Considérations sur le Front patriotique

peuple forces sociales
Il faut fédérer les forces patriotiques au plus vite pour mener le peuple algérien au bon port. PPAgency

Par Kaddour Naïmi – Comme promis à la fin de la contribution précédente (1), voici le complément. Il s’agit de considérations banales élémentaires, mais utiles à rappeler et discuter. La méthode d’examen consiste à s’efforcer de poser correctement un problème afin d’en trouver ou d’entrevoir la solution adéquate.

L’histoire des peuples enseigne : quand une nation est menacée par une agression étrangère, les forces sociales internes sont contraintes de constituer une alliance entre elles pour dissuader, sinon affronter ensemble leur ennemi commun.

Toute nation est constituée de forces sociales antagonistes ; elles se manifestent dans des domaines particuliers.

Domaine économique

Les principales forces sociales sont composées, d’une part, d’une minorité de propriétaires, privés ou étatiques, de moyens de production et, d’autre part, d’une majorité de travailleurs. Les premiers exploitent les seconds afin d’en tirer le maximum de profit économique, tandis que les seconds vendent leur force de travail, physique et intellectuelle, aux premiers en cherchant à obtenir le prix, le meilleur, afin d’assurer leurs conditions matérielles d’existence. Cet antagonisme est, par conséquent, source de conflits sociaux.

La minorité de détenteurs, privés ou étatiques, de moyens de production forment deux catégories.

La première est consciente qu’une intervention étrangère la privera de la possession de ses moyens de production pour les attribuer à des propriétaires qui financent l’intervention étrangère, principalement des multinationales. Par conséquent, cette minorité de capitalistes nationaux, privés ou étatiques, est obligée de s’opposer à une intervention étrangère, donc elle est partie prenante d’un Front patriotique national.

Par contre, les propriétaires non pas de moyens de production mais d’organisations d’import-export, donc compradores, dépendent de propriétaires, privés ou étatiques, étrangers. Ces derniers fournissent les produits que les premiers vendent sur le marché national, en tirant le maximum de profit. Cette catégorie de compradores a, donc, tout intérêt à jouer le rôle de mercenaire, de harki de l’intervention étrangère. Il est donc illusoire d’en attendre un comportement patriotique national.

Domaine ethnique

Outre à ce conflit principal dans le domaine économique peuvent exister des conflits secondaires. En Algérie, ils se manifestent, d’une part, dans le domaine ethnique : l’opposition entre ce qu’on appelle berbérophones et arabophones, les premiers réclamant des droits que les seconds leur contestent, chacun se réclamant d’une histoire passée, contestée par l’autre. Là, aussi, deux catégories existent.

La première est formée de berbérophones et d’arabophones qui, tout en défendant leurs positions réciproques, considèrent néanmoins qu’ils vivent dans une nation qui leur appartient à tous, donc ils veulent régler leurs conflits entre citoyens de cette même nation. Par conséquent, ils s’opposent à toute intervention étrangère, d’où qu’elle vienne.

Par contre, une seconde catégorie de berbérophones et d’arabophones estiment de leurs intérêts de se mettre au service d’oligarchies étrangères, dans le but de profiter de leur agression contre l’Algérie pour constituer une nouvelle caste dominant et exploitant l’Algérie. Les mentors étrangers respectifs de ces berbérophones et arabophones sont connus.

Domaine spirituel

Dans ce cas, l’opposition se manifeste entre partisans d’un Etat théocratique et partisans d’un Etat laïc. Là encore, deux catégories existent.

La première considère que les conflits entre les deux tendances doit trouver des solutions uniquement internes, donc s’opposent à toute agression étrangère. Cette catégorie est, par conséquent, patriotique.

On objecterait : «Toute théocratie est antipatriotique !» Des exemples infirment cette assertion : le Hezbollah libanais et la théocratie iranienne sont anti-néocoloniaux, donc patriotiques.

A l’opposé, considérons l’affirmation : «Tout partisan de la laïcité est patriotique !» Des exemples infirment cette assertion : les oligarchies néocoloniales se réclament toutes de la laïcité ; pourtant, elles agressent toute nation où elles visent à s’emparer de leurs ressources premières et de leurs territoires pour y installer des bases militaires.

En outre, des Algériens se réclament de la laïcité tout en assumant le rôle de mercenaires, de harkis d’oligarchies néocoloniales étrangères. L’exemple le plus connu est l’auteur des articles, rétribués, dans Le Point français, le New York Times et le Washington Post, organes connus comme émanations d’oligarchies néocoloniales. (2)

Le dénominateur commun

Les considérations précédentes permettent de savoir quelles sont les forces sociales qui, bien qu’opposées par leurs intérêts spécifiques, ont cependant l’intérêt commun à créer une alliance pour s’opposer à toute agression néocoloniale contre la nation algérienne. Ces forces sont les suivantes : 1- les capitalistes nationaux, privés ou étatiques, 2- les travailleurs, bien entendu, 3- les Berbérophones et Arabophones patriotes, 4- les théocrates et laïcs patriotes.

