ONG de sauvetage de migrants : une mafia au service du lobby de la finance
Une contribution de Khider Mesloub – Selon le journal Le Monde du 30 novembre 2022, «une plainte pour crimes contre l’humanité vient d’être déposée à l’encontre de hauts fonctionnaires européens par une ONG allemande». Rien que ça ! «Les cons, ça ose tout. C’est même à ça qu’on les reconnaît», a dit Michel Audiard dans Les Tontons flingueurs. Par une forme d’inversion accusatoire, les ONG négrières contemporaines, pour se blanchir de leur complicité criminelle avec le capital européen dans leur entreprise lucrative d’acheminement illégal de migrants clandestins, décident de traduire en justice les seuls gouvernants opposés à la politique d’importation de «matière première humaine», en l’espèce des membres du gouvernement italien.
En effet, curieusement, la majorité des dirigeants visés par la plainte est italienne. Figurent en tête des membres de gouvernements de l’Union européenne visés par la plainte l’ancienne cheffe de la diplomatie européenne Federica Mogherini, le ministre de l’Intérieur italien Matteo Piantedosi, et ses deux prédécesseurs, ainsi que l’ancien directeur exécutif de Frontex, Fabrice Leggeri. Ils sont accusés d’avoir favorisé, non pas l’acheminement illégal des migrants en Europe mais, «le renvoi de migrants dans des camps libyens». Autrement dit, d’avoir empêché les migrants interceptés en Méditerranée de poursuivre librement leur périple jusqu’aux côtes d’Europe occidentale. Pour rappel, avec la Grèce, l’Espagne, Chypre et Malte, l’Italie fait partie des pays de l’Union européenne les plus exposés à la migration par la mer.
«Le Centre européen pour les droits constitutionnels et humains (ECCHR), une ONG allemande, qui a saisi la CPI avec le soutien de Sea-Watch, leur reproche, dans un communiqué de presse accompagnant l’annonce de la plainte, mercredi 30 novembre, d’avoir commis plusieurs crimes contre l’humanité sous la forme de privation grave de liberté physique entre 2018 et 2021, en interceptant systématiquement des migrants en Méditerranée pour les renvoyer en Libye», rapporte le journal Le Monde. Ainsi, ils sont accusés d’avoir refoulé, avec le concours des garde-côtes libyens, des migrants qui cherchaient à traverser la Méditerranée.
Pourtant, ce refoulement des migrants interceptés en Méditerranée s’exerce légalement dans le cadre de l’accord conclu entre l’Etat italien et la Libye en février 2017, accord entériné par le Conseil européen. Pour rappel, cet accord vise à financer, équiper et former les garde-côtes libyens aux fins de procéder eux-mêmes à l’interception des bateaux de migrants. Cet accord aura permis de réduire de 81% le nombre d’arrivées sur les côtes italiennes dès le premier trimestre 2018. L’accord a été reconduit en 2020. Puis, au début de novembre 2022, il a de nouveau été prorogé, au grand dam de quarante ONG, dont Médecins sans frontières, fermement opposées à cet accord. Ces organisations (dont la moitié sont allemandes, et pour cause : leur pays a un besoin crucial de main-d’œuvre bon marché. Le capital allemand peut donc compter sur l’appui de ces organisations négrières pour l’approvisionner en «matière première humaine» corvéable et exploitable à merci) réclament son abrogation… pour pouvoir continuer à exercer librement leur activité lucrative de négriers des temps modernes.
C’est un secret de Polichinelle : ces organisations sont de véritables entités mafieuses œuvrant au profit d’entreprises du capital européen. Personne n’ignore les liaisons généreuses nouées entre ces ONG et les passeurs, les premières servant de rabatteuses de migrants avec leurs promesses alléchantes d’une «main européenne secourable» toujours entreprenante. Ces ONG sont financées majoritairement sur fonds privés – banques allemandes ? Une chose est sûre, les membres de ces organisations sont grassement rémunérés. Leurs salaires mensuels s’échelonnent entre 2 000 et 4 000 euros, notamment pour les simples matelots de sauvetage. Pour autant, à écouter le charitable responsable d’une de ces multiples organisations lucratives, le PDG de SOS Méditerranée : «On ne fait pas de business ! On fait de l’humanitaire et on sauve des vies !» Quelle imposture.
Par principe, logiquement l’humanitaire devrait demeurer une activité bénévole et contingente. Or, c’est désormais une profession exercée à plein temps au service d’entités occultes subventionnées majoritairement par de gros donateurs privés (des banques européennes ? des entreprises du grand capital européen ?). En tout cas, une activité «professionnelle» consistant à sillonner la mer Méditerranée à bord de bateaux équipés de toutes les commodités et technologies modernes, à se dorer l’épiderme durant la traversée dans l’attente de la livraison de la «marchandise migratoire» par leurs collègues, les passeurs.
