Antony Blinken à Alger : les Straussiens et l’enjeu de la guerre en Ukraine
Une contribution de Mohsen Abdelmoumen – Ce mercredi 30 mars, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, est attendu à Alger après sa participation, dimanche et lundi, au Sommet du Néguev dans l’entité sioniste d’Israël où il a rencontré les ministres des Affaires étrangères d’Egypte, d’Israël, du Bahreïn, du Maroc et des Emirats arabes unis. Avant de venir en Algérie, il devait d’abord se rendre au Maroc où il a, à nouveau, rencontré Nasser Bourita qu’il a déjà vu au Sommet du Néguev mais, cette fois, pour «échanger les points de vue sur les questions régionales et la coopération bilatérale, ainsi que sur la progression des droits humains et des libertés fondamentales», c’est-à-dire, en langage courant, s’assurer de la soumission des Marocains et tâter le terrain par rapport au dossier du Sahara Occidental et du gazoduc fermé, avant de se rendre en Algérie.
C’est que l’Algérie est un gros morceau et qu’elle n’est pas disposée à laisser qui que ce soit s’ingérer dans ses affaires internes. Nul doute que le secrétaire d’Etat Blinken, sous couvert de nous parler de lutte antiterroriste, va tenter de revenir à la charge concernant l’acheminement du gaz vers l’Europe via le Maroc, son adjointe Wendy Sherman ayant fait chou blanc à ce propos lors de son séjour chez nous les 9 et 10 mars dernier. Il y a fort à parier également que la désignation de l’Algérie par la Ligue arabe dans un groupe de contact visant à trouver une solution diplomatique au conflit en Ukraine et le fait qu’elle ait refusé de voter la résolution dénonçant l’intervention de la Russie le 1er mars à l’ONU vont être des sujets de discussion.
L’Algérie est l’alliée de la Russie et son premier port en Méditerranée, que cela plaise ou non aux Etats-Unis. Quant à notre expérience dans la lutte antiterroriste, c’est au prix de plusieurs dizaines de milliers de morts pendant la décennie noire que nous l’avons acquise en nous battant seuls contre l’hydre islamiste. Parmi les criminels sanguinaires qui déferlaient dans les villages pour égorger hommes, femmes, enfants, vieillards, il y avait des membres des forces spéciales américaines qui s’étaient déguisés pour se fondre dans les groupes terroristes. Nous ne l’avons pas inventé, il s’agit du témoignage de Paul Atwood, vétéran de la guerre du Vietnam et directeur de recherche du Centre William Joiner pour l’étude de la guerre et ses conséquences sociales à l’université du Massachusetts à Boston, que nous avons interviewé le 5 mars 2014.
Dans les années 1990, Antony Blinken travaillait pour l’administration Clinton en tant que membre du Conseil de sécurité nationale à la Maison-Blanche, organe prépondérant dans la politique étrangère américaine. Chacun sait que les Etats-Unis ont créé, financé, formé tous les groupes terroristes de la planète : Al-Qaïda, Daech, etc. Ils ont soutenu les nazis de jadis, en les exfiltrant d’Allemagne à la fin de la Seconde Guerre mondiale via leur opération Paperclip et ils ont formé et soutenu ceux d’aujourd’hui en Ukraine. Ils continuent d’ailleurs de leur envoyer des tonnes d’armement.
Antony Blinken est cofondateur avec Michèle Flournoy, Sergio Aguirre et Nitin Chadda, tous anciens responsables de l’administration Obama, de la société WestExec Advisors LLC, une société de conseil fondée en 2017 dont la plupart des clients appartiennent au complexe militaro-industriel. Parmi les clients, on trouve Jigsaw de Google, Windward – une société israélienne d’intelligence artificielle –, Shield AI – une société de surveillance par drone –, «Type Fortune 100», Blackstone, Bank of America, Facebook, Uber, McKinsey & Company, le conglomérat japonais SoftBank, le groupe pharmaceutique Gilead, la banque d’investissement Lazard, Boeing, AT&T – la plus grande entreprise de télécommunications au monde –, la Banque Royale du Canada, LinkedIn et même Sotheby’s ! WestExec Advisors a aussi travaillé avec la société d’exploration de données Palantir Technologies. Cette dernière société de haute technologie a travaillé avec la CIA, le DHS, la NSA, le FBI, le CDC, le Marine Corps, l’Air Force, le Commandement des opérations spéciales, l’Académie militaire des Etats-Unis, la Joint Improvised-Threat Defeat Organization and Allies, etc.
Nous encourageons les lecteurs à consulter Wikipédia sur Palantir Technologies, cela vaut le détour. Quoi qu’il en soit, celui qui voit un quelconque conflit d’intérêt dans les liens du secrétaire d’Etat Blinken avec WestExec Advisors LLC ne peut être qu’un complotiste, cela va sans dire.
Mais ce qui nous intéresse surtout, c’est l’appartenance d’Antony Blinken à ce qu’il faut bien appeler «la secte des Straussiens» et dont il semblerait qu’il en soit le chef. Qu’est-ce donc que ces Straussiens dont peu de gens ont entendu parler ? Il s’agit ni plus ni moins d’un groupe de fanatiques néoconservateurs juifs unis par la même foi en la doctrine de Léo Strauss, philosophe et historien juif allemand ayant fui l’Allemagne nazie en 1937 pour émigrer aux Etats-Unis et qui a enseigné à l’Université de Chicago où il a fait des émules. Il avait beaucoup d’emprise sur ses élèves et il préconisait la domination des juifs, seule solution, d’après lui, pour éviter un nouveau génocide, enseignant à ses disciples le «noble mensonge», c’est-à-dire que, pour lui, la fin justifie les moyens. Cette idée a séduit ceux qui sont aujourd’hui appelés les Straussiens et qui ont adhéré à cette idéologie de domination du monde. Peu importe que la Maison-Blanche soit sous les couleurs démocrates ou républicaines, ils n’en ont cure. Leur but est de s’infiltrer dans les rouages du pouvoir états-unien afin de peser sur la politique étrangère et prôner la suprématie des Etats-Unis.