Certes, chaque catégorie défend ses intérêts spécifiques ; toutefois, dans le même temps, elle défend l’intérêt commun. (3) Il est principal pour dissuader ou affronter une agression étrangère, par nature néocoloniale.

Leurs adversaires antipatriotiques sont déjà – soulignons-le «déjà» – constitués en alliance. Voici les composantes : des oligarchies néocoloniales étrangères et leurs agents harkis internes : la bourgeoisie et petite bourgeoisie compradore, les berbérophones procolonialisme israélien, les arabophones pro-oligarchies turques ou moyen-orientales.

C’est dire combien, à présent que les menaces néocoloniales contre l’Algérie deviennent de plus en plus évidentes, et leur alliance consolidée – soulignons «consolidée» –, les composantes patriotiques doivent chacune prendre conscience de faire attention au contenu de leurs polémiques. Elles doivent éviter le piège de tout projet envahisseur : diviser pour dominer. Par conséquent, ces polémiques doivent être subordonnées à la nécessité de constituer une alliance commune.

Hélas ! On constate que trop de personnes et personnalités, se considérant intelligentes en matière politique et sociale, et désirant de bonne foi la démocratie en Algérie, se plaisent à des polémiques qui ne font qu’augmenter les divisions au sein du peuple algérien et, donc, favoriser une agression étrangère. Ces personnes et personnalités devraient manifester moins de «fierté», en pratiquant l’humble sagesse d’apprendre avant de prétendre enseigner, donc étudier comme il se doit les mouvements sociaux, les révolutions populaires et les agressions étrangères.

L’existence d’une alliance sous forme de Front ne signifie pas le renoncement par les forces en présence de la défense de leurs intérêts spécifiques, mais de considérer ces derniers comme secondaires par rapport à l’intérêt principal : le droit absolu et intangible du peuple algérien à disposer de lui-même pour la solution de ses problèmes, droit contenu dans la Charte des Nations unies.

Conclure que cette stratégie d’alliance, dans l’Algérie actuelle, «fait le jeu du pouvoir en place» prouve soit l’ignorance des conditions de confrontation entre une nation menacée et l’armée étrangère qui vise à l’agresser, soit une manipulation pour empêcher la constitution de cette alliance patriotique. En outre, rappelons un fait incontestable : malgré tous les reproches légitimes à faire aux autorités étatiques actuelles, elles résistent aux diverses oligarchies néocoloniales, d’où les menaces qui pèsent sur l’Algérie.

Résultat

Il est impossible de savoir qui tirera le plus de profit d’une alliance patriotique. L’observation empirique montre que ce sera la partie qui aura deux caractéristiques : la meilleure organisation et l’hégémonie idéologique sur le peuple. Exemples. A Cuba, l’alliance patriotique contre la marionnette de l’impérialisme états-unien, Battista, et au Viet Nam la constitution du Front national de libération, contre la marionnette du même impérialisme, Diem, se conclurent par la victoire de la partie marxiste sur la bourgeoise nationale. Par contre, en Iran, l’alliance patriotique qui renversa la marionnette de l’impérialisme, le Shah, déboucha sur la victoire de la partie théocratique au détriment de celle laïque.

En Algérie, le Front de libération nationale vit, à l’indépendance, la victoire de la composante ambitieuse de pouvoir et d’enrichissement. Elle édifia un capitalisme d’Etat maquillé en «socialisme» ; sa «spécificité» était constituée par une idéologie ethniquement arabe moyen-orientale et idéologiquement cléricale ; cette dernière était puisée non pas dans la tradition musulmane ouverte aux sciences et socialement tolérante (Ibn Rochd), mais dans la tendance obscurantiste et totalitaire (Al-Ghazali).

Ces exemples, issus de nations différentes, montrent ceci : chaque composante d’une alliance patriotique s’active parallèlement pour conquérir à son profit l’hégémonie au sein de l’alliance. C’est une réalité dont il faut tenir compte. Elle prouve la difficulté et la complexité du fonctionnement d’un Front patriotique, sans en atténuer l’indispensable nécessité, ni garantir quel en sera le résultat, une fois la menace ou l’agression étrangère éliminée.

Mieux vaut prévenir que guérir

Attendre le déclenchement d’une agression étrangère pour constituer un Front commun serait manquer de prévoyante sagesse. La meilleure garantie pour dissuader l’ennemi étranger d’entreprendre son agression est la constitution la plus rapide d’un Front commun patriotique. Dans toute menace d’agression, le temps est un facteur déterminant, donc la rapidité de la décision à prendre. D’autant plus, rappelons-le, que l’adversaire néocolonial et ses harkis disposent déjà de leur alliance.

