Boulet colonial
Par Mrizek Sahraoui – C’est ce mercredi que l’historien Benjamin Stora doit remettre son rapport à Emmanuel Macron sur «les mémoires de la colonisation et de la guerre d’Algérie», accompagné de propositions visant «une nécessaire réconciliation». Le Président français avait confié, en juillet dernier, à Benjamin Stora la mission consistant à «dresser un état des lieux juste et précis du chemin accompli en France sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie».
L’historien, spécialiste reconnu de l’histoire contemporaine de l’Algérie, est crédible sur ces questions pour mener à bien une telle mission. Louable au demeurant et dont, d’ailleurs, on peut se convaincre que les propositions qui en découlent et qui seront rendues publiques, ce mercredi, pourront servir de base pour l’écriture des mémoires sans tabou, sans gêne et, surtout, sans triturer et tronquer la vérité historique. Et sans crainte, aussi, des lutins hurleurs habituels apologétiques de l’histoire coloniale française.
Le rapport Stora doit déboucher sur des gestes concrets, sans quoi ce serait l’énième vain essai qui aura servi uniquement et comme à chaque fois à nourrir le débat à visées politiciennes et électoralistes. La France, la République en accusation, doit battre sa coulpe. Mais si elle persiste dans le déni, elle ne fera que traîner le boulet colonial, condamnée à coltiner l’infâme culpabilité de crime contre l’humanité.
Emmanuel Macron a une occasion historique pour se saisir sérieusement, sereinement de la question du passé colonial de la France, pour lui et pour les générations à venir. Pour cela, il faut sortir du fallacieux argument du «rôle positif» de la présence française dans ces anciennes colonies, notamment en Afrique du Nord. Argument que ne manquent pas de brandir les nostalgiques de ces temps-là à chaque occasion et à chaque tentative de réconciliation des mémoires qu’eux préfèrent sélectives.
Sélectives, en effet, quand on entend les falsificateurs et autres braillards s’égosiller sur les plateaux de télévision française, affirmant ex cathedra au mépris de la réalité historique dûment attestée : «En 1830, l’Algérie c’était rien du tout. La France a construit des ponts, des routes, des hôpitaux.» Mais oubliant les crimes de masse commis sur des populations civiles, la torture généralisée comme moyen plus rapide d’arracher des «aveux», outre bien sûr la spoliation des richesses.
Pour rétablir les faits et en finir avec le mythe d’une «mission civilisatrice», voilà une occasion inouïe pour Emmanuel Macron d’offrir à la France la possibilité de se décharger du lourd fardeau de son histoire coloniale, difficile à porter, le reconnaît-il lui-même rien qu’en confiant cette mission à Benjamin Stora.
La véritable repentance est possible. Comme l’a fait Jacques Chirac en son temps en reconnaissant et assumant la responsabilité de l’Etat français dans la Shoah.
M. S.
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