Comment l’Algérie va réagir au scandale d’espionnage via le logiciel israélien ?
Par Abdelkader S. – Ce n’est pas pour rien que l’ancien ambassadeur d’Algérie à Bruxelles, Amar Belani, n’a eu de cesse de mettre en garde contre ce qu’il qualifiait déjà de rogue state (Etat voyou) marocain. Ce n’est pas pour rien, non plus, que le chef d’état-major de l’ANP, le général de corps d’armée Saïd Chengriha, a dû organiser une rencontre sur la guerre de quatrième génération qui nous est livrée par le Maroc et Israël, entre autres. La révélation du scandale du logiciel espion Pegasus utilisé par le voisin de l’Ouest n’est, à vrai dire, pas une surprise. Tout le monde savait que le Makhzen espionnait l’Algérie par tous les nombreux moyens mis à sa disposition par le Mossad.
Mais que peut faire l’Algérie face à cette agression – encore une ! – caractérisée du régime monarchique de Rabat ? Aucune réaction officielle, pour le moment, nous dit-on. Par contre, des Algériens cités par le consortium de journalistes qui a révélé le scandale au grand jour se prépareraient à recourir aux voies légales, indique-t-on. Selon des juristes sollicités par nos soins, cette affaire, qui n’a pas dévoilé tous ses secrets, se situe sur deux terrains différents. Pour les médias, il s’agit d’une atteinte au droit à l’information comprise au sens d’atteinte aux droits de l’Homme, tandis que, s’agissant de l’Algérie en tant que nation, elle est victime d’un acte d’espionnage au sens purement sécuritaire qui ne relève pas des tribunaux. En somme, c’est une affaire d’Etat qui doit être gérée d’Etat à Etat.
Pour nos sources, les personnes privées algériennes ou les journaux qui ont été la cible du logiciel israélien mis à la disposition des services secrets marocains pourront solliciter le parquet algérien pour l’ouverture d’une enquête sur ces mêmes chefs d’accusation. Cependant, notre système judiciaire a-t-il les moyens d’investigation ? Cette question vient se greffer à une autre : un procès est-il le meilleur moyen de répondre à ce casus belli flagrant déclaré par le Maroc à notre pays et dont l’existence a été révélée quelques jours à peine après la provocation du représentant marocain à l’ONU ? Assurément non.
Le Maroc nie toute responsabilité dans cette affaire. Pourtant, au-delà de ce qui est officiellement annoncé, le régime de Mohammed VI est directement impliqué et un comportement de Ponce-Pilate était, somme toute, prévisible. Un comportement similaire en tout point à celui du régime des Al-Saoud qui, après avoir été accablé par les preuves sur sa compromission dans l’assassinat du journaliste et opposant saoudien Jamal Khashoggi à Istanbul, a sacrifié des fusibles et s’en est sorti indemne, sans qu’aucun Etat ni aucune institution internationale aient pris les mesures qui s’imposent dans pareilles circonstances contre le ou les commanditaires de cet acte barbare à partir de Riyad.
En France, où le Maroc compte des centaines de lobbyistes au cœur même des rouages de l’Etat, une enquête est en cours, selon le Premier ministre, Jean Castex, appelé à s’exprimer devant les députés, alors même que des médias français révélaient que le président Macron lui-même a été pris dans les filets des pêcheurs en eau trouble marocains et israéliens. Son téléphone est soumis à une inspection technique pour savoir jusqu’où les échanges téléphoniques du chef de la sixième puissance économique mondiale ont été «scrutés» par un pays du tiers-monde, sans que les services de sécurité de la présidence de la République française ne s’en rendent compte.
En attendant, tout Algérien victime du logiciel Pegasus de la société israélienne NSO Group peut intenter un procès pour, au moins, dix chefs d’inculpation, dont l’interception, le détournement, l’utilisation et la divulgation de correspondances, l’installation d’appareils permettant de réaliser des interceptions de correspondances et l’association de malfaiteurs en vue de commettre une atteinte à un système de traitement automatisé de données.
A. S.
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