La statue de Sheshonq, Camus et le conseil du Français au «peuple kabyle»
Par Abdelkader S. – Octave Larmagnac-Matheron est revenu sur l’affaire de la statue du roi Sheshonq dont la statue a été érigée à Tizi Ouzou à l’occasion du Nouvel An amazigh, Yennayer, suscitant une vive polémique sur l’origine du dynaste berbère dont l’Algérie, la Libye et l’Egypte se disputent la paternité. Le philosophe français s’interroge, dans un article paru dans Philosophie Magazine sous le titre «Camus, la Kabylie et le pharaon» : «Que fait donc un monument en l’honneur d’un pharaon (qui aurait régné entre 945 et 924 av. J.-C., et fondé la XXIIe dynastie et réunifié l’Egypte, rien de moins !) en plein cœur du Maghreb ?» «C’est que Cacnaq, comme on le nomme ici, serait d’origine berbère – comme la majeure partie des habitants de Tizi Ouzou», note-t-il.
«Si certains y croient fermement, d’autres sont plus dubitatifs», relativise Octave Larmagnac-Matheron, qui se remémore un travail journalistique œuvre de l’auteur de L’Etranger. «Du 5 au 15 juin 1939, Albert Camus réalise une série de reportages en Kabylie pour le journal Alger républicain. Ils sont rassemblés sous le titre Misère de Kabylie (Domens, 2020). Camus y brosse le portrait, émouvant, d’un peuple plus marginalisé encore qu’il ne l’est aujourd’hui», écrit le philosophe qui semble méconnaître la réalité sociologique de l’Algérie ou qui cherche à allumer le feu de la discorde entre Algériens. Si, en effet, pour lui, il existe un «contraste entre l’humilité des Kabyles et les dimensions monumentales de la statue» du pharaon qui côtoie les Genêts, «les peuples berbères représentent, pour Camus, la possibilité d’une démocratie réelle, une démocratie libertaire qui accepte et accueille la pluralité des hommes».
Ainsi, Octave Larmagnac-Matheron s’engouffre dans la brèche ouverte par Albert Camus qui voudrait que les Algériens de Kabylie seraient plus aptes à la «chose démocratique» que le reste de leurs concitoyens. «L’exemple de la Kabylie permet de penser une vie politique vraiment humaine, expurgée de son dogmatisme toujours un peu théologique, de ses idoles tyranniques. A condition, peut-être, que les Kabyles échappent à l’écueil de placer leur destin sous l’égide de héros pharaoniques», conseille le philosophe français qui joue insidieusement – ou inconsciemment, accordons-lui le bénéfice du doute – la carte du séparatisme que certaines officines attisent pour morceler l’Algérie comme cela est en train de se faire dans l’autre pays qui se revendique, lui aussi, de Sheshonq : la Libye meurtrie par la guerre civile ravageuse que lui a inspiré un autre philosophe français, en l’occurrence Bernard-Henri Lévy.
A. S.
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