Voici pourquoi la France est tellement pressée de régulariser les sans-papiers
De Paris, Mrizek Sahraoui – «La France doit dire qui on veut et qui on ne veut pas accueillir», a affirmé, comme si c’était une évidence et facile à mettre en œuvre, Elizabeth Borne devant la représentation nationale à l’entame, ce mardi, du débat sans vote sur le projet de loi sur l’immigration, projet annoncé début novembre par le ministre de l’Intérieur. De son côté, ce dernier a précisé les contours de cette loi – 29 lois sur le sujet ont été votées depuis 1980 – qui sera débattue début de l’année qui vient.
Aussi loin que l’on remonte dans la vie politique française, on peut toujours trouver trace de l’instrumentalisation de l’immigration à des fins politiciennes, y compris durant la période dite des Trente Glorieuses. Mais bien plus encore à chaque fois que la France traverse des crises, va mal, et qu’aucune solution n’est trouvée par le pouvoir politique en place.
Tous les regards ou presque se tournent alors vers les immigrés, notamment ceux venus des anciennes colonies, les boucs émissaires bien commodes pour ne pas avoir à parler des maux et du mal-être du peuple français grandissants au fil des alternances politiques.
C’est sous le mandat unique de Nicolas Sarkozy, obnubilé, que la thématique de l’immigration devint une quasi-obsession. Avant de constituer, à l’occasion de l’élection présidentielle de 2022, la matrice du corpus idéologique du «projet pour la France» porté par Eric Zemmour, le saint sauveur de la patrie et non moins foutriquet hargneux et rancunier qui veut réécrire l’histoire. Il va sans dire que la question de l’immigration devra constituer un enjeu central et sera au cœur de l’élection présidentielle (de tous les dangers) de 2027.
Ce nouveau dispositif juridique, qui prévoit de la fermeté d’un côté, et une meilleure intégration en régularisant ceux qui «bossent», de l’autre, intervient dans un contexte global marqué par la banalisation de la parole raciste et xénophobe. Où domine aussi bien dans le débat politique et médiatique que dans la rue la rengaine totalement assumée, à vrai dire une imposture selon laquelle le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen n’est plus le Front national (FN), le parti d’extrême droite fondé par (son) père, lequel a toujours fait l’amalgame et lié la délinquance, l’insécurité et l’immigration.
La réalité est tout autre, bien plus complexe, plus dramatique, plus parlante, cependant, connue de la classe politique, mais qui feint l’indifférence. Pour s’en convaincre, comprendre et s’enquérir de la situation, il suffit d’aller, vers 6 h du matin, Place Stalingrad à Paris, ou devant les magasins de vente de matériaux de construction (Plateforme, Point P, ou encore Bricorama) situés dans la région parisienne à la rencontre des hordes de sans-papiers en quête d’une embauche temporaire.
Tous ces travailleurs de l’ombre qui exercent des métiers difficiles depuis des années, y compris pendant l’épisode du Covid, avec de bas salaires, sans couverture sociale, ni droits à la retraite, le disent : [ils] ont grandement besoin de nous. Ils le savent, mais font semblant d’ignorer notre apport à l’économie française en état de catatonie et de sous-estimer l’utilité des sans-papiers. Cette main-d’œuvre bon marché sans laquelle il n’y aura pas de Jeux olympiques en 2024 à Paris.
Voilà qui est net et clair.
A. S.
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