L’étrange explication de l’avocat d’Ouyahia sur l’affaire des lingots d’or
Par Nabil D. – L’avocat de l’ancien Premier ministre a remis en cause la déclaration de son client sur les lingots d’or qu’Ahmed Ouyahia a affirmé avoir reçus d’émirs du Golfe et vendus au marché noir au prix mirobolant de 350 millions de dinars. Maître Amine Benkraouda a tenté de justifier les propos de l’accusé en laissant entendre qu’il aurait soit menti malgré lui, soit été poussé à le faire. En effet, l’avocat n’a pas été clair dans son explication absconse.
Me Benkraouda a-t-il évité d’aller jusqu’au bout de son raisonnement pour ne pas aggraver le cas de son client ou craint-il que davantage de révélations créent une crise diplomatique qui porterait atteinte aux intérêts du pays, sachant qu’Ahmed Ouyahia n’a dévoilé ni la source exacte de l’offrande qui lui a été destinée secrètement ni le receleur de ce bien qui revient normalement à l’Etat, le Premier ministre l’ayant obtenue dans le cadre de l’exercice de ses fonctions et non à titre individuel ?
L’avocat du prévenu a argué que son client a été placé en isolement depuis dix mois et que, dans ces conditions, «on peut dire n’importe quoi». Que signifie cette mise au point ? Ahmed Ouyahia a-t-il inventé cette histoire de toute pièce ? A-t-il halluciné ? Revient-il sur ses propos après avoir provoqué un séisme au sein de l’opinion publique et fait la Une de très nombreux médias internationaux vu la gravité de son allégation ? «Mon client est propre et l’histoire lui rendra justice», a tranché Maître Amine Benkraouda, pour étayer sa plaidoirie.
Que s’est-il passé à la prison d’Abadla, dans la lointaine wilaya de Béchar, pour que l’ancien directeur de cabinet d’Abdelaziz Bouteflika, éreinté par des mois de prison et des procès à n’en plus finir, ait pu craquer ? A-t-il voulu en finir avec son calvaire et pousser le tribunal à prononcer une peine définitive de sorte que son «cauchemar» se termine vite ? Il faut dire que l’état psychologique des deux anciens chefs du gouvernement, Ouyahia et Sellal, a été mis à rude épreuve, leur emprisonnement ayant été accompagné d’une campagne enragée sur les réseaux sociaux. Les internautes ont rendu leur verdict irrévocable avant même la fin des procès dans lesquels les deux anciens hauts responsables sont jugés pour des faits liés aux indus avantages accordés aux hommes d’affaires qui jouissaient des largesses de la présidence de la République sous Bouteflika, ainsi que le financement de la campagne électorale de ce dernier.
De nombreuses voix se sont élevées pour réclamer l’ouverture d’une enquête approfondie sur cette affaire de lingots d’or offerts par des responsables étrangers à de hauts fonctionnaires algériens, persuadés qu’ils sont qu’il est impossible que seul Ahmed Ouyahia ait pu recevoir des cadeaux d’une telle importance, tout en se demandant en échange de quoi les hauts dignitaires du Golfe ont mis la main à la poche pour graisser la patte de leurs interlocuteurs algériens.
Le démenti implicite et inintelligible de l’avocat d’Ahmed Ouyahia ne suffira pas à dissiper les doutes et encore moins à convaincre la justice et l’opinion publique de la «normalité» d’un tel fait révélé par le concerné lui-même. La justice devra démêler l’écheveau. Que le prévenu soit inculpé ou innocenté, les Algériens sont en droit de connaître les tenants et aboutissants de cet épisode échevelant.
N. D.
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