Quand un chanteur juif marocain révélait comment était pillé l’art hawzi algérien
Par Kamel M. – Marcel Botbol révélait dans une interview comment les musiciens marocains «piquaient» la musique algérienne, en attirant de grands noms de la chanson andalouse dans un traquenard au Maroc. «Avant, il n’y avait ni cassette ni rien, pour connaître une chanson, il fallait payer», affirmait le grand chanteur et musicien marocain décédé cette année à Paris des suites du Covid-19. «Si quelqu’un avait appris une chanson, c’est qu’il revenait d’Oran ou de Tlemcen», a-t-il confié.
La révélation du chanteur juif marocain natif de Fès a ajouté qu’il fallait, pour pouvoir obtenir les paroles et la musique d’une chanson andalouse, «inviter la personne qui la maîtrisait chez-soi, la bochonner et l’amadouer en chérissant l’espoir qu’elle accepte de partager les paroles et l’air avec son hôte (intéressé]», a-t-il confessé. «Les plus grands noms de la chanson algérienne sont venus à Fès et mon père les a invités chez nous», a encore confié le défunt Marcel Botbol qui a cité Abdelkrim Dali et Mustapha Skandrani.
«Nous n’avions aucun autre moyen pour apprendre, il n’y avait même pas de radio à l’époque», a ajouté le chanteur issu d’une famille d’artistes de confession juive, célèbre au Maroc. Le fils de l’artiste Jacob Botbol et frère du chanteur Haïm Botbol a insisté sur le fait qu’il fallait entourer les paroliers, les musiciens et les chanteurs algériens par des attentions adroites pour arriver à leurs fins. «Ce n’est que très difficilement que nous réussissions à les convaincre de lâcher du lest», a révélé le chanteur, en ajoutant, non sans fierté : «Nous avons montré, lors d’une soirée à Paris, à Mustapha Skandrani et Abdelghani Belkaïd, de l’Opéra d’Alger, ce que nous avalions dans l’art qui est le leur à l’origine.»
Marcel Botbol devait, par sa confession, mettre fin, en quelque sorte, à la polémique sur la paternité du raï et d’autres genres musicaux dont se prévalent les Marocains, bien que le Maroc ait ses propres monstres sacrés de la chanson marocaine engagée (Nass El-Ghiwan et Jil Jilala), chaâbie (Najat Attabou), orientale (Abdelwahab Doukali et Abdelhadi Belkhayat) et amazighe (le défunt Mohamed Bouricha). Des chanteurs écoutés, adulés et respectés en Algérie, sans complexe aucun.
K. M.
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