Les dessous de la garde à vue du dirigeant du MAK Ferhat Mehenni à Paris
Par Houari A. – Double coïncidence qui fait trembler le MAK et Rachad. Ce n’est pas tant la décision du Haut Conseil de sécurité (HCS) de classer ces deux entités comme organisations terroristes qui inquiète le binôme Ferhat Mehenni-Larbi Zitout et ses fidèles, mais la réaction des autorités françaises qui, à chaque fois, interviennent concomitamment avec les décisions prises à Alger les concernant. La première simultanéité a jeté l’agent marocain Hichem Aboud dans les bras de la DGED au Maroc même, où il a été attiré dans un traquenard.
Dès la première annonce par les autorités judiciaires algériennes du démantèlement d’un réseau en relation avec une entreprise terroriste et la parution en France, le lendemain, d’un décret relatif aux ressortissants algériens réclamés par la justice dans leur pays, l’ancien capitaine révoqué des services a sauté dans le premier avion en direction de Casablanca, malgré la fermeture des frontières. Arrivé sur place, il lui sera remis une nouvelle feuille de route, le canon sur la tempe, qu’il est en train d’exécuter à la lettre. Amaigri, les zygomatiques avachis, crispé, on est loin de l’image de l’intervenant arrogant tirant sur tout ce qui bouge et dépitant ses mensonges avec une assurance et une aisance inouïes. C’est que l’acolyte de Ferhat Mehenni se sait désormais menacé d’extradition vers l’Algérie au moindre refus de se soumettre aux ordres de ses «protecteurs».
Nouvelle synchronie, le fondateur du mouvement indépendantiste a été convoqué par la police à Paris la veille de l’annonce de la décision du HCS de le mettre sur la liste des chefs terroristes dont l’Algérie demandera officiellement l’extradition dans les semaines à venir. Selon des sources concordantes, l’annonce de la haute instance sécuritaire algérienne n’a été faite qu’après la conclusion d’une enquête qui a duré plusieurs mois et à laquelle ont collaboré les services de renseignement des pays concernés, dont la France.
Le communiqué du ministère de la Défense nationale du 25 avril dernier, relatif au démantèlement d’une «cellule criminelle composée de partisans du mouvement séparatiste MAK, impliqués dans la planification d’attentats et d’actes criminels lors des marches et des rassemblements populaires dans plusieurs régions du pays, en sus de la saisie d’armes de guerre et d’explosifs destinés à l’exécution de ses plans criminels», recoupait des informations obtenues par Algeriepatriotique sur des agissements similaires de Rachad.
En effet, des sources informées ont révélé des achats d’armes pour le compte de l’organisation islamiste à partir de l’Allemagne. Des armes destinées à être acheminées vers l’Algérie, précisaient nos sources, qui ajoutaient que Rachad a collecté des fonds importants en Grande-Bretagne et en France. Ces fonds ont été envoyés à l’association turque IGMG – en allemand Islamische Gemeinschaft Melli Görüs – en Allemagne pour l’acquisition d’armes par l’intermédiaire d’un ancien membre du FIS dissous, qui a déjà été inquiété dans ce pays pour trafic d’armes au profit des groupes terroristes algériens dans les années 1990. Il s’agit d’un certain Abdelkader Sahraoui, qui entretient des relations étroites avec cette association turque dirigée par le régime islamiste d’Ankara.
L’Allemagne où, étrangement, le MAK aussi jouit de ses propres réseaux de collecte de fonds, dirigés par un compagnon de Ferhat Mehenni qui a visité Israël et fondé une association dénommée Deutsch-Kabylische Freundschaft (Amitié entre Allemands et Kabyles) dont le siège se trouve à Aufseßer Strasse, à Munich. Comme au Québec, en l’absence de reconnaissance officielle par les gouvernements étrangers, Ferhat Mehenni a créé des associations-écran pour ramasser de l’argent à l’insu des autorités. Des associations qui, affirment des sources sûres, ont tissé des relations étroites avec des islamistes algériens, anciens membres et sympathisants du FIS, réfugiés en Allemagne. Parmi celles-ci, la Fondation internationale de la diaspora kabyle (Fidek) qui est derrière plusieurs manifestations contre l’Etat algérien en France et en Suisse. Cette fondation est financée par la Fondation de France.
Le ministère de la Défense nationale avait, par ailleurs, parlé d’une «dangereuse conspiration ciblant le pays, fomentée» par le MAK. Or, ce dernier a scellé une alliance tacite avec les islamistes, de l’aveu même d’un membre dissident qui a affirmé que les deux mouvements activaient main dans la main en Kabylie pour faire front commun contre le pouvoir. D’autres anciens éléments du MAK ont accusé Ferhat Mehenni d’œuvrer à «islamiser la Kabylie». Les deux organisations agissent de pair pour pousser au pourrissement et à la confrontation entre les manifestants et les services de sécurité. C’est sur ordre de leur direction que les manifestants du MAK s’en sont pris aux agents de l’ordre ce vendredi à Tizi Ouzou pour, espéraient-ils, provoquer une réaction violente et leur en faire porter la responsabilité et justifier des émeutes, voire des échanges de coups de feu, comme cela s’était produit le 10 octobre 1988 à Bab El-Oued.
Début avril dernier, un dissident du MAK a accusé Ferhat Mehenni d’avoir fait fortune grâce à cette organisation, en expliquant que ce dernier détournait l’argent des taxes obligatoires pour l’établissement de la carte d’identité et du passeport «kabyles», ainsi que la confection et la commercialisation des fanions, des t-shirts et des drapeaux du MAK. «D’où le fils de Ferhat Mehenni tient-il l’argent qui lui a permis d’acheter un bistrot d’une valeur de 500 000 euros situé juste en face de la gare de Lyon [dans le XIIe arrondissement de Paris] ?» s’est-il interrogé. Plus grave, le chanteur dissident a qualifié le MAK d’organisation «extrémiste» et «terroriste» pour avoir été «menacé de mort» en raison de ses révélations.
H. A.
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