Le Monde appelle à faire preuve de «moins de naïveté» à l’égard du Maroc
Par Kamel M. – «Le moment est venu pour les Européens de signifier au Maroc que son crédit à l’étranger est entamé. Et que la défense de ses intérêts légitimes ne doit pas le dispenser de traiter décemment sa population – et ses voisins», écrit Le Monde dans un éditorial au vitriol contre le Makhzen. «En orchestrant un subit afflux migratoire dans l’enclave espagnole, Rabat a provoqué une grave crise avec Madrid et, par-delà, Bruxelles. L’épisode a jeté une lumière crue sur la véritable nature du régime marocain», s’indigne l’éditorialiste du quotidien français.
«Sous l’œil passif de la police marocaine, près de 8 000 Marocains, souvent très jeunes, ont réussi à se glisser en début de semaine à l’intérieur de l’enclave espagnole sur la côte septentrionale du royaume chérifien. Si la pression semblait s’être dissipée, jeudi 20 mai, après l’expulsion de 5 600 de ces migrants vers le Maroc, cet épisode va marquer durablement les relations entre Rabat et Madrid et, au-delà, Bruxelles», fait remarquer le journal français, selon lequel le lâcher de migrants vers l’enclave espagnole «a été mûri et mis en scène par les autorités marocaines, dont la police a quasiment montré la voie de Ceuta à une jeunesse en pleine détresse sociale».
Le Monde regrette que le régime de Rabat se soit comporté «en émule du président turc, Recep Tayyip Erdogan, ou de l’ex-guide libyen Mouammar Kadhafi, qui, à des époques différentes, n’ont pas hésité à jouer de l’arme migratoire en Méditerranée pour faire pression sur l’Europe». «L’attitude de Rabat, poursuit Le Monde, constitue un fâcheux précédent», en estimant que le Makhzen prend «un pari risqué» mû par une sorte d’arrogance «encouragée par le fameux deal de Trump, aux termes duquel Washington a reconnu la souveraineté marocaine [entre guillemets, ndlr] sur le Sahara Occidental en échange de la normalisation des relations entre le Maroc et Israël». «Le royaume chérifien s’est senti assez sûr de lui pour défier l’Espagne à Ceuta», écrit le quotidien socialiste.
Le Monde note que «la réputation internationale du Maroc en sort fortement dégradée», en ce sens que «les scènes d’adolescents et même de nourrissons risquant leur vie dans les eaux de Ceuta avec la complicité de la police marocaine trahissent le cynisme d’un pouvoir prêt à sacrifier froidement sa jeunesse sur l’autel de ses intérêts diplomatiques». Pour le média français, qui admet «la précarité sociale dans laquelle végètent des catégories entières de la population, à mille lieues du Maroc scintillant que certains thuriféraires se plaisent à vanter à Paris et ailleurs», «il est temps de sortir d’une certaine naïveté dans le regard porté sur le Maroc» dont «le capital diplomatique a trop longtemps occulté dans les chancelleries la réalité d’un pouvoir à l’inquiétante régression autoritaire».
K. M.
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