Josep Borrell et le douteux impératif du respect des droits de l’Homme
Une contribution de Mourad Benachenhou – «Les Palestiniens sont les victimes d’un génocide, tel que défini par la Convention de 1948 relative à la prévention et à la punition du crime de génocide. […] Au cours des quelques six décennies et demi, le gouvernement israélien et ses prédécesseurs légaux – les agences sionistes, les gangs terroristes armés – ont mené avec brutalité une campagne systématique et totale, militaire, politique, religieuse, économique et culturelle, dans l’intention de détruire de manière substantielle les différents groupes constituant le peuple palestinien.» (Professeur Francis A. Boyle, Le génocide du peuple palestinien par Israël).
«Les Palestiniens sont un cancer et ils doivent être éliminés.» (général-major Moshé Ayalon, chef d’état-major de l’armée sioniste, cité par Yitzak Loar, Journal, London Review of Books)
A l’occasion de la Journée internationale des droits de l’Homme, célébrée par le monde entier le 9 décembre de chaque année, Josep Borrell, «ministre des Affaires étrangères» de l’Union européenne, a publié, en cette date commémorative de 2022, un communiqué de presse, dans lequel il rappelle les engagements européens à mettre au centre des relations internationales la défense des droits de l’Homme. Il a proclamé, entre autres : «Cette journée est l’occasion de rappeler que les droits de l’Homme sont universels, indivisibles, inaliénables, interdépendants et intimement liés. Alors que leur promotion et leur protection sont un impératif pour défendre la dignité humaine, le véritable respect et la réalisation des droits de l’Homme sont également indispensables pour la paix, la démocratie et le développement durable. L’UE continuera à surveiller, à attirer l’attention et à prendre des mesures décisives dans les enceintes internationales pour combattre et prévenir les violations et atteintes aux droits de l’Homme, et à soutenir les initiatives internationales visant à demander des comptes à tous les auteurs.»(1)
Mais une application quelque peu limitée et biaisée…
Ce même communiqué présente la liste des «méchants pays» qui violeraient, suivant les «critères» européens les droits de l’Homme tels que définis par cette association. Il pointe du doigt, évidemment, la Russie et les souffrances du peuple ukrainien. Le communiqué fait référence également à des pays qui ont commis de «graves abus» : Afghanistan, Belarus, Ethiopie et Myanmar (Birmanie). A cette liste d’infamie, toujours selon l’UE, sont ajoutés la Chine et l’Iran. Il souligne aussi que «les femmes et les filles ont été les cibles de la répression et de mesures restrictives […] et ont souffert disproportionnellement de violation des droits humains dans les zones de conflit.»
On ne peut qu’applaudir à ces déclarations de principe, tout en émettant des doutes sur les critères de choix des pays placés dans cette «liste d’infamie». Se caractérisent-ils vraiment par des politiques particulièrement condamnables de violation des droits universels de l’Homme ou s’agit-il plutôt d’une liste mue par des considérations de politique étrangère qui n’ont rien à voir avec la fréquence des abus que les citoyens de ces pays subissent de la part de leurs autorités ? D’autre part, parmi ces pays, certains sont frappés de sanctions quasi-universelles qui les mettent en état de siège international, alors que d’autres ne reçoivent que des «gentilles petites tapes sur les doigts», ce qui met encore plus en doute la crédibilité de la «Déclaration de principe de l’Union européenne». Celle-ci se proclame donc unilatéralement et faussement «juge impartial et objectif» n’ayant pour autre motivation, dans ses jugements sur la situation des droits de l’Homme dans le monde, que des sentiments humanitaires et la sensibilité aigue à l’égard de la misère et des souffrances de certains peuples, soumis à l’arbitraire de leurs gouvernements.
Israël, le grand absent de la «liste d’Infamie» de l’Union européenne !
On est d’autant plus sceptique non seulement quant à la sincérité de l’