Viendra, viendra pas : le Maroc fait durer le suspense mais sait qu’il risque gros
Par Kamel M. – Le président de la Confédération africaine de football (CAF) a répondu aux tournures flexibles de la Fédération royale marocaine de football (FRMF) par des formules tout aussi élastiques, en évitant de forcer sur les épithètes afin de ne pas perturber le Championnat d’Afrique des nations qui commence ce samedi à Baraki par le match Algérie-Libye et ne pas tomber dans le piège tendu par Rabat. Les Marocains savent pertinemment ce qu’ils encourent en cas de boycott de ce rendez-vous africain. Iront-ils jusqu’à prendre le risque de voir s’évaporer leurs chances d’organiser la Coupe d’Afrique des nations en 2025 en raison de ce boycott éminemment politique ? Nous le saurons ce dimanche 15 janvier, jour de l’entrée en lice des demi-finalistes du dernier Mondial sur la pelouse flambant neuve du stade Chahid-Hamlaoui de Constantine, face au Soudan.
Au Maroc, tout est chantage. Des nuits torrides de la Mamounia à Marrakech à la balle ronde, l’ombre du régime monarchique plane. On a vu comment les deux patrons des services secrets marocains, Yassine Mansouri et Abdellatif Hammouchi, collaient aux crampons des joueurs marocains jusque dans les vestiaires pour graver l’image du Makhzen et expliquer indirectement à la délégation marocaine que la Coupe du monde de football c’est aussi et surtout une forme d’allégeance au roi et à son indéboulonnable trône. Il en va de même pour le CHAN-2022 qui se déroule en terre voisine «ennemie. Si l’équipe du Maroc finit par être autorisée par le pouvoir marocain à se rendre en Algérie sans avoir obtenu l’autorisation de procéder à un vol direct Rabat-Constantine, il va de soi que des membres de la DGST (sécurité intérieure) et de la DGED (renseignement extérieur) seront du voyage pour encadrer les représentants de Mohammed VI à cette compétition.
C’est un gros dilemme pour le Maroc : boycotter et subir les sanctions qui s’ensuivent ou participer et accuser le coup d’une humiliation en apparaissant comme une nation dont les dirigeants auront fait preuve de lâcheté. Encore une. A Rabat, en tout cas, le président de la FRMF persévérait ce jeudi, même après son communiqué du matin, dans son ambiguïté calculée en affirmant aux médias locaux que «l’équipe nationale du Maroc continue sa préparation […] au complexe Mohammed-VI». Il ajoute : «Les visions de l’EN et de la FRMF sont claires, et c’est bien la participation, en témoigne notre préparation. […] L’équipe nationale marocaine est prête à voyager en cas de réponse positive et d’autorisation par l’organisme organisateur de se déplacer de l’aéroport de Rabat-Salé vers l’aéroport de Constantine par Royal Air Maroc, le transporteur officiel des équipes nationales.»
Si Fouzi Lekjaa joue sur les mots, c’est qu’il garde à l’esprit l’après-retrait si jamais le Maroc allait jusqu’au bout de son entêtement à ne pas permettre à son équipe nationale de football de faire le déplacement en Algérie, même en passant par un pays tiers, et à perdre la face. Radio France International (RFI) en explique la raison : «Cette décision du Maroc va certainement entraîner des conséquences et valoir peut-être une suspension à l’équipe locale pour les prochaines échéances. Le président [de la CAF, ndlr] Motsepe n’a pas voulu [lors de sa conférence de presse animée à Alger ce jeudi, ndlr] aborder la question d’éventuelles sanctions, parlant de se conformer aux règles de la CAF et de la FIFA». Le média français poursuit : «Le Maroc, qui est également en course pour obtenir l’organisation de la CAN-2025, pourrait voir sa candidature avoir du plomb dans l’aile après ce retrait».
Alors, viendra ? Viendra pas ? A l’heure où nous rédigeons ces lignes, il ne reste plus que quarante-huit heures pour être fixés, en sachant qu’un boycott marocain non seulement n’aura aucune répercussion sur le déroulement du CHAN-2022, mais augmentera les chances de l’Algérie d’obtenir l’organisation de la CAN-2025.
K. M.
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