OTAN en emporte le vent ou les petits soldats du mensonge
Une contribution d’Ali Akika – Le mois de septembre a vu défiler simultanément trois événements qui alertent sur un monde qui se meure, sur un autre qui émerge et sur une organisation militaire qui tombe le masque. La Grande-Bretagne a vu, le 8 septembre 2022, la reine Elisabeth II quitter son monde où jadis le soleil ne se couchait jamais sur son empire. Un monde qui n’oublie pas que ledit empire, dont les habitants colonisés n’avaient pas droit à une toute petite place au soleil. Du reste un OTAN, où la Grande-Bretagne occupe une place au premier rang sur le champ de bataille en Ukraine pour empêcher la fin des rêves impériaux. Et le 16 septembre l’OCS (Organisation coopération de Shanghai), les briseurs de ces rêves surannés se sont réunis sur un continent, l’Asie pour dire haut et fort, ça suffit, halte à l’arrogance. Et le champ de bataille pour mettre fin à cette arrogance se trouve en Ukraine où l’OTAN a entraîné une armée et l’a équipée d’armes sophistiquées. Et comme ça ne suffisait pas, elle a pris en main le commandement pour lancer, en août-septembre, deux offensives au sud et nord-est de l’Ukraine. Avant de cerner les raisons qui ont poussé le déclenchement de ces deux offensives, il n’est pas inutile de rappeler à la fois les bobards de la désinformation et la croyance stupide de croire que la sophistication de l’armement rend caduc l’art millénaire de la guerre.
Les petits soldats du mensonge, avec leurs bobards et vantardises, ont voulu faire croire que les cerveaux de l’OTAN ont réédité l’exploit de leurs ancêtres lors de la Seconde Guerre mondiale. Lesdits ancêtres avaient en effet piégé Hitler en lui faisant croire que les Alliés allaient débarquer au Pas-de-Calais et non pas sur les plages de Normandie. Hitler n’écouta ni les services de renseignements militaires ni ses prestigieux généraux et notamment Rommel. Erreur fatale d’Hitler ! Les cerveaux de l’OTAN ont donc, en ces mois d’août-septembre, lancé deux offensives dont l’une devait servir de leurre pour piéger les Russes. Les petits soldats du mensonge ont qualifié de leurre la première offensive, celle de Kherson pour permettre à la seconde de surprendre les Russes à Kharkov au nord-est. Un leurre par définition, c’est du faux pour faire croire à du «vrai». Les Alliés ont, en effet, lors de la Seconde Guerre mondiale, fabriqué sur la côte anglaise des camps d’entraînement et des avions en carton-pâte et des soldats s’entraînant à tirer avec des balles blanches. Bref, ce cinéma a coûté quelques milliers de dollars. En revanche, le piège de Kherson a coûté aux Ukrainiens des milliers de morts et blessés et les Russes n’ont pas pour autant été leurrés. Nous le verrons plus loin.
Quant à l’ignorance de l’art de la guerre, nos petits soldats ont répété allégrement la propagande des Ukrainiens qui criaient à une «victoire» chèrement payée en milliers de morts et de blessés pour les besoins de la stratégie otanienne. Dans la guerre, l’impératif qui commande, c’est de préserver les troupes, acteurs décisifs pour briser l’ennemi à la fin des fins. Des morceaux de territoires peuvent être abandonnés car une armée victorieuse finit toujours par les récupérer. Et dans le cas des Russes, que de fois ils ont abandonné des territoires dans leur histoire. Ils ont laissé Napoléon prendre Moscou pour le renvoyer, bredouille et épuisé, chez lui pour se faire prisonnier par les Anglais. Durant la Première Guerre mondiale, ils ont accepté de laisser du territoire aux Allemands pour sauver leur Révolution du 17 octobre de 1917. Et, enfin, avec les Allemands de la Seconde Guerre mondiale, ils les ont attirés à Stalingrad pour les tailler en pièces et se lancer ensuite à Berlin pour hisser leur drapeau sur la Chancellerie du 3e Reich où, la veille, Hitler avais mis fin à sa vie…
Ainsi, les tactiques utilisées lors de l’actuelle 3e phase de la guerre en Ukraine avaient pour dessein de déblayer le terrain pour mettre en branle l’objectif stratégique militaire et politique de chaque camp. Avant de cerner ledit objectif, arrêtons-nous un instant sur les effets des tactiques utilisées…
Les Ukrainiens ont mobilisé d’énormes forces pour attaquer Kherson, capitale d’une région stratégique jouxtant la Crimée. Le champ de bataille était une steppe où ils furent sous le feu intense et continu des Russes, solidement installés en défensive et maîtres du ciel avec leur aviation. Attaque contre défense, résultat conforme à l’art de la guerre. Ce fut une boucherie pour les Ukrainiens avec un gain de territoire de deux ou trois villages frontaliers désertés par leurs populations. Pour les Russes, ils sont toujours enterrés dans leurs lignes défensives et repoussent toute incursion audacieuse sur le fleuve Dniepr.