«SOS Méditerranée se veut donc un modèle. L’association opère désormais en partenariat avec la Fédération internationale de la Croix Rouge. Elle déclare disposer de 10 millions d’euros de ressources par an. Elle est financée à 89% sur fonds privés et à hauteur de 11% par des collectivités plutôt à gauche, du conseil départemental de la Loire-Atlantique (200 000 euros de subvention annuelle) à la ville de Paris (100 000 euros récemment renouvelés), en passant par Marseille, la région Bretagne, Brest, Lille, Lyon, Montpellier, Nantes, Rennes ou Strasbourg. Rien de précis en revanche sur les plus gros donateurs privés.»
Quoi qu’il en soit, ces organisations caritatives lucratives, en collaboratrice de la mondialisation capitaliste, ne participe aucunement de l’esprit de l’internationalisme prolétarien généreux, mais de la charité bourgeoise hypocrite. Au vrai, toutes les entreprises caritatives sont complices du système capitaliste mondialisé. Pour se donner bonne conscience, elles prétendent aider les personnes nécessiteuses. Or, la misère ne se gère pas. Elle s’abolit. Ces âmes charitables cupides, au lieu de se battre pour abolir définitivement la misère, travaillent à sa pérennisation par leur activité gestionnaire lucrative. Marx, en son temps, avait dénoncé l’hypocrisie de ce genre de charité : «La bourgeoisie prêche la charité, la miséricorde, la résignation, autant d’obstacles à la révolution.»
«Les opérations de secours, comme celle menée par l’Ocean Viking, sont accusées par l’agence européenne de contrôle aux frontières Frontex d’influencer la planification des réseaux d’immigration clandestine. Les associations, elles, réfutent toute collusion. Viking, Rise Above, Géo Barents, Mare Jonio, Sea Watch 3, Open Arms Uno et tant d’autres bateaux ambulants, la flotte des ONG en Méditerranée n’a jamais été aussi étoffée. La moitié est liée à des ONG allemandes. Ces navires sont au moins une vingtaine à se répartir les interventions en mer, épousant le rythme effréné imprimé par les réseaux du crime organisé qui s’enrichissent sur la détresse humaine en mettant à l’eau, principalement depuis les côtes libyennes, des embarcations surchargées d’exilés. Avec, en toile de fond, cette question lancinante dans les pays d’accueil : les humanitaires sont-ils, sans le vouloir, les garants d’un système qui ne fonctionnerait pas aussi bien sans eux ?», écrit le journal Le Figaro dans son édition du 20 novembre 2022.
Quand on apprend quelques jours plus tard, le 29 novembre 2022, que «le gouvernement allemand a présenté un projet de réforme visant à simplifier l’accès à la nationalité allemande pour les immigrés», toute cette lucrative affaire de charité «immigrationniste» éclaire d’un jour nouveau les sombres plans de la bourgeoisie européenne impérialiste. En effet, le ministre de l’Intérieur allemande, Nancy Faeser, a dévoilé un projet de réforme qui vise à changer les règles d’attribution de la nationalité. L’objectif est de faciliter l’intégration des immigrés dans une Allemagne sénile, pénalisée par le manque de main-d’œuvre en les naturalisant plus rapidement. Actuellement, les immigrés doivent justifier de huit années passées en Allemagne pour faire une demande de nationalité. La nouvelle loi compte réduire ce délai d’attente à cinq, voire à trois ans si le résident maîtrise parfaitement la langue ou a fait du bénévolat. Bénévolat ? Encore ce paravent de charité (chrétienne) excipé comme gage de vertu… de la soumission à l’ordre social inique.
Comme l’avaient écrit Karl Marx et Friedrich Engels : «Les principes sociaux du christianisme (remplacés aujourd’hui par les droits-de-l’hommisme otaniens et l’humanitarisme bourgeois interventionniste) ont justifié l’antique esclavage, glorifié le servage du moyen-âge et s’entendent également, au besoin, à défendre l’oppression du prolétariat malgré tous les petits airs navrés qu’ils se donnent. Les principes sociaux du christianisme prêchent la nécessité d’une classe dominante et d’une classe opprimée, et n’ont à offrir à cette dernière que le pieux souhait que la première veuille bien se montrer charitable. Les principes sociaux du christianisme placent dans le ciel le règlement consistorial de toutes les infamies subies sur cette terre. Les principes sociaux du christianisme proclament que toutes les infamies des oppresseurs envers les opprimés sont ou bien la juste punition du péché originel et des autres péchés, ou bien l’épreuve à laquelle le Seigneur, dans sa sagesse, soumet ceux qu’il a sauvés. Les principes sociaux du christianisme prêchent la lâcheté, le mépris de soi-même, l’abaissement, la soumission, l’humilité, bref toutes les qualités de la canaille. Les principes sociaux du christianisme (aujourd’hui par les droits-de-l’hommisme otaniens et l’humanitarisme bourgeois interventionniste) sont des principes de cafards, et le prolétariat est révolutionnaire.»
