Vladimir Poutine n’est pas un comique de cinéma mais un vrai chef d’Etat
Une contribution du Dr Abderrahmane Cherfouh – Jamais depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et après la Guerre froide équilibrée par la puissance militaire comparable des deux superpuissances qui a vu à la fin la dislocation et la disparition brutale de l’URSS, les divisions entre les pays de l’OTAN et la Russie n’ont été aussi profondes. La guerre qui se déroule actuellement en Ukraine et qui va en s’amplifiant de jour en jour le confirme et augure d’un avenir plein d’incertitudes pour notre planète. Rien ne symbolise mieux le désarroi de l’OTAN confrontée à une guerre qui n’aurait jamais pu voir le jour que la détermination de la Russie à poursuivre son objectif, à savoir la démilitarisation et la dénazification de l’Ukraine. La Russie, et à juste titre, ne veut pas que l’Ukraine sa voisine et sa cousine fasse partie de l’OTAN et devienne une pièce maîtresse sur l’échiquier européen en servant de base euro-américaine avec des missiles nucléaires pointés vers Moscou.
Dès le démantèlement de l’URSS, les objectifs des Américains étaient clairs : faire de l’Ukraine un poste avancé en l’intégrant au sein de l’OTAN. Les tractations avaient commencé à évoluer petit à petit avec subtilité car on n’osait pas encore appeler un chat un chat. Ce qui va susciter la colère prévisible de la Russie qui s’opposa catégoriquement à ces tentatives belliqueuses et provocatrices qui nuisent dangereusement à sa sécurité.
Le président Vladimir Poutine est un homme d’Etat avisé qui ne plaisante pas quand il s’agit de la sécurité de son pays. Il faut toujours le prendre au sérieux. C’est un patriote et un nationaliste russe. Ce n’est pas un acteur comique de cinéma, c’est un dur. Il n’est pas un clown comme le sont certains pour ne pas les citer. Il peut être parfois brutal et cruel. Ce ne sont pas des qualités, à mon avis, mais c’est une réalité et un fait. On l’a vu en Syrie et en Tchétchénie. Il n’est pas un homme incohérent mais un vrai chef d’Etat fort qui possède les moyens de sa politique. Il a toujours tenu ses promesses, et ses menaces doivent être prises en considération. Il a une sacrée tendance à agir selon ses visions et ses calculs. Il aurait fallu lire et écouter ses discours concernant l’Ukraine et prendre au sérieux ses justifications, sa logique et ses motivations et la guerre aurait été évitée. Son discours prononcé à propos de l’éventuelle adhésion de l’Ukraine à l’OTAN avant d’occuper ce pays illustre le résumé de sa pensée depuis plus de trente ans.
«Chers citoyens russes, chers amis, aujourd’hui, je trouve indispensable de revenir sur les événements tragiques qui se produisent au Donbass et aux questions clés qui concernent la sécurité de la Russie. Je commencerai par ce que j’ai déjà évoqué dans mon allocution du 21 février de cette année. Il est question de ce qui suscite chez nous une préoccupation et une inquiétude particulières, de ces menaces fondamentales pour la sécurité de notre pays que des hommes politiques irresponsables à l’Occident créent pas à pas, sans détours et brutalement, depuis des années. Je fais allusion à l’élargissement de l’OTAN vers l’est, au rapprochement de son infrastructure militaire vers les frontières russes. » Et, plus loin : «En fin de compte, comme cela a toujours été le cas dans l’histoire, le destin de la Russie est entre les mains de notre peuple aux nombreuses nationalités. Et cela signifie que les décisions prises seront exécutées, les objectifs fixés seront atteints, que la sécurité de notre patrie sera garantie.»
Voilà qui est clair. Plus rien ne compte à ses yeux que la sécurité de son pays. Bien entendu, pour l’Occident, il est devenu l’homme à abattre qu’on affuble des pires qualificatifs. Il est diabolisé à l’extrême, mais lui n’en a cure. La sécurité de son pays n’a pas de prix.
Quand les Russes sous Khrouchtchev en 1961 avaient installé à Cuba de Fidel Castro des missiles nucléaires pointés vers les Etats-Unis, ces derniers avaient réagi et ne les avaient pas laissé faire. La troisième guerre mondiale avait été évitée de justesse et elle a bien failli être nucléaire. Curieusement, on ne semble pas aujourd’hui comprendre que les pays de l’OTAN soient vus comme un danger potentiel et une menace par la Russie. Complaisance et cynisme de la part de certains pays qui semblent avoir oublié le sens de la justice. Des pays qui se disent souverains et qui s’alignent, toute honte bue, sur le désidérata des Américains, se laissant ainsi réduire à la triste condition de vassaux et de suivistes.