En agissant avec prévoyante sagesse, le peuple algérien et ses dirigeants authentiques ne garantiront pas seulement l’indépendance nationale, mais donneront l’exemple aux autres peuples, à commencer par les plus proches géographiquement. Là serait la légitime fierté du peuple algérien, outre à celle d’avoir mis fin à l’infâme et criminel colonialisme. L’autre fierté est celle d’être solidaire de tout peuple menacé ou agressé par l’infâme et criminel néocolonialisme, quelle que soit sa forme, à commencer par le peuple palestinien.

K. N.

[email protected]

1- http://kadour-naimi.over-blog.com/2020/10/distinguer-entre-adversaire-principal-et-secondaire.html

2- Voir «Pourquoi le NYT s’est payé un néo-harkisme ?» et «Dans le Washington Post, le néo-harkisme algérien», in «Contre l’idéologie harkie – Pour une culture libre et solidaire», librement disponible in http://www.kadour-naimi.com/f_sociologie_ecrits_ideologie_harkie.html

3- Une prochaine contribution examinera une autre forme, complémentaire, d’intérêt commun.

Comment (5)

    Elephant Man
    12 octobre 2020 - 9 h 23 min

    Excellente conclusion.
    VIVE LA PALESTINE LIBRE VIVE LA RASD LIBRE

      Anonyme
      12 octobre 2020 - 12 h 03 min

      Vive d’abord l’Algérie…

    Anonyme
    12 octobre 2020 - 8 h 56 min

    @Casbi En te comparant à la Libye et en voulant éviter de finir comme elle, tu confirmes la nature dictatoriale de ce régime et tu donnes raison à ceux qui veulent le chasser!! A l’avenir, choisis mieux tes arguments car tu n’es pas sur Facebook où tu peux raconter n’importe quoi à des jeunes n’ayant aucune notion de la politique…

    Casbi
    11 octobre 2020 - 20 h 45 min

     » Mieux vaut prevenir que guerir  ». Avec une prevention et anticipation des evenements de Benghazi, l’Algerie n’aurait pas les problemes de securite que nous avons maintenant a nos frontieres de l’Est. Le travail de nos ambassadeurs , diplomates, attaches militaires ne se limite pas au shopping pour la famille mais a l’anticipation des evenements dans le pays ou ils sont places. Notre attache militaire a Tripoli aurait du faire son travail et alerter nos autorites a temps afin de permettre une intervention avant que les traitres de Benghazi ne fassent appel aux vautours. Notre action aurait ete legitime puisqu’a la demande du gouvernement de Gaddafi Allah Yarahmou. Je rappelle que les vietnamiens n’avaient pas hesite a envahir le Cambodge et eliminer PolPot qui menacait la securite du Vietname, malgre les menaces de sanctions des vautours qui avaient eux memes cree le Khmer Rouge, comme ils ont cree ISIS et les Casques Blancs.

      Elephant Man
      12 octobre 2020 - 9 h 20 min

      @Casbi
      Benghazi c’est de l’enfumage occidentalosioniste BHL Sarkozy Gueddafi Allah Yarhmou n’a jamais massacré la population.
      Pour rappel, pendant une décennie, le Roi Idriss va vendre le pétrole libyen à 30% du prix mondial. Le peu d’argent obtenu sert essentiellement à l’enrichissement personnel du Roi et ses proches. Le 1er septembre 1969 un jeune officier militaire de moins de 30 ans le Guide le Colonel Gueddafu accède au pouvoir après un coup d’Etat contre le Roi Idriss. Comme première décision, Gueddafi décide
      de fermer les bases militaires étrangères dans son pays. Il augmente le prix du pétrole libyen qu’il a tôt fait de nationaliser. Les importantes sommes d’argent générées par la vente du pétrole désormais mieux vendu sont investies pour développer la Libye.
      Sous Gueddafi, le taux d’alphabétisation est passé de 10% en 1969 à 88% en 2011. L’espérance de vie à la naissance a progressé de 57 ans en 1969 à 74 ans en 2010. Avant son assassinat, Gueddafi avait porté le PIB de la Libye à 12 062 dollars US par habitant. Les Libyens bénéficiaient d’un crédit de 20 ans sans intérêts pour construire leur maison. Les nouveaux mariés recevaient 64 000 dollars pour acheter leur appartement conjugal. L’Etat accordait une aide financière de 20 000 dollars aux Libyens qui lancent une activité privée susceptible d’impacter positivement sur l’économie du pays…
      Sur le plan africain, le Colonel Gueddafi a permis au continent d’avoir son tout premier satellite en déboursant la somme de 300 millions de dollars en 2006 pour permettre à l’Afrique de disposer d’un satellite, nécessaire pour la téléphonie bon marché et pour la télévision à large échelle. Il ne s’arrête pas en si bon chemin. Gueddafi constitue une réserve de 30 milliards de dollars pour financer la Banque centrale africaine (Nigéria), la Banque africaine d’Investissements (Syrte) et le Fonds monétaire africain (Yaoundé).

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