    Hmed hamou
    27 septembre 2020 - 16 h 29 min

    On dit, Allah irahmou, d’usage, et on retourne à nos petites affaires.
    C’est tristes pour les patriotes. A chaque fois qun patriote tombe c’est un pan entier de notre conscience et notre mémoire qui s’en va avec. Cest Les derniers chênes encore vivants qui tombent les uns après les autres. Certains de vieillesse, d’autres de frustration de ce qui est devenu leur belle patrie; leur belle forêt qui se réduit de jour en jour comme une peaux de chagrin, grignoté de partout par la prairie des herbes folles. Les derniers chênes de notre belle forêt de chêne zen décimée par les feux de forêts successifs et la déforestation sauvage des envahisseurs successifs et même autochtone dont la révolution révolution agraire qui a vu remplacer non chênes endémiques par des essences invasive importée nous dit on pour redonner vigueur aux forêts de compagnes vieillissante et trop restées en jachère… Et qui ont fini par tout dévoré, tout remplacé . Et on s’étonne après que notre barrage vert n’a pas su retenir l’avancer du désert…

    Mais, C’est une bonne nouvelle pour le peuple des roseaux. A chaque fois qun chêne tombe c’est une nouvelle niche écologique qui se libère, c’est plus de lumière c’est plus d’espace pour pousser, et aussitôt dix roseaux prennent sa place…

    Je crains que sans un miracle plus miraculeux encore que ceux de Moïse et Noé réunis, pour inverser la tendance, notre beau pays ne se transforme en un glauque marécage ou ne poussent que roseaux ou pullulent piranhas et crocodiles…

    La responsabilité de ce désastre...
    27 septembre 2020 - 15 h 58 min

    …incombent à ceux qui voulaient se contenter de l’opium du peuple et laisser au colon de régenter le pays en toute quiétude sans jamais chercher à l’inquiéter, allant même jusqu’à s’opposer à leurs frères qui revendiquaient l’indépendance par les armes. De même qu’à l’indépendance, c’est les mêmes opportunistes qui nous ont amarrés à l’Egypte, on se souvient tous de « El Dzaïr Tekfina Wa Takfikoum » ainsi qu’au siège social de l’islamisme, aux Emiratis…Et la suite, tout le monde la connaît, comme décrite par cet article véridique en partie mais hélas ! déjà réduit à un simple constat d’impuissance.

    Aures
    27 septembre 2020 - 15 h 01 min

    Tout est dit dans cet article avec justesse et authenticité. J’ajouterai que la solution ne peut etre qu’un nettoyage radical. Les condamnations ne doivent pas être que des peines de prison et la confiscation des biens mal aquit mais aussi et surtout des peines capitales contre toute la mafia qui sévit crescendo depuis le début des années 80.
    Bien à vous

    DYHIA-DZ
    27 septembre 2020 - 14 h 24 min

    Allah Yerahmou. Il est parti, mais au moins il a dit ce qu’il pensait.
     »L’explosion populaire d’Octobre 1988,…aurait pu être bénéfique à l’Algérie  ».

    Malheureusement, l’ ouverture qui avait pris naissance grâce à octobre 1988 a été accaparée et volée par les afghans des années 90. Il y’a des pays de la oumma qui ne veulent pas que l’Algérie avance.
    C’est ce qui se passe avec le Hirak actuel…Rachad veut s’accaparer du mouvement du peuple Algérien.
    Piller les révolutions du peuple Algérien est devenu une seconde nature des pseudo-Algériens. FOUTAISE.

    Bel hommage
    27 septembre 2020 - 13 h 33 min

    Juste un grand merci pour cet article, juste vrai et sincère.
    Que Monsieur Lemkami repose en paix.

    Mahmoud
    27 septembre 2020 - 13 h 18 min

    … Allah Yerahmou

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