Le plan machiavélique du Maroc et de ses tuteurs en marge du Sommet d’Alger
Par Karim B. – La chaleureuse poignée de mains entre le président Tebboune et le ministre marocain des Affaires étrangères à l’ouverture des travaux du Sommet arabe aurait pu paraître comme préludant un événement subséquent, mais elle ne dépassait pas le cadre protocolaire et le sens d’hospitalité. Elle rappelle celle du défunt président Abdelaziz Bouteflika avec l’ancien Premier ministre israélien Ehud Barak, à l’occasion des funérailles de Hassan II à Rabat, en juillet 1999. Le geste avait été interprété à Tel-Aviv comme une probable ouverture du chef de l’Etat algérien, fraîchement arrivé au pouvoir, qui allait déboucher sur un établissement des relations diplomatiques avec l’Etat hébreu. Une déduction anachronique précipitée qu’il serait maladroit de reproduire dans le cas d’espèce marocain actuel.
A Alger, Nasser Bourita semble avoir appliqué un plan élaboré d’avance, en se faisant interviewer par trois médias, saoudien, émirati et français. Des entretiens à travers lesquels le Makhzen a fait passer les messages qu’il lui était impossible de transmettre lors du Sommet arabe. Feignant inviter le président algérien au Maroc, le régime de Rabat confirme ainsi l’analyse faite par Algeriepatriotique lorsque le magazine pro-marocain Jeune Afrique s’entêtait à faire croire que le roi Mohammed VI allait prendre part au rendez-vous arabe d’Alger. Le média édité en France avait insisté une seconde fois, malgré les démentis, en faisant parler une source algérienne anonyme. Que s’est-il passé au juste ?
Ramtane Lamamra a expliqué, dans une interview à la chaîne d’information arabophone Al-Hadath, que la nouvelle de la défection de Mohammed VI était parvenue aux autorités algériennes la veille de l’ouverture des travaux du Sommet arabe. Le ministre des Affaires étrangères avait lancé une pique aux Marocains, en affirmant qu’il revenait aux historiens de définir les responsabilités quant à l’empêchement de la construction du bloc maghrébin et d’une unité arabe. Dans un entretien à la chaîne émiratie Sky News et saoudienne Al-Arabiya, Nasser Bourita s’est laissé aller à une confession, en affirmant que le souverain marocain s’était désisté après consultation avec ses homologues du Golfe qui, eux-mêmes, n’ont pas fait le déplacement à Alger.
Ce matin, c’est l’agence de presse gouvernementale française qui nous apprend, par la voix du même Nasser Bourita, que Mohammed VI adresse une invitation au président Abdelmadjid Tebboune pour que celui-ci se rende au Maroc après le sommet. Une invitation «empoisonnée» qui confirme, elle aussi, la lecture d’Algeriepatriotique qui expliquait qu’en faisant dire à Jeune Afrique que le roi n’allait pas bouder la rencontre arabe, le Makhzen cherchait à démontrer que le Maroc est toujours le premier à tendre une main amicale que l’Algérie repousse. A vrai dire, dans sa déclaration à l’AFP, Nasser Bourita ne fait qu’enfoncer le clou en imputant à Alger la responsabilité de l’absence du roi au Sommet arabe.
«Mohammed VI avait fait part, ces derniers jours, de son intention de se rendre à Alger, où il avait été convié en tant que chef d’Etat du Maroc par le président Tebboune. Mais aucune confirmation n’est venue de la partie algérienne à travers les canaux disponibles après que la délégation marocaine à Alger s’est enquise des dispositions prévues pour accueillir le souverain chérifien», s’est justifié Nasser Bourita au média français, en «déplorant» le fait qu’«il n’y ait pas eu de réponse via les canaux appropriés». Quels canaux ? Le chef de la diplomatie marocaine n’en dira pas plus.
Mais a-t-on besoin d’en savoir plus pour déceler les intentions malsaines et le jeu fourbe du Makhzen et de ses tuteurs ?
K. B.
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