Crise entre l’Algérie et le Maroc : Jean-Yves Le Drian convoque Nasser Bourita
Par Kamel M. – Le ministre marocain des Affaires étrangères a été convoqué à Paris par le Quai d’Orsay. Officiellement, Nasser Bourita et Jean-Yves Le Drian évoqueront, «outre les moyens de développer les relations bilatérales dans les volets politique et économique, le dossier du Sahara [Occidental], le partenariat du Maroc avec l’Union européenne ainsi que la situation politique et sécuritaire prévalant au Maghreb et dans la région du Sahel». Mais, dans les faits, le chef de la diplomatie marocaine devra rendre compte à la France de la grave crise diplomatique qui oppose l’Algérie et le Maroc sur fond d’une nouvelle provocation du Makhzen à laquelle Alger a répondu par le rappel de son ambassadeur pour consultation, prélude à des mesures sévères qui pourraient être annoncées après la fête de l’Aïd.
Hormis le dossier algéro-marocain, la France et le Maroc sont impliqués dans la grave affaire d’espionnage révélée par un consortium de journalistes. Le directeur de Mediapart a révélé qu’il s’apprêtait à porter plainte devant les juridictions françaises contre ce qu’il a qualifié d’«Etats voyous», à savoir le Maroc et Israël, qui a fourni aux services secrets marocains le fameux logiciel espion Pegasus qui a servi à écouter et traquer des journalistes français, en même temps que des opposants marocains. Edwy Plenel a mis en cause les autorités françaises auxquelles il reproche, implicitement, de faire preuve de laxisme et de permissivité à l’égard des régimes marocain et israélien.
Le Maroc, dont le statut de protectorat n’a jamais été levé, soulignent des sources proches du dossier, est donc appelé «non pas à se justifier auprès de la puissance qui assure le trône de Mohammed VI de sa protection, mais pour se faire dicter la démarche à suivre aussi bien dans cette affaire que dans le conflit provoqué par la sortie d’Omar Hilale à New York», expliquent ces sources, selon lesquelles «ni Rabat ni Paris ne s’attendaient à une telle riposte d’Alger». «Jusque-là, les autorités algériennes s’étaient contentées de dénoncer les actions hostiles du Makhzen et à répondre à ses attaques incessantes, mais il semble aller de soi que le soutien apporté par Rabat à un mouvement autonomiste classé comme organisation terroriste est perçu comme la bravade de trop à laquelle une simple dénonciation ne saurait suffire», soulignent nos sources.
«Près de trente ans après la décision de l’Algérie de fermer sa frontière terrestre avec le Maroc, on s’achemine sinon vers une rupture pure et simple des relations diplomatiques, du moins l’instauration de nouvelles restrictions aux ressortissants marocains et la limitation des échanges au strict minimum avec le récalcitrant voisin de l’Ouest, ce qui enterre pour de longues années encore toute possibilité de réouverture de la frontière telle que souhaitée par la partie marocaine», font remarquer nos sources.
«Nasser Bourita quittera Paris avec une feuille de route que le Makhzen devra exécuter à la lettre», relèvent encore nos sources. «S’agissant de l’affaire Pegasus, le Maroc a dû être instruit de faire le mort, tandis que le cas algérien est à traiter d’une façon plus sérieuse, tant les dernières mises en garde du chef d’état-major de l’armée algérienne, le général de corps d’armée Saïd Chengriha, à partir de la capitale russe, sont loin d’être prises à la légère en France où on suit avec un intérêt soutenu l’imminente visite du ministre chinois des Affaires étrangères à Alger, après un crochet à Damas», relèvent nos sources.
K. M.
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