Déchéance de la nationalité : un projet de loi sans Parlement pour l’adopter
Par Abdelkader S. – De nombreux observateurs de la scène politique nationale s’interrogent sur la dernière démarche du gouvernement Djerad qui s’apprête à promulguer une loi portant déchéance de la nationalité à ceux qui, à partir de l’étranger, mènent des entreprises déstabilisatrices visant l’Algérie. Une telle loi renforcerait les auteurs de ces actes dont il est dit qu’ils menacent la sécurité du pays et portent atteinte à son unité, dans la mesure où elle en ferait des apatrides qui seraient alors protégés par les lois internationales, estiment-ils.
Mais, hormis cette approche maladroite, indiquent ces observateurs, c’est surtout la procédure elle-même qui pose problème. En effet, le président de la République ayant dissous le Parlement, à qui le ministre de la Justice présentera-t-il sa mouture pour adoption ? De même, le chef de l’Etat a clairement signifié que le dernier remaniement du gouvernement, s’il a été «insignifiant», c’est parce qu’il ne pouvait changer l’Exécutif dans son entièreté à trois mois des élections législatives. Autrement dit, l’équipe actuelle est chargée de gérer les affaires courantes et de préparer cette échéance prévue pour fin mai ou début juin, conformément à la Constitution.
Abdelmadjid Tebboune se contredira-t-il en légiférant par ordonnance, tout en sachant que le gouvernement «provisoire» actuel, en fin de vie, n’est pas habilité à faire hériter à la nouvelle équipe qui sera issue de la prochaine Assemblée populaire nationale un texte de cette ampleur dont elle n’a été ni conceptrice ni approbatrice ? Plus grave, font remarquer ces observateurs, en agissant ainsi, le gouvernement Djerad laisse penser que l’issue des élections est déjà connue et que le pouvoir agit comme si le prochain rendez-vous électoral voulu par le président de la République n’est qu’un leurre.
Ce ne serait pas la première fois qu’un gouvernement non habilité constitutionnellement à promulguer des lois de cette importance agit de la sorte. La loi sur les hydrocarbures a été approuvée par l’APN au firmament du mouvement de contestation populaire. Le coup de force législatif opéré par l’ancien vice-ministre de la Défense, Ahmed Gaïd-Salah, véritable «chef de l’Etat par intérim» durant la période de transition qui a suivi la déchéance d’Abdelaziz Bouteflika, n’a, à ce jour, pas révélé tous ses secrets. Le rejet exprimé par des millions d’Algériens ne l’avait pas empêché de faire passer ce texte de loi décrié jusques et y compris par le ministre de l’Energie récemment remercié.
«Je n’étais pas d’accord pour que la nouvelle loi (la loi actuelle, ndlr) fût votée, elle n’est pas négative mais elle est à améliorer, nous allons essayer de rattraper cela avec les textes d’application et l’action sur le terrain», avait souligné Abdelmadjid Attar dans un entretien à nos confrères du Soir d’Algérie. L’ancien patron de Sonatrach mesurait son propos car tenu par l’obligation de réserve. Il venait d’être nommé deux mois plus tôt.
La même erreur va-t-elle être reproduite avec une loi en gestation qui, cette fois-ci, est orpheline d’un Parlement qui pourrait l’adopter ?
A. S.
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