Non-inhumation des restes d’Amirouche et de Si El-Haouès : la raison révélée
Par Karim B. – La conjonction de deux facteurs complexes dans le contexte sensible d’après-guerre a empêché Houari Boumediene de porter en terre les restes mortuaires des colonels Amirouche et Si El-Haouès. «Nordine Aït Hamouda devrait en réalité savoir gré à l’ancien Président d’avoir fait l’effort de chercher l’endroit où les deux chefs historiques avaient été enterrés par l’armée française», a affirmé le journaliste Saâd Bouakba dans un entretien à la chaîne de télévision Essalam.
Le chroniqueur a expliqué que Boumediene avait fait le louable effort de diligenter une enquête pour retrouver les tombes des deux colonels. «L’ancien patron de la Sécurité militaire Kasdi Merbah m’a informé que les recherches avaient conduit les enquêteurs jusqu’à un ancien goumier [un légionnaire, selon d’autres sources, ndlr] qui avait quitté le pays et s’était installé en France, lequel avait demandé de pouvoir retourner en Algérie en contrepartie de l’indication des sépultures d’Amirouche et Si El-Haouès», a relaté Saâd Bouakba, selon lequel le président Boumediene avait l’intention d’enterrer les ossements des deux héros de la Guerre de libération nationale au Carré des martyrs en même temps que ceux de l’Emir Abdelkader et d’autres responsables de la Révolution.
«Le fait est que le fils de Mostefa Ben Boulaïd a refusé que la dépouille de son père enterré à Batna fût exhumée et transférée à Alger, en arguant que si jamais ce dernier quittait sa wilaya d’origine, le pouvoir central n’accorderait aucune importance à celle-ci et ne construirait même pas une route», a ajouté ce journaliste qui compte parmi les meilleurs en Algérie. «Ce refus du fils de Ben Boulaïd a mis le président Boumediene devant un choix cornélien, au moment où le régionalisme battait son plein», a-t-il précisé. «L’enterrement des seuls deux colonels aux côtés de l’Emir Abdelkader sans les autres symboles de la Révolution armée aurait fait jaser dans les autres wilayas historiques qui auraient accusé Boumediene de favoritisme», a poursuivi Saâd Bouakba.
«La situation était d’autant plus délicate que cette affaire coïncidait avec deux événements concomitants, à savoir l’exécution du colonel Mohamed Chabani et la libération déguisée en évasion de Hocine Aït Ahmed, lui aussi issu de la Kabylie, et ce, quelques années à peine après la guerre fratricide de l’été 1962», a fait remarquer l’ancien auteur de chroniques très lues dans les colonnes du quotidien arabophone El-Khabar. «Devant l’impossibilité d’organiser les obsèques officielles d’Amirouche et Si El-Haouès, Boumediene avait dû garder leurs restes au siège de la Gendarmerie nationale jusqu’à ce que, après sa mort, son successeur Chadli Bendjedid les eût enterrés au Carré des martyrs d’El-Alia, le risque de toute mauvaise interprétation étant passé, quinze années s’étant écoulées depuis leur découverte», a dit Saâd Bouakba qui a, par ailleurs, balayé d’un revers de main toute suspicion de trahison ayant conduit à la mort des deux chefs de guerre.
«Même l’adjoint de Si El-Haouès ignorait la présence du colonel Amirouche à ses côtés lors de la bataille durant laquelle les deux hommes sont tombés au champ d’honneur», a révélé le journaliste, en ajoutant que ce n’est qu’incidemment que l’armée française a appris la présence du lion du Djurdjura sur les lieux de l’accrochage. «Des moyens colossaux avaient alors été mobilisés pour éliminer le colonel Amirouche qui avait changé d’itinéraire in extremis, alors qu’il devait se rendre à Tunis, ce qui fait que personne n’était au courant du chemin qu’il avait décidé de prendre après qu’il eut demandé à Ali Kafi, en compagnie duquel il devait poursuivre le trajet [à partir du Nord-Constantinois, ndlr], de ne pas l’attendre», a-t-il affirmé en se référant aux récits de sources fiables.
Saâd Bouakba a regretté que la culture du secret extrême adoptée durant la guerre se soit prolongée jusqu’après l’indépendance, faisant que peu de choses ont été révélées sur cet épisode de l’histoire récente de l’Algérie et que, dès lors, chacun y va de son propre décryptage.
K. B.
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