Des vœux pieux «Montebourg battant»
Par Boualem Snaoui – En cette période, on émet des vœux et on en reçoit d’amis(es), de camarades, de proches, de membres de sa famille ; c’est la tradition, et on n’a pas à s’en méfier puisqu’on est détendu. Malheureusement, la vie nous réserve toujours des surprises, et on reçoit certains vœux qui ne passent pas. Recouverts d’un joli papier cadeau, pour vous faire saliver, ils ont emprunté le même canal bancal que celui des révolutions de pacotille qui ont jeté des peuples entiers dans la misère, la guerre, les destructions, l’exode et l’horreur.
Quelle n’a pas été ma surprise lorsque j’ai pris connaissance des vœux d’Arnauld Montebourg, désigné «grand manitou» de l’association France-Algérie, en date du 1er janvier 2021. Une lettre courte, dense, lourde de sens et qui vous met en alerte de ce qui se trame encore dans les coulisses contre l’Algérie et son peuple. Chaque mot a un sens et trouve sa place dans une combinaison mathématique de la politique des fluides. Même Georges Soros, patron de l’OSF (Open Society Foundations) de Soros et inventeur de la stratégie des «révolutions colorées», des «révolutions du sourire» et des «révolutions culinaires», n’aurait pas fait mieux. Le message est clair, on ne lâche pas sa proie pour l’année à venir.
Monté sur le perchoir bidirectionnel entre les deux peuples de France et d’Algérie, il proclame des vœux unilatéraux, dans le sens du vent, à destination du peuple algérien. Alors, la première question qui vous vient à l’esprit (pas encore tordu), est : «Pourquoi cet unilatéralisme ? Pourquoi le commandeur d’une association qui aurait pour objectif de réunir les bonnes volontés des deux rives adresserait-il des vœux uniquement à l’un des deux peuples et pas aux deux ? Et pourquoi choisir des vœux uniquement à destination du peuple algérien ? C’est du lard ou du cochon ?»
Ben oui, c’est comme ça, c’est un peu la tradition : même pour les vœux, on s’occupe des peuples l’un après l’autre, séparément, au risque de les voir se rassembler sous la même bannière de «Gilets jaunes». Vous imaginez le risque social ? Et les risques de contamination politique par ces temps de pandémie ?
Pour éviter donc les risques de contagion, «Montebourg battant» choisit d’envoyer des vœux unilatéraux, confectionnés spécialement pour le peuple algérien, dans les laboratoires des lobbys de la «printanisation des Républiques arabes, comme ceux d’Open Society Foundations (OSF), dirigée par le milliardaire Georges Soros, Endowment for Democracy (NED), la United States for International Development (USAID) et Freedom House. Il arrive après la bataille, et les ingrédients du vocabulaire insérés dans son courrier sont reconnaissables à des kilomètres : «liberté, mouvement populaire et démocratique, liberté d’opinion, liberté de manifestation, détenus d’opinion, liberté d’expression, liberté de la presse…» auquel le peuple de France n’est naturellement pas convié. C’est un peu comme avec les vraies invitations aux «vœux» politiques, pour ceux qui connaissent un peu ces cérémonies de salons, où le peuple de France n’est jamais convié aux petits fours, pourtant payés par ces derniers.
Dès la première phrase : «L’Association France-Algérie est heureuse de présenter au peuple algérien ses meilleurs vœux de paix, de prospérité et de liberté», on devine la théorie néolibérale du ruissellement des vœux. Le peuple de France est tellement gavé de paix, de prospérité et de liberté que notre guide se charge d’en faire bénéficier exclusivement le peuple algérien. Merci pour le cadeau, déjà reçu par la Libye, l’Irak, le Yémen, la Syrie, le Soudan… toutes ces Républiques auxquelles on a envoyé «la paix, la prospérité et la liberté». Qui en doute ?
En appelant à l’ouverture des frontières dans ses vœux unidirectionnels, ce titulaire du «perchoir France-Algérie» nous met la puce à l’oreille à propos «des soldats de l’armée de la société civile» qui s’apprêtent à se faufiler entre les citoyens pour aller distribuer les bananes révolutionnaires dans les rues d’Alger. J’ai appris, par le site spécialisé Fresh Plaza, que la société française Alpex, principal fournisseur de bananes à l’Algérie, a augmenté de 25% son volume d’exportation de ce «fruit révolutionnaire». C’est en prévision des déambulations révolutionnaires ?
