Un maire d’origine maghrébine malmène les «spécialistes qui éructent à la télé»
Par Nabil D. – Le maire de Trappes, une banlieue de l’Ouest parisien, a prodigué une véritable admonestation aux «chroniqueurs» de la chaîne d’information en continu CNews. A la question posée sur un ton condescendant par un de ces «experts», «je me demande si vous avez bien pris conscience vous-même, là où vous êtes, de l’emprise de l’islam politique, de l’emprise même peut-être de la charia dans certains lieux de votre territoire ou, en tout cas, dans les territoires perdus de la République pour ceux qui veulent bien voir cela», Ali Rabeh a répondu sèchement et avec des arguments-massues : «Ce que vous dites là et les mots que vous utilisez, cela fait des années que vous brassez du vent en exprimant des messages comme ceux-là et vous ne connaissez rien à la réalité du terrain, parce que vous n’y mettez jamais les pieds.»
L’élu français originaire du Maroc a ajouté, sur un ton tout aussi sec : «Donc, quand vous racontez des choses pareilles à une heure de grande écoute, laissez-moi vous dire que la charia, ça n’existe pas à Trappes. La loi de la République permet d’embastiller, d’embarquer, de condamner les personnes qui, éventuellement, voudraient faire appliquer la charia en France, [cette loi], il faut l’appliquer avec la plus grande fermeté !»
Le maire de Trappes a poursuivi en invitant ses interlocuteurs à agir de façon concrète plutôt que commenter l’actualité sans aucune utilité : «Mais battez-vous avec moi pour qu’on ait des policiers à Trappes, bon sang ! Arrêtez de raconter des absurdités à la télévision ! Battez-vous pour qu’on multiplie par quatre mes effectifs de police ! Parce que, quand à Trappes il faut espérer une semaine pour pouvoir déposer une plainte car on n’a pas assez d’agents au commissariat de police, quand on a trois patrouilles qui circulent la nuit pour 169 000 habitants sur notre territoire, c’est ça le scandale : la République qui déserte, qui n’est pas là, qui n’est pas sur le terrain pour être incarnée fortement, quand on n’a pas les meilleurs enseignants dans nos écoles», s’est-il indigné.
S’adressant à ces spécialistes, ce fils d’émigré marocain élu sur la liste d’union de la gauche Génération·s, PCF, EE-LV, a estimé que «ces gens qui éructent à la télévision sont des gens qui ne connaissent rien, absolument rien à la réalité du terrain. Ce sont ces spécialistes des plateaux télé, spécialistes des 7e et 16e arrondissements de Paris qui viennent faire la leçon à des gens qui sont tous les jours confrontés aux difficultés. J’ai en face de moi des espèces d’ignares qui ne connaissent rien aux réalités du terrain, qui n’ont jamais exercé la moindre responsabilité et qui adorent agiter des bras».
Répondant à une question sur le nombre de musulmans qui représenteraient 70% des administrés de la commune de Trappes, Ali Rabeh a affirmé que «sur cette statistique, personne n’est capable de donner un pourcentage en fonction de la confession parce que ces statistiques sont interdites en France». «Je me garderai bien de porter un jugement comme celui-là sur le nombre de catholiques qu’il y a à Versailles», a-t-il ajouté sur un ton sarcastique. «Il y a évidemment à Trappes comme dans d’autres communes en France une forme de ghettoïsation qui aboutit à ce que parfois des réflexes séparatistes soient privilégiés par une partie de la population. Une partie qui est marginale, mais cela peut aboutir aussi à créer des difficultés sur le terrain», a encore affirmé le maire. Et de rappeler cette vérité : «Ceux qui sont sur les premières lignes pour y faire face, pour s’y confronter, pour y incarner la République, ce sont les maires, ce sont les agents de police sur le terrain, ce sont les enseignants dans les écoles, ce sont les militants et les bénévoles associatifs qui mériteraient d’être soutenus plutôt que d’agiter des débats au niveau national avec des projets de loi inutiles qui viennent encombrer le débat médiatique mais qui n’apportent aucune solution pratique.»
Pour Ali Rabeh, le projet de loi sur les séparatismes est lié au rendez-vous électoral de 2022. «Les maires de banlieue sont vaccinés par rapport aux paroles politiques qui sont complètement démonétisées et qui décrédibilisent l’action politique en général. Le président Macron engage un débat, comme par hasard, pour fin 2020 pour un projet de loi qui sera adopté fin 2021. Autrement dit, à six mois de l’élection présidentielle. En pleine campagne pour cette échéance, la seule volonté politique que j’y vois, c’est celle de polariser le débat entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, de braconner sur les terres de l’extrême droite. Macron s’y brûlera les doigts parce qu’au final ça ne profitera qu’à l’extrême-droite», a-t-il conclu.
N. D.
Comment (18)