Empruntons à nos enfants la pureté dans ce monde pourri !
Par Dr Abderrahmane Cherfouh – C’est la rentrée scolaire pour nos bambins. Ils viennent juste d’achever un été, cloîtrés à la maison, sans plage et sans vacances, confinement oblige. C’est à se demander si ce ne sont pas eux qui sont les premiers à attaquer aussi la rentrée sociale alors que le pays semble figé et paralysé par la pandémie du coronavirus et par la crise économique qui s’annonce désastreuse pour le pays.
On a tous le cœur gros quand on les voit joyeux, bien habillés et portant amoureusement leurs cartables. Comme leurs parents devaient être fiers d’eux ! Quels parents ne le seraient pas ? Quelque part, au fond de nous, nous voulons tous des enfants parfaits qui réussissent à la perfection, des enfants qui performent et s’élèvent au-dessus des autres. Comme si notre réussite comme parents dépendait uniquement du succès de nos enfants à l’école, dans leurs loisirs et, plus tard, dans leur travail.
Pour certains d’entre eux – ceux de la première année –, c’est le début d’une nouvelle vie, d’une nouvelle expérience. Ils vont rencontrer pour la première fois leurs instituteurs qui ne doivent pas badiner avec la discipline rigide comme l’usage le veut, malheureusement, chez nous, les professeurs voulant s’imposer dès le départ. De nouvelles classes, de nouvelles directives et le défi de gober de la matière encore plus lourde et plus avancée que l’année précédente. Et il faut réussir.
Cruel paradoxe
Dans un monde politique pourri, dans un monde où tout se négocie, où tout s’achète, dans un monde où la trahison, le retournement de veste, l’hypocrisie règnent en maîtres absolus, dans un monde où la corruption a été érigée en institution, où tout se monnaye, y compris la destinée de tout un peuple, sans aucune honte et sans scrupules, nos chérubins continuent à défier le temps et nous donner des leçons de courage et d’abnégation. C’est beaucoup pour ces tout-petits qui, en un seul jour, passent de la grande oisiveté estivale à la stricte réglementation scolaire.
Souvent, quand les adultes parlent de guerre, de corruption, de Bouteflika et de son frère, d’Ouyahia, de Sellal, de Haddad, du FLN, du RND, de Ghoul, des milliards détournés, je pense à ces petites oreilles chastes et innocentes qui entendent toutes ces horreurs et qui doivent bien s’attendre à ce qui les attend plus tard. C’est bon de les garder loin des luttes partisanes, loin du monde traumatisant des adultes.
Malgré eux, ces enfants vont évoluer dans un monde sans démocratie, dans un monde dominé par le déni de droit et le piston, dans un monde où ils ne peuvent pas s’épanouir correctement et montrer leurs aptitudes. Un monde sans justice où dominent le culte du chef, le fait du prince, le parti pris, l’absence de toute transparence et de toute objectivité. Un enfant, c’est l’insouciance ; il est apolitique. Tout ce qui l’intéresse, c’est apprendre à lire, à écrire, à s’amuser, à jouer, à découvrir, à se faire des amis. Il ne connaît ni le communisme, ni le capitalisme, ni les convictions religieuses des uns et des autres, ni le FLN, ni le RND, ni le FFS, ni le MSP et tous ces partis islamistes. Un enfant n’a pas besoin d’être embrigadé ou subir un lavage de cerveau. Il a besoin d’être protégé, bien conseillé, bien logé, bien nourri, bien habillé.
Et dire que, de nos jours, beaucoup de nos enfants continuent d’être malheureux et tristes, surtout ceux, dans les zones rurales notamment, dont les parents n’ont pas suffisamment de moyens pour leur assurer le transport et font parfois plusieurs kilomètres, souffrant le martyre pour arriver en classe. Le transport continue toujours de hanter parents et écoliers et c’est un problème récurrent que les autorités ont toujours négligé et n’ont jamais voulu résoudre, ou bien ils sont incapables de lui trouver une solution adéquate.
L’affaire des pupitres vétustes exposés par la courageuse enseignante au wali d’Oran et qui a fait le tour de l’Algérie en est la parfaite illustration. Par ailleurs, un nombre croissant d’élèves arrivent en classe presque le ventre vide, fatigués par le long trajet et la lourdeur des cartables, et s’entassent dans des classes non chauffées pendant l’hiver.
Espérons que les choses évolueront dans le bon sens et que nos enfants bénéficieront d’un environnement plus sain pour grandir tranquillement. Souhaitons-leur un avenir radieux.
Nos enfants ont leur stress, eux aussi. Il faut les protéger et bien les entourer. Nos enfants, c’est notre plus grande richesse, notre plus grand trésor, le plus beau cadeau. Ils sont notre oxygène, ils sont la vie et la vie c’est l’espoir et beaucoup d’espoir repose sur leurs frêles épaules. Essayons de ne pas les étouffer, de ne pas les traumatiser davantage. Laissons-les vivre dans leur univers, profiter de leur enfance, en toute innocence.
A. C.
(Canada)
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