Quand Lugan enfume les Marocains avec des histoires frelatées sur l’Algérie
Par Kamel M. – L’historien monarchiste français s’est envolé pour le Maroc à l’invitation d’un site-écran de la DGED pour y vanter les mérites du maréchal Lyautey, qui a maintenu la même élite locale jusqu’à 1956, contrairement à l’Algérie où les bachaghas et les caïds ont été écartés par la résistance, faisant qu’à l’indépendance il n’y avait plus d’élite. C’est, en gros, le raisonnement qu’a tenu Bernard Logan devant un auditoire conforté dans son amour pour l’allégeance à une famille royale prédatrice qui ne doit sa survie qu’au néo-protectorat de la France. Laquelle France, d’ailleurs, prépare diligemment la succession précoce de Mohammed VI.
«Quand Lyautey arrive au Maroc, sa première phrase fut surtout ne pas algérianiser le Maroc ! cela ne voulait pas dire mettre les Algériens au Maroc, mais ne pas administrer le Maroc comme l’était l’Algérie», a affirmé l’historien. «Heureusement pour le Maroc que Lyautey est arrivé plus tôt. Imaginez ce qu’il se serait passé si le Maroc avait été dirigé, à l’époque du protectorat, par un représentant issu de l’élite jacobine : haine de la monarchie, haine des élites traditionnelles, etc. Le Maroc aurait été détruit», a poursuivi l’intervenant selon lequel la fon de la colonisation a été plus bénéfique au Maroc qu’à l’Algérie qui n’a pas fondé un Etat sur la base d’une allégeance à un monarque issu des anciennes élites, c’est-à-dire à Bouaziz Bengana ou au Bachagha Boualem.
«La victoire qui va être donnée à la colonisation massive, à la colonisation égalisatrice, à la colonisation républicaine va faire que les élites algériennes qui restaient, qui étaient les élites tribales, vont être massifiées dans la république. Et ce qui va se passer, c’est qu’au moment de l’indépendance, les élites algériennes, car il y avait des élites, auront disparu. Soit elles ont été totalement francisées – elles ont été liquidées par le FLN –, soit elles ont été complètement dépassées par des élites révolutionnaires issues du parti de la résistance algérienne du FLN. Tandis qu’au Maroc, si vous prenez la liste des dignitaires à la veille du protectorat et vous reprenez la liste au lendemain de l’indépendance, vous retrouvez bien souvent les mêmes familles. Pourquoi ? Parce qu’il y a des élites traditionnelles. En Algérie, il n’y en a plus. C’est ça le grand problème», étaye-t-il.
«La grande catastrophe pour l’Algérie, après la conquête française [bien conquête, ndlr], ça va être la fin de l’empire Napoléon III, parce que l’empereur Napoléon III avait une vision très décentralisée. L’Etat-nation arrive après 1870, c’est-à-dire la République qui va tuer absolument tout ce qui pouvait exister encore d’élites au sein de l’Algérie», insiste l’hôte du Makhzen, en montrant une opposition farouche à la révolution française de 1789 qui a «exporté en Algérie tous ses principes délétères qui font qu’on arrive à des résultats catastrophiques».
Le modérateur marocain demande alors si «le conflit qui existe en Algérie, qui n’a jamais été l’Algérie historiquement, c’est parce que ces territoires ont toujours été administrés directement par les deux empires qui se sont succédé [turc et français, ndlr]» est à l’origine de la «fuite en avant» des autorités algériennes dès 1962 «pour mieux cacher l’absence de profondeur historique et l’absence de tradition étatique» et du «basculement vers une forme de haine et d’hostilité [de l’Algérie] envers le Maroc alors qu’il y avait tous les moyens d’une forme de fraternité sans qu’il y ait eu de complexe ni d’antagonisme».
Bernard Lugan répond que l’Algérie «a tenté de dépasser deux problèmes : celui de la cohésion interne et celui de l’affirmation internationale». Il développe : «On est au cœur même de la question philosophique algérienne aujourd’hui.» Puis il se perd dans des rappels sur les courants qui ont traversé la Guerre de libération nationale et qui se sont manifestés lors du Congrès de la Soummam, s’éloignant ainsi, sciemment ou inconsciemment, de la question du journaliste qui lui demandait pourtant clairement de flatter le royalisme marocain et de démolir le régime républicain algérien. Sauf que l’historien sait qu’il n’a pas d’arguments qui l’habilitent à un tel exercice imprudent à partir d’un pays où les gens meurent encore d’alcool frelaté.
K. M.
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