La France en déclin prépare-t-elle une guerre de reconquête de l’Algérie ?
Une contribution de Khider Mesloub – La France doit sa grandeur essentiellement à son armée. Absolument pas, à son industrie. Historiquement, la France s’est bâtie par la force de ses baïonnettes et de ses navires de guerre. Non à la force du poignet industrieux de ses entreprises. Elle n’a jamais brillé par sa haute technologie industrielle. Mais par ses hauts faits de guerres, de conquêtes, de spoliation, d’expropriation. Le capitalisme français s’est toujours revêtu des oripeaux de la finance et des apparats militaires. En effet, le capital bancaire s’est imposé comme la force dominante de dynamisation de l’économie, contrairement à l’Angleterre régentée et stimulée par le puissant capital industriel. En France, historiquement, la prééminence fut en permanence accordée au secteur bancaire, matérialisé par l’exportation des capitaux, les prêts, les emprunts d’Etat andis qu’en Angleterre, au contraire, l’investissement direct dans la production constitua la principale priorité économique, le pôle capital de développement.
De même, à l’opposé de l’Allemagne, à économie essentiellement fondée sur la grandeur de son énergique et dynamique industrie. Si la puissance de cette dernière s’appuie toujours sur la défense de son industrie, la France érige encore aujourd’hui, sa puissance sur l’industrie de sa défense, autrement dit de son complexe militaro-industriel. Si l’Angleterre et l’Allemagne se sont économiquement développées par le dynamisme de ses capitaines d’industrie, la France, elle, s’est enrichie par les coups de force de ses généraux d’armée. Les premiers sont mus par l’esprit d’entreprise ; la France, elle, est animée par l’esprit prédateur [1].
Depuis sa naissance, l’Etat français se fonde sur une perpétuelle conquête territoriale. Dès sa fondation, circonscrit initialement au petit périmètre parisien, il se lança dans une permanente entreprise d’expansion territoriale, une politique de guerre d’occupation des principautés limitrophes indépendantes. D’abord, par la conquête des territoires du sud, l’Occitanie, ensuite les autres régions hexagonales, notamment la Bretagne. Plus tard, sa politique impérialiste s’étendit à l’échelle internationale, par ses entreprises esclavagistes meurtrières et conquêtes coloniales génocidaires.
Historiquement, en France la place prépondérante accordée à l’Etat est séculaire. Sans remonter au moyen-âge, on peut établir le début de l’hégémonisation de l’Etat avec le roi Louis XIV (qui n’hésitait pas à déclarer «l’Etat, c’est moi». Comme Macron et ses concitoyens de son acabit peuvent sans vergogne proclamer : «La civilisation, c’est nous !»).
La France toujours mue par une soif insatiable de conquêtes
L’hégémonie étatique s’affermit, plus tard, à la faveur de la Révolution française, sous la menace de l’intervention des puissances monarchiques européennes coalisées contre la nouvelle République, et de la contre-révolution intérieure. Ensuite, au début du XIXe siècle, dans une France toujours mue par une soif insatiable de conquêtes, au lendemain du coup d’Etat du 18 Brumaire (novembre 1799), sous le régime consulaire et impérial de Napoléon Bonaparte, premier chef d’Etat à livrer une guerre totale et totalitaire à l’ensemble des pays européens dans des campagnes de conquêtes exterminatrices et spoliatrices.
Cette singularité de la prééminence de l’Etat s’explique par deux facteurs. Tous deux liés à l’exacerbation permanente de la lutte des classes, inhérente à la France. En effet, la France fut continuellement émaillée de révoltes paysannes, populaires et bourgeoises. Et bien sûr de révolutions (1789, 1830, 1848, 1871). Le premier facteur tient à l’histoire de l’ascension de la bourgeoisie française. Contrairement aux autres pays européens, notamment l’Angleterre, il n’y eut pas de compromis historique entre la noblesse et la bourgeoisie pour fonder pacifiquement un Etat capitaliste moderne, en d’autres termes, assurer une transition paisible entre l’ancienne formation sociale et économique féodale et le nouveau mode de production capitaliste. La bourgeoisie française imposa son pouvoir par la violence révolutionnaire, autrement dit par l’élimination de l’aristocratie, symbolisée par la décapitation du roi Louis XVI en janvier 1793.
La France bâtie par des militaires, sur son complexe militaro-industriel
Le second facteur tient également à la singularité des classes paysannes et populaires françaises. Leur histoire est un éternel mouvement de révoltes radicales. Cette radicalité des luttes sociales populaires et/ou bourgeoises a contraint les classes régnantes successives (féodales puis bourgeoises) à durcir leur gouvernance, notamment par la militarisation de l’Etat, symbolisée par la prééminence de l’institution militaire. Les deux principaux bâtisseurs de la France moderne ne furent-ils pas des militaires ? Le général Napoléon Bonaparte et le général Charles de Gaulle.
Ainsi, la France s’est toujours distinguée par le surdéveloppement de son industrie militaire (aujourd’hui septième puissance mondiale, cependant classée troisième exportatrice d’armes), sur laquelle repose sa puissance. Son industrie nucléaire, civile et militaire renforce également son hégémonie. Ce faisant, l’industrie militaire et le nucléaire constituent le fondement de sa suprématie.
Ironie de l’histoire, la nation des «droits de l’Homme» demeure le pays impérialiste le plus militarisé du monde. Force est de relever que, depuis des siècles, le militarisme de la France est l’expression d’une politique de compensation, par la violence militaire, de ses faiblesses économiques. La force brute de ses conquêtes coloniales anciennes comme celle de ses interventions impérialistes contemporaines lui servent d’adjuvants pour maintenir son rang de puissance mondiale, préserver ses intérêts économiques, notamment dans ses chasses gardées.
