Occasion ratée
Par Mrizek Sahraoui – L’on s’attendait à, au moins, voir se réaliser un pas en direction de la réconciliation des mémoires, on a eu droit qu’à un (petit) empan. Et encore. Remis à Emmanuel Macron et rendu public ce mercredi, le rapport final de la mission confiée à l’historien Benjamin Stora n’aura pas été à la hauteur des attentes ; c’est même tout juste si cela équivaut au minimum nécessaire à un examen lucide de l’écriture de l’histoire, de toute l’histoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie.
Les recommandations émises dans ce rapport, censées contribuer à donner corps à un processus de vérité et réconciliation, peuvent tout au plus servir à rouvrir le débat sur cet épisode sombre du passé colonial français. Finalement, loin de proposer des gestes forts de nature à lever le voile sur les injustices et les crimes commis, les propositions de Benjamin Stora sont de simples gestes qui auraient dû être accomplis il y a longtemps, n’eussent été les politiques d’un pas en avant, deux en arrière, selon les contextes. Une immense frustration et une occasion ratée donc.
Avant que Benjamin Stora remette son rapport, l’Elysée a indiqué que des «actes symboliques» sont envisagés, mais qu’il n’y aura «ni repentance ni excuses». Il eut fallu être d’une insondable naïveté pour croire que la France allait présenter des excuses ou qu’elle prenne le chemin de la repentance. Comme à son habitude, Macron a, cette fois aussi, fait du Macron, capable d’entrouvrir une porte, «en même temps» une main sur le cœur, l’autre sur le verrou.
Inutile d’entrer dans le détail des recommandations du rapport, finalement un non-événement. D’ors et déjà on sait que Macron a tranché en faveur du symbolique, politiquement moins périlleux qu’une appréciation in concreto de la façon dont il faut appréhender l’avenir après avoir mis en lumière le passé.
A l’évidence qu’il n’y a pas une volonté manifeste de la part du chef d’Etat français de solder les comptes. La date de remise des conclusions du rapport Stora, coïncidant – comme par hasard – avec le débat parlementaire sur la loi sur les séparatismes, laisse planer le doute sur la sincérité de la démarche du président Macron, qui, dans la perspective des élections présidentielles de 2022, est en train de faire s’imbriquer, l’une à l’autre, les thématiques à base desquelles sera bâti son programme électoral.
«L’avenir est une porte, le passé en est la clé», dit un jour Victor Hugo, ajoutons, surtout s’il est passé au crible.
M. S.
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