C’est, d’ailleurs, une doctrine qu’ils partagent avec les néoconservateurs, intellectuels new-yorkais de « gauche» avec lesquels ils sont associés et qui soutiennent leurs actions néfastes. Les Straussiens sont derrière toutes les interventions américaines à l’étranger, que ce soit au Moyen-Orient, en Amérique latine, en Afrique du Nord, en Asie ou en Europe de l’Est, comme aujourd’hui en Ukraine. Ils ne peuvent pas tolérer un monde multipolaire où des nations pourraient échapper à l’influence des Etats-Unis et encore moins rivaliser avec eux. On leur doit les «révolutions colorées», les assertions de «changements de régime», les coups d’Etat, les tentatives de déstabilisation, les «printemps arabes», la destruction des pays comme la Yougoslavie, l’Irak, la Syrie, la Libye, le Yémen, etc., et les sanctions contre des Etats pour briser leur économie. Ils sont liés à la CIA et à la Rand Corporation et, bien sûr, à Israël. Ils représentent un véritable cancer qui a causé des millions de morts à travers le monde.
Leur chef est Antony Blinken, secrétaire d’Etat, qui a cosigné en janvier 2019 une tribune publiée dans le Washington Post dans laquelle il arguait que le rôle des Etats-Unis était de conduire le monde. L’autre signataire était Robert Kagan, le mari de Victoria Nuland, que nous avons déjà évoquée dans nos précédents articles et qui a été ambassadrice à l’OTAN entre 2000 et 2003. On le voit, ces gens obtiennent des postes-clés dans les arcanes du pouvoir. En 1997, Kagan a fondé avec William Kristol le think tank Project for the New American Century (PNAC), qui préconise le leadership mondial des Etats-Unis, posant comme principe fondamental que «le leadership américain est à la fois bon pour l’Amérique et bon pour le monde». Oui, c’est à ce point-là. Ce Kagan est farouchement opposé à la montée en puissance de la Russie et de la Chine.
Le 26 janvier 1998, les membres du PNAC ont adressé une lettre ouverte au président Bill Clinton appelant à mener une campagne en Irak pour renverser Saddam Hussein. Parmi les membres signataires et collaborateurs du projet de ce PNAC, on retrouve toute une clique de criminels de guerre et de théoriciens du chaos «créatif», tels que Donald Rumsfeld, Paul Wolfowitz, Dick Cheney, Francis Fukuyama, John R. Bolton, Richard Perle, etc. et, tenez-vous bien, André Glucksmann et Bernard Kouchner qui ont été signataires en 2004 d’une lettre ouverte présentée par le PNAC aux chefs d’Etat et aux gouvernement de l’Union européenne ! Le PNAC est aussi très proche du sionisme révisionniste, mouvement fondé par Zeev Jabotinsky, un ami de Léo Strauss et grand admirateur de Mussolini, né à Odessa, en Ukraine. Le Betar et l’Irgoun sont les bras armés de ce mouvement sioniste et, pour la petite histoire, le père de Benjamin Netanyahou était le secrétaire particulier de Jabotinsky.
Les Straussiens ont tout fait pour éradiquer les Slaves d’Ukraine afin d’y établir un second Israël. Wayne Madsen, que nous avons interviewé en novembre 2016, en a longuement parlé déjà en 2018, et Algeriepatriotique a consacré un article à ce sujet. Ils n’ont qu’un seul but et ils le partagent avec les néoconservateurs : faire tomber les Etats qui risquent de contrecarrer leurs plans d’hégémonie des Etats-Unis dans le monde, et donc les enjeux de la guerre en Ukraine sont terriblement importants. Vladimir Poutine l’a bien compris quand il a dit qu’il n’accepterait pas un monde sans la Russie. L’Europe est totalement soumise aux Etats-Unis, les Straussiens ont réussi à l’inféoder. D’ailleurs, Robert Kagan vit à Bruxelles avec sa famille, donc avec Victoria Nuland. Et Ihor Kolomoïsky, principal bailleur de fonds du bataillon nazi Azov a fondé l’Union juive européenne en 2011 qui est devenue le Parlement juif européen et dont il a été président jusqu’en 2016. Kolomoïsky est aussi le mentor de Zalensky, le président clown de l’Ukraine, nouvelle coqueluche de l’Occident. Toutes ces personnes impliquées directement dans les événements en Ukraine se retrouvent en plein cœur de l’Europe, à Bruxelles.
En s’alignant sur la position de sanctions des Straussiens à l’égard de la Russie, l’Europe s’inflige une catastrophe économique et sociale qui la perdra. L’Occident est fini. Le Vieux Monde se meurt et le nouveau est en train de naître. L’Ukraine est le lieu où l’avenir du monde se joue et si la victoire de la Russie ne fait aucun doute, la grande inconnue reste au niveau de la réaction des Straussiens. Accepteront-ils de voir les Etats-Unis perdre leur leadership ?
M. A.
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