La France aujourd’hui reléguée en deuxième division
Pour autant, aujourd’hui, sur le plan économique, sur l’échiquier des puissances internationales, la France est désormais reléguée en deuxième division. Elle ne joue plus dans la cour des grandes nations industrielles hégémoniques, ni dans celle des puissants pays exportateurs. Selon des études économiques récentes, les pertes de parts de marché de la France à l’international sont colossales, voire alarmantes. Notamment en Afrique où elle a perdu près de la moitié de ses parts de marché par rapport à la concurrence, passant de 12% à 7%. Le déficit de sa balance commerciale ne cesse de se creuser. En 2020, il a atteint 65 milliards. Toujours en 2020, si la contraction du commerce mondial s’est élevée à 6%, celle de la France a tutoyé les 20%.
Sur le front économique hexagonal, le déficit budgétaire de l’Etat s’élèvera à «environ 220 milliards d’euros» en 2021, contre 173,3 milliards prévus dans la loi de finances initiale, a déclaré le ministre des Comptes publics, Olivier Dussopt. Cette aggravation de près de 47 milliards du déficit budgétaire met à rude épreuve l’économie française assoiffée de plus-values, d’argent frais. En réalité, l’économie française survit en s’alimentant de subventions étatiques et de crédits garantis par l’Etat. L’Etat porte à bout de bras sa population paupérisée et ses entreprises estropiées. L’activité essentielle de la France repose sur l’assistanat économique. Longtemps, seules les classes populaires vivaient de l’assistanat pour éviter de sombrer dans la paupérisation absolue. Aujourd’hui, y compris les patrons d’entreprises ne survivent que grâce aux multiples et diverses subventions octroyées par l’Etat.
L’activité de la France repose sur l’assistanat économique
Qui a dit que la France est un pays libéral ? Au vrai, la France se soviétise, au plan économique, par la transformation du pays dominé désormais par le capitalisme d’Etat (tiers-mondisé), au plan politique, par la militarisation de la société française, incarnée par la dictature sanitaro-sécuritaire actuellement en voie d’instauration diligentée par les nouveaux commissaires politiques installés à l’Elysée, lui-même gouverné par le Conseil de défense secret, une sorte de Politburo, organe suprême de l’Etat, devenu simple succursale du grand capital.
En tout état de cause, la France a perdu de sa superbe. Néanmoins, en dépit de son incapacité d’augmenter sa compétitivité économique, de renouer avec la croissance, la France continue, en revanche, à renforcer ses capacités militaires, à investir dans son secteur de l’armement en vue d’intensifier sa politique interventionniste impérialiste (comme l’URSS investissait principalement dans l’industrie de l’Armement. Or, en 1991, après son effondrement, on a découvert que la deuxième puissance mondiale, tant vantée et redoutée, était, certes, un géant militaire mais un nain économique, à l’instar de l’actuelle France en déclin). Renouant ainsi avec ses inclinations prédatrices, avec son «esprit de conquête», comme l’avait proclamé le président Macron dès le lendemain de son élection à l’Elysée, dans son discours prononcé devant les parlementaires réunis en Congrès le 3 juillet 2017.
Martialisation du discours diplomatique et militarisation de la société
Sans nous surprendre, au moment où la France s’enfonce dans le sous-développement, la tiers-mondisation, elle adopte une posture belliqueuse. La martialisation du discours diplomatique des dirigeants français constitue le pendant de la militarisation de la société française désormais soumise à la tyrannie des restrictions des libertés, à la dictature sanitaro-sécuritaire instaurée à la faveur de la pandémie instrumentalisée politiquement, tremplin à l’enrégimentement des esprits pour les préparatifs de guerre de conquêtes.
Sans conteste, dans ce nouveau contexte international marqué par le réalignement des alliances et la redistribution des cartes géopolitiques mondiales entre les principales puissances impérialistes, la France est de plus en plus clairement marginalisée, voire écartée des nouveaux pactes scellés au sein même du bloc atlantiste (AUKUS). De là s’explique, au plan international, le raidissement de sa diplomatie désormais violemment offensive pour tenter de maintenir désespérément son rang dans le concert des grandes puissances impérialistes. Et, au plan intérieur, l’extrême-droitisation de ses orientations politiques foncièrement teintées de racisme décomplexé et d’agressivité éhontée.
K. M.
(Suivra)
1- En psychologie, les prédateurs sont définis comme des individu en apparence normaux. En général, ce ne sont presque jamais des leaders. Ils sont plutôt avares, égocentriques et narcissiques. L’objectif de ces prédateurs est de détruire moralement, personnellement, psychologiquement et socialement leurs victimes. Parfois même jusqu’à les pousser au suicide. Les prédateurs, même s’ils ne le montrent pas, se sentent profondément inférieurs. Voilà donc pourquoi ils sont plutôt arrogants et grandiloquents. Ils dissimulent leurs remords et leur colère, et suivent souvent une idéologie radicale. De plus, ils ressentent le besoin d’être admirés, désirés, et sont obsédés par le succès et le pouvoir. Ils sont totalement déconnectés de leurs émotions, rabaissant ainsi avec violence toutes leurs victimes. Les prédateurs cherchent à se mettre en avant. Provoquent souvent des conflits. Ils sont arrogants et clament toujours avoir raison. Ils pensent ainsi personnaliser la vérité et la justice. Etre le centre du monde. Toute ressemblance avec Macron ou la France d’esprit néocolonial n’est pas fortuite.
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