Une «République fédérale» en Algérie ?
Contribution du Dr Abdelkader Saadallah – Certains en parlent, et cela devient même pour eux une idée fixe. D’autres ressortent même un Etat dit kabyle et d’autres mettent en avant un Etat islamiste, daéchien ! Ils oublient une chose de base, c’est que l’histoire va toujours de l’avant, et même quand la marche en avant piétine, c’est que le peuple cherche son chemin mais, en aucun cas, il ne veut revenir vers un stade ultérieur, dépassé et archaïque.
Cet Etat républicain fédéral que certains avancent, cela aurait pu être une solution au début des années 1960, qui a été une année charnière décisive dans la construction de notre nation algérienne. Car il est vrai que nous sommes encore en train de construire notre nation. Elle est avancée dans la construction, mais elle est aussi fragile pour supporter les dures épreuves qui surgissent poussées par les intérêts de groupes sociaux et/ou de l’extérieur avoisinant ou lointain.
Il faut, à mon avis, analyser en premier lieu l’état de notre société algérienne dans son contexte temporel. Dans les années 1940-50, le peuple algérien, sous dominance coloniale, était une société avec des structures tribales encore très fortes. Et le découpage que l’élite politique avait adopté du début des années 1950 répondait en gros à ce découpage. A la victoire finale, toutes les forces politiques et armées de la structure FLN-ALN étaient en compétition pour prendre le pouvoir. De telles luttes, partout dans le monde, et dans le temps, se soldent toujours par des luttes très dures, d’où ne sort qu’un seul vainqueur.
Le plus puissant, le plus préparé, le plus intelligent, le plus rassembleur, et dans notre pays, ce seul vainqueur était Boumediene à la tête d’une faction de la structure FLN-ALN, la plus préparée pour le combat, fratricide, certes, mais final. C’est ce courant nationaliste qui a réussi, en quelques mois, à avoir la situation sous son contrôle. On pourra toujours argumenter et dire que c’était un dictateur et tout ce que vous voulez. Mais il n’avait que confirmé la règle de construction des nations dans l’Histoire telle que nous la connaissons. La loi du plus fort s’impose, par le seul argument valable de ce temps : les armes !
Et, depuis, la nation a entamé un long chemin dans sa construction, faussement oui dans beaucoup de domaines. Mais le résultat est là : la société a changé. Dans tout cela, comment a évolué l’état de la société tribale algérienne ? Des brassages dans la douleur et dans le sang a été un des résultats importants. Déjà, la Guerre de libération a engendré des brassages énormes, les affrontements armés postindépendance ont fait la suite. La construction postindépendance avec les chantiers ouverts un peu partout, le Service national, la formation supérieure ont encore aidé le brassage de la population. Le sentiment patriotique s’est étalé et s’est renforcé encore plus, mettant en arrière-plan le sentiment tribal.
La guerre contre les islamistes armés a unifié, dans le sang et la douleur, la nation algérienne, tout en brassant une fois de plus la population. La cause amazighe, grâce à la lutte acharnée de ce courant identitaire national, et malgré la répression sanglante du système central, a encore unifié la nation puisque la langue amazighe devient la langue nationale soudée à la langue arabe. Et, finalement, le Hirak apporte, durant ces deux dernières années sa touche dans la construction avancée de la nation algérienne, car la lutte est devenue nationale, contre le mal numéro un : la corruption. Mais les problèmes existent encore car le système ne veut pas changer, il ne fait que se replâtrer, il cherche son chemin entre les forces archaïques persistantes et les forces de progrès nouvelles qui veulent aller au XXIe siècle.
Il nous appartient à toutes et tous de faire face ensemble à ces nouveaux challenges dans la construction de la nation algérienne, en ajoutant de nouvelles marches, plus conformes à la réalité de notre temps et de notre peuple. C’est le rôle de notre peuple tout entier, des générations responsables de notre temps, de ceux qui vivent de leur travail. Mais pas de revenir aux premières marches de ce long chemin laissé derrière nous !
A S.
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