Raffinerie d’Augusta : un mandat d’arrêt international contre Ould-Kaddour ?
Par Nabil D. – La page Augusta achetée par Sonatrach du temps d’Abdelmoumen Ould-Kaddour est loin d’être tournée. Le Premier ministre, Abdelaziz Djerad, a, en effet, affirmé ce mercredi que l’affaire était en justice et qu’un mandat d’arrêt a été lancé contre le principal accusé, sans le nommer. La justice s’est autosaisie dans l’affaire de l’achat controversé de cette raffinerie située dans le sud de l’Italie. Les mises en garde répétées d’experts qui appelaient à annuler l’opération «avant qu’il soit trop tard» n’avaient pas été entendues. «N’achetez pas la raffinerie d’Augusta !» avait alerté l’ancien directeur général de Schlumberger North-Africa, Hocine-Nasser Bouabsa, dans les colonnes d’Algeriepatriotique en mai 2018.
Hocine-Nasser Bouabsa révélait que la compagnie américaine ExxonMobil essayait depuis plusieurs années de se débarrasser de sa plus grande raffinerie européenne à Augusta sans qu’elle puisse lui trouver un repreneur en raison de plusieurs facteurs. Il évoquait, notamment, la surcapacité par rapport à la demande en carburant en Europe, la vétusté de la raffinerie construite en 1949, l’emplacement de la raffinerie dans une région très polluée et la réaction de l’opinion publique locale, qui réclame la fermeture pure et simple de ladite raffinerie pour des raisons écologiques.
L’expert signalait, par ailleurs, des ramifications entre les syndicats et la mafia qui causent un facteur de coût supplémentaire non négligeable au détriment de la rentabilité et la délocalisation par beaucoup d’acteurs majeurs du raffinage, comme ExxonMobil et Total, de leurs activités en dehors de l’Europe.
Hocine-Nasser Bouabsa indiquait, en outre, qu’étant vieille de 70 ans la raffinerie Esso est en fin de cycle, en se référant à des sources qui affirment qu’elle doit fermer définitivement dans onze ans, en concluant que «le peuple et l’Etat algériens n’ont aucun intérêt dans l’acquisition de cette raffinerie».
Deux ans plus tard, soit en février 2020, le magazine des professions juridiques Le Monde du droit révélait que Sonatrach avait dû emprunter 250 millions de dollars pour entretenir la raffinerie d’Augusta, en Sicile. «Allen & Overy Paris a conseillé The Arab Petroleum Investments Corporation (APICORP), une institution financière multilatérale de développement, dans le cadre de deux facilités de crédit d’un montant total de 250 millions de dollars à Sonatrach Petroleum Investment Corporation (SPIC), une filiale de Sonatrach SPA, la compagnie nationale algérienne pétrolière et gazière», indiquait le média spécialisé.
De son côté, Abdelmoumen Ould-Kaddour a défendu son choix de racheter la raffinerie en ces termes, jugés dédaigneux par ses contradicteurs : «Mais de quoi se mêlent-ils ?» «J’ai passé 25 ans à étudier, je suis diplômé en génie chimique de l’Ecole nationale polytechnique d’Alger, j’ai fait MIT (Massachussets Institute of Technology), Harvard University (…). Avec toutes les écoles que j’ai fréquentées, on vient me dire aujourd’hui n’achetez pas ! De quoi se mêlent les étrangers ? (…) On est des professionnels !» avait-il martelé, visiblement agacé par les reproches de spécialistes qui ont décortiqué cette raffinerie et sérié tous les problèmes qu’elle connaît.
Ould-Kaddour prend comme ligne de défense l’urgence de réduire les importations des produits pétroliers raffinés. «Je trouve bizarre que personne ne se demande pourquoi Sonatrach n’a pas de présence importante à l’international ou, par exemple, ne fait pas de raffinage», a-t-il lâché, précisant que «Sonatrach a importé de 2011 à ce jour (2018, ndlr) plus de 16 milliards de dollars de produits raffinés». «On achète pour deux milliards de dollars par an de carburants. Jusqu’à quand ?» s’était-il emporté dans un entretien au Quotidien d’Oran, estimant que si l’Algérie a préféré importer que raffiner, c’est tout simplement parce qu’il n’y avait pas un responsable comme lui qui avait le «courage» de prendre la décision de raffiner en Algérie.
N. D.
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