Nous sommes au quarante-cinquième jour de la guerre en Ukraine et Poutine y est déjà presque arrivé à réaliser ce qu’il a toujours cherché et les objectifs qu’il avait fixés. Ses exigences vont être appliquées à la lettre. Ayant reçu certainement les instructions de ses mentors, Volodymyr Zelensky tente désespérément de négocier en ce moment la neutralité de l’Ukraine. Comme l’avait exigé Poutine avant le lancement de l’opération spéciale. Et l’armée ukrainienne reprend les terrains en ruines abandonnés par l’armée russe, comme l’avait voulu Poutine aussi. Mais Poutine ne s’arrêtera jamais, tant que les pays de l’OTAN ne se rendent pas à l’évidence et ne montrent pas un signe clair de retour aux accords passés, avec des garanties écrites. Pour Poutine, revenir à une Ukraine neutre pourrait suffire.
Mais pourquoi les pays de l’OTAN n’avaient pas réagi aux doléances de la Russie avant que n’éclate la guerre ? Si on avait écouté Poutine et prêté une oreille attentive à ses demandes justes et légitimes, jamais la guerre n’aurait éclaté. Pourtant, Poutine les avait à maintes reprises mis en garde contre les dangers de toute adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. Tout le monde savait que la Russie ne resterait pas les bras croisés face aux machinations sordides et aux tentatives réitérées de l’Occident de l’isoler et de le menacer.
Qui sont les principaux responsables de cette guerre et qui a mis de l’huile sur le feu pour que celle-ci n’éclate et que le peuple ukrainien en subisse les conséquences ? Une question que personne n’ose poser, celle du prix que la population ukrainienne paiera pour ce conflit armé. La vie et la sécurité des civils doivent être la préoccupation capitale de Zelensky, et c’est lui le principal responsable de la tragédie que traverse son pays pour avoir écouté ses mauvais conseilleurs.
Après l’annexion de la Crimée par la Russie, Barack Obama, l’ancien président des Etats-Unis, avait déclaré : «Le fait que la Russie ait ressenti le besoin d’avoir recours à l’armée et de violer le droit international est la preuve d’une moindre influence, pas d’une influence croissante.» Et ce sont les Etats-Unis, par la bouche du même ancien locataire de la Maison-Blanche, qui osent citer le droit international et en faire un modèle et une référence, eux qui ont toujours affiché leur mépris total du droit international et l’ont eux-mêmes violé à maintes reprises. Ahurissant !
«Il ne faut pas être trop ambitieux, il faut être réaliste et ne pas considérer que le droit international peut et doit triompher partout sur la planète, mais d’abord dans les zones où il rejoint l’intérêt des principales puissances», a déclaré Henri Kissinger, l’ancien ministre des Affaires étrangères des Etats-Unis. Il n’est nul besoin de faire un dessin sur ce «réalisme» des Américains qui soufflent le chaud et le froid sur la planète et interviennent là où ils veulent, quand ils veulent. Seuls leurs intérêts comptent.
Le droit international est une fiction et une chimère aux yeux des Américains. Mais contre la Russie, ils ont poussé le bouchon un peu trop loin. A force de jouer avec le feu, on finit par se brûler, dit l’adage. Le dessein principal de leur stratégie demeure l’étouffement et l’étranglement de la Russie. Cependant, le contexte a changé. Ce n’est plus la Russie d’Eltsine mais celle de Poutine. Zbigniew Brezinski, l’ancien conseiller pour la sécurité du président Jimmy Carter, avait tout prédit pour réaliser ses plans machiavéliques et faire de l’Ukraine un pion fiable devant jouer un rôle important pour contrecarrer la Russie, l’affaiblir et la déstabiliser. Il avait déclaré, entre autres : «L’extension de l’orbite euro-atlantique rend impérative l’inclusion des nouveaux Etats indépendants ex-soviétiques, et en particulier l’Ukraine.»
Voilà qui est clair comme l’eau de roche. L’hostilité à l’égard de la Russie plus ou moins exacerbée selon les périodes demeure vivace et est une constante de la politique étrangère des Etats-Unis depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, et ce bien avant l’annexion de la Crimée par la Russie qui appartient à la Russie et dont Khrouchtchev, par un simple décret, a fait un don à l’Ukraine.
Depuis le 11 septembre 2001 et la vague de sympathie qu’avait attirée le peuple américain à travers le monde, à juste titre d’ailleurs, les dirigeants américains avaient défini leur nouvelle stratégie nationale de sécurité des Etats-Unis. Ils n’hésiteront pas à «agir seuls si nécessaire» pour exercer leur «droit à l’autodéfense en agissant à titre préventif». Une fois identifiée une «menace imminente», l’Amérique interviendra avant même que la menace ne se concrétise. C’est le meilleur des mondes, selon l’Oncle Sam ! Les autres doivent suivre à la lettre les ordres de la «première puissance mondiale» et faire profil bas pour ne pas subir les foudres du «plus puissant pays du monde». Mais cette époque est révolue et les Américains continuent à agir comme si de rien n’était.
Désormais, rien ne sera plus comme avant. Les Américains ont dormi sur leurs lauriers. Les nouveaux missiles hypersoniques à capacité nucléaire russes annoncent la fin de la suprématie américaine. Les Chinois se lancent aussi dans cette course effrénée aux missiles hypersoniques, tout comme la Corée du Nord. L’avenir s’annonce sombre et ne sera plus un fleuve tranquille pour les Américains qui régentaient tout à leur guise et qui se voyaient le seul gendarme au monde.
A. C.
(Canada)
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