Et comme pour appuyer ses vœux, dont la marque de fabrique «colorée» est reconnaissable, il insiste sur le renouveau «tant espéré et encore attendu» (lequel ?), «nouvelles idées» (lesquelles ?), «nouveaux talents» (il a des noms sous le coude ?). Dans ses vœux de plaidoirie, sans aucune retenue, il brandit les «fake news» des résolutions du Parlement européen (celle du 28 novembre 2019 et 26 novembre 2020) qui attirent justement l’attention par l’intrigante unanimité politique (allant de l’extrême droite à la gauche), jamais réalisée dans l’histoire mondiale et qui nous laisse pantois. «Montebourg battant» a sans doute la recette miracle pour nous expliquer comment des députés européens, de droite, de gauche, des Verts, de l’extrême droite, qui ne s’accordent sur aucune des politiques engagées par le Parlement et les Etats de l’UE, se sont spontanément rassemblés comme un seul «homme», bien sûr par hasard, sans hésitations et sans réticences, pour voter une résolution contre l’Algérie et son peuple. Comment des députés de «gauche» peuvent-ils porter le même bulletin de vote que des députés de «droite» et/ou «d’extrême droite» ?
J’ai déjà disserté récemment sur ce sujet sous le titre de «Parlement européen en ordre de bataille» contre l’Algérie.
Au-delà du fait que nous comprenons la marque de «fabrique démocratique» des sous-marins politiques, nous pouvons aussi leur faire constater, comme à l’accoutumée, que les mots «justice» et «droit» sont chassés de leur vocabulaire. C’est un peu comme le théorème des «droites parallèles» qui ne se rencontrent jamais, et qui puise sa démonstration dans la règle de «l’inversion des valeurs et des rôles».
Maintenant, on peut en déduire que si le peuple de France ne reçoit pas, cette année, les vœux de l’Association France-Algérie, c’est tout simplement qu’il est gavé de paix, de prospérité et de liberté. Il en a même à revendre, et c’est Arnauld Montebourg qui se charge, en exclusivité, de les acheminer par colissimo, au peuple algérien. C’est la théorie néolibérale de ruissellement des vœux. D’ailleurs, il ne se gêne pas pour parler au nom des «Français qui ont été admiratifs du mouvement populaire et démocratique qui, en 2019, a soulevé l’Algérie et marqué sa volonté de prendre en main sa destinée»; contrairement aux Algériens qui n’ont pas été admiratifs du soulèvement du peuple d’en bas habillé en «gilets jaunes» depuis octobre 2018 pour prendre en main sa destinée confisquée par le grand Capital.
En réalité, «Montebourg battant» avait déjà présenté ses vœux au peuple de France lorsqu’il était aux manettes des «bourses». Les vœux de Montebourg au peuple de France ont laissé des traces indélébiles dans la politique qu’il avait menée entre 2012 et 2014, avec, en main, les portefeuilles du Redressement productif, de l’Economie et du Numérique, avec les résultats économiques et sociaux catastrophiques que l’on connaît : destruction de 32 000 emplois en moyenne entre l’été 2012 et 2014 et presque 4 000 entreprises qui se sont déclarées défaillantes chaque année, des fermetures d’usines de taille, comme la raffinerie Petroplus, l’usine Goodyear d’Amiens-Nord, le site PSA d’Aulnay-sous-Bois… Et l’extinction des hauts-fourneaux d’Arcelor Mittal à Florange – son «échec le plus cuisant», échec aussi de la politique de relocalisation industrielle, y compris pour son modèle réussi de la fonderie Loiselet, à Dreux, qui a finalement fait faillite en décembre 2013 – seulement six mois après la visite de ce «sinistre social». Sans oublier les abattoirs Gad et le poids-lourd du transport Mory-Ducros.
Je ne sais s’il a fait valoir ses talents de communicant, cet ex-ministre du Redressement productif, pour succéder à Jean-Pierre Chevènement à la tête de l’Association France-Algérie, lui que tout le peuple de France (et d’ailleurs) a découvert dans un spot publicitaire, posant en marinière à la une du Parisien Magazine le 19 octobre 2012. C’était pour promouvoir le made in France, comme les vœux pieux du «Montebourg battant» d’aujourd’hui.
«Mon Dieu, gardez-moi de mes amis. Quant à mes ennemis, je m’en charge !» Voltaire ou Antigone II Doson ?
En attendant, quant à nous, on préfère présenter des vœux de ponts entre les peuples, et non pas de murs ainsi que le fait aussi Yasmina Kettal (1). Qui ne sera pas lu par Slimane Zeghidour, l’excellent «Columbo» de Tebboune sur TV5 monde (2).
B. S.
1- https://www.youtube.com/watch?v=jr6E2soLpho
2- https://information.tv5monde.com/video/ne-sait-pas-si-le-president-tebboune-est-en-algerie
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