Historienne américaine : «L’Algérie glorifie ses héros, le Maroc ses colons»
Par Mohamed K. – Une enseignante universitaire a soulevé la question de la différence d’approche des Algériens et des Marocains vis-à-vis de la colonisation française, en s’interrogeant sur le large fossé qui sépare l’Algérie du Maroc dans son regard à ce phénomène. Alors que l’Algérie s’est, dès le recouvrement de son indépendance – après une résistance qui a accompagné l’invasion française depuis le 14 juin 1830 jusqu’au 5 juillet 1962 – employée à balayer plus d’un siècle de tentative d’aliénation culturelle et cultuelle échouée, le Maroc, lui, a tout fait pour garder les symboles de la présence française intacts à ce jour.
«Dans ces deux cartes coloniales qui se trouvent derrière moi, nous avons deux Etats voisins d’Afrique du Nord, le Maroc et l’Algérie. Nous constatons l’existence de différences entre eux, bien qu’ils partagent la frontière, la religion, la langue et le profil ethnique. Dans ces deux Etats vivent des peuples arabes et berbères autochtones, etc.», a souligné la professeure d’histoire américaine, qui a expliqué à ses étudiants qu’elle a voulu montrer «deux images pour rendre ces différences évidentes et exposer un ensemble d’expériences sur le thème de la colonisation».
«En Algérie, a-t-elle dit, après que ce pays a arraché son indépendance de la France en 1962, le gouvernement algérien nouvellement constitué a envoyé un navire en France à bord duquel il avait embarqué des statues françaises dont celle de Jeanne D’arc, et a choisi de les remplacer par des monuments représentant les héros de la résistance algérienne.» Elle a donné l’exemple de la statue de l’Emir Abdelkader, «le dirigeant des forces algériennes combattant l’invasion française de 1830, érigée au centre de la capitale algérienne et sculptée dans la même position que les cavaliers français dont les représentations étaient disséminées à travers l’Algérie durant la colonisation».
«Ici, par contraste, à Casablanca, au Maroc. Quand le Maroc a obtenu son indépendance de la France, en 1956, la statue du gouverneur français le plus renommé, appelé Lyautey, fut implantée dans un lieu distant de quelques centaines de mètres à peine de son centre de commandement. Le maréchal Lyautey trône au même endroit à ce jour, au cœur de la ville de Casablanca, mais il se trouve désormais devant l’enceinte du consulat de France», a expliqué l’académicienne américaine, avant de s’interroger : «Comment peut-on expliquer la volonté algérienne d’effacer la présence française et, dans le même temps, l’attitude timide des Marocains qui ne font que déplacer les preuves de la colonisation française de seulement quelques mètres [de leur emplacement initial] ?»
M. K.
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