La charité, cette œuvre d’âmes viles et serviles, est la sœur jumelle de la religion, cet autre refuge d’aliénation qui sert d’«abri atomique» cultuel pour se soustraire à la Question sociale, à la mission salvatrice de la révolte sociale, à l’émancipatrice insurrection révolutionnaire. Une chose est sûre : la charité, cette action caritative épisodiquement pratiquée pour se donner bonne conscience, n’a jamais éliminé la misère. «C’est donc une triste mais instructive vérité à reconnaître et à mettre à profit cette impuissance de la charité collectivement et individuellement exercée. Il est donc malheureusement incontestable que cette charité, malgré son organisation puissante, malgré les nombreuses sociétés d’assistance qu’elle a fondées, malgré l’abondance des offrandes et des legs pieux, et malgré le concours actif de la bienséance municipale ; c’est une triste et instructive vérité à proclamer bien haut que la charité, alimentée par tant de canaux et tant de sources intarissables, ne peut pas préserver la cité qui se dit et se croit la plus civilisée de l’univers, d’avoir en son sein, à côté des merveilles d’une construction gigantesque, à côté de ses fastueux palais et de ses riches comptoirs, des populations nues et affamées dont les privations et les souffrances extrêmes ne sont pas purement locales», dénonçait déjà au début du XIXe le saint-simonien François Barthélémy Arlès-Dufour.
Aujourd’hui, dans cette phase de décadence du capitalisme, marquée par le désordre mondial délibérément entretenu par le capital belligène, notamment par les multiples guerres impérialistes et les boucheries inter-ethniques, induisant un exode massif de populations transformées en hordes vagabondes, la bourgeoisie européenne instrumentalise ces convulsions en force opportunément exploitable à son avantage. Notamment la question sensible des migrants. Quoique chacun de son respectif Etat, officiellement, prône la fermeté en matière de politique migratoire, la bourgeoisie européenne œuvre en sous-main à l’ouverture des frontières par des appels d’air soigneusement orchestrés par des instances patronales via des filières clandestines, agissant sous couvert d’humanitarisme.
De nos jours, avec la crise systémique du capitalisme, la seule perspective offerte aux prolétaires est le chômage. Le seul avenir échu aux pauvres des pays sous-développés est l’exil vers les continents riches, notamment l’Europe et l’Amérique du Nord. Et cette émigration est favorisée et soutenue par les puissances financières, le grand capital occidental, assoiffé de main-d’œuvre corvéable et taillable à merci. Immigration convoitée également pour son pouvoir d’inflexion baissière des salaires. Il est communément reconnu que la main-d’œuvre immigrée tire les salaires vers le bas. Et la conscience de classe ouvrière vers les abîmes de l’idiotisme politique, vers l’esprit tribal et la dévotion religieuse.
Dans Le Capital publié en 1867, Marx écrit : «Le système capitaliste développe aussi les moyens (…) d’augmenter en apparence le nombre des travailleurs employés en remplaçant une force supérieure et plus chère par plusieurs forces inférieures et à bon marché, l’homme par la femme, l’adulte par l’adolescent et l’enfant, un Yankee par trois Chinois.»
Entre la date de la rédaction de ce texte et notre époque contemporaine, aucun changement notable de cette réalité décrite ingénieusement par Marx. Sinon, celui des trois Chinois : ils ont été remplacés par des millions de migrants, ces «forces inférieures» disposées à s’employer à bon marché. Cette armée industrielle de réserve mondiale, réservoir inépuisable du capital.
Ces dernières décennies, la survie du capital européen sénile se paye au prix de la «traite négrière». Le capitalisme européen est né avec la mise forcée au travail de paysans autochtones chassés de leurs terres et d’esclaves étrangers capturés, il survit par l’importation clandestine de forces africaines et orientales pour les exploiter avec des salaires de misère.
Enfin, preuve de la nature foncièrement bourgeoise des ONG négrières œuvrant sur les mers de la Méditerranée, ces thuriféraires des flux migratoires : elles ne s’attaquent jamais aux causes capitalistes et impérialistes de l’émigration. L’humanitarisme de ces ONG «immigrationnistes» ressemble à celui de la Croix Rouge opérant au cours de la Première Guerre mondiale sur les fronts de guerre, dont le jeune Léon Trotsky raillait l’activisme philanthropique militairement intéressé : «Elle sert à soigner plus vite les blessés pour les renvoyer se faire tuer au front.» Les ONG négrières arrachent les migrants des affres de la misère africaine pour les convoyer vers les bagnes industriels des pays capitalistes européens mortifères, aux populations autochtones affligées de maladies psychiatriques contagieuses et gangrenées par un racisme décomplexé réservé justement aux seuls migrants africains, maghrébins et orientaux.
En tout état de cause, la question migratoire ne peut être résolue ni dans le cadre national, ni au sein du système capitaliste. Encore moins dans le cadre d’une mission humanitaire, ni par une œuvre de charité. Mais par le sabordage du capitalisme, ce système en plein tangage économique qui précipite l’humanité dans le naufrage existentiel.
K. M.
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