Sur le front de Kharkov, pour de multiples erreurs politiques et militaires que l’on connaîtra sans doute plus tard, les Russes ont été surpris et ont préféré se retirer en bon ordre pour aller défendre le Donbass et consolider le front sud face à la centrale nucléaire de Zaporojie. Les Ukrainiens ont donc facilement avancé sur un territoire sans véritable obstacle militaire. Ils ne pouvaient alors qu’exploiter politiquement le retrait (qualifié de débandade) des forces russes. Ils ont vite arrêté de crier victoire sur tous les toits car des généraux dans des médias et même le secrétaire général de l’OTAN ont appelé à ne pas crier victoire trop fort. Le président ukrainien embraya alors sur son terrain préféré, taper sur les «barbares» russes en exploitant des «charniers» d’Izioum.
Voilà donc le décor, les tactiques et la désinformation mis sur les rails en vue d’ouvrir la voie à un objectif ambitieux mais tout aussi chimérique de son prometteur, le président ukrainien Zelensky, la reconquête de la Crimée. Enhardi et encouragé par le matériel sophistiqué de guerre et les milliards de dollars des Américains, il se mit à rêver de la Crimée. Il avait commencé à en parler après quelques attaques de dépôt d’armement en Crimée.
La mer Noire, objectif numéro un des Américains et des Ukrainiens
Pour les Américains et les Ukrainiens, unis comme des frères jumeaux, leur plus grande victoire serait de prendre pied sur les côtes de la mer Noire. Pour les Ukrainiens, c’est une question vitale car c’est leur seul débouché pour l’exportation par la mer Noire vers l’Asie et l’Afrique. Pour les Américains prendre la Crimée, c’est prendre Sébastopol, pièce maîtresse de la marine russe en mer Noire qui leur ouvre la Méditerranée. L’encerclement de la Russie par l’Ukraine et la Turquie, membre de l’OTAN, qui a déjà plus de 1 000 kilomètres terrestres au sud la Russie, c’est un vieux rêve américain.
Avec pareil objectif, on comprend le pourquoi des énormes mouvements de troupes sur un théâtre de guerre de 1 500 à 2 000 km de long. Voilà pourquoi les Russes ont préféré regrouper leurs forces pour, à la fois, défendre les républiques russophones du Donbass, barrer la route du sud vers la mer Noire. Les quelques milliers de kilomètres carrés perdus autour de Kharkov comptent peu, pour l’heure, d’autant que Kharkov n’est qu’à 35 km de la frontière russe. Au regard des postures d’attaque pour l’Ukraine et défensive de la Russie et que la doctrine de guerre défensive de la Russie s’appuyant sur une artillerie et des blindés, la victoire sourira à celui qui a du temps devant lui. Et le temps, c’est l’autre facteur de l’art de la guerre…
En tout cas, cette guerre en Ukraine, outre les paramètres cités plus haut, révèle la méthode de raisonner et des ingrédients culturels qui aident à construire un récit de la désinformation. Ledit récit des petits soldats part du postulat que le narrateur a raison par nature et l’autre n’a aucun droit de contredire sa médiocre fiction d’idéologue. Le contraire de la littérature dont le point de départ est le réel, lequel réel, travaillé par l’imaginaire du romancier avec le mot juste et à sa juste place, offre au lecteur le secret qui sommeille sous les mots dont leur modeste ambition est de s’approcher au plus de la vérité. J’avais écouté une émission où une autrice dans son essai affirmait que les gens étaient épuisés par l’information qu’on leur offre.
Le lendemain, j’ouvre radio et médias et tous, comme un seul homme au même moment, commençaient par le massacre à Izioum. Le plus drôle ou navrant, la radio, qui avait la veille parlé de la lassitude des gens, était aux avant-postes de cette propagande obscène qui mettait déjà en scène le procès de Poutine devant le Tribunal international. Mais leur mémoire, à la fois trouée et murée, ne pouvait pas leur rappeler les millions de Vietnamiens, Irakiens, Syriens, Libyens gazés, déchiquetés. Un jour, on saura la nature de la maladie qui a fait des trous dans leur mémoire (1).
A. A.
P.-S. : Le titre est une référence au célèbre roman et film Autant en emporte le vent d’une Amérique de la guerre de sécession traversée par le racisme, l’esclavagisme d’une société agricole et rurale, ébranlée par une industrialisation naissante qui redistribue le pouvoir entre les classes sociales.
1- Pour être juste, il faut signaler qu’il y a des pointures intellectuelles qui alimentent par leurs écrits les armes et arguments qui aident les gens. Ça se voit dans leurs posts des réseaux sociaux où la colère n’empêche pas la rigueur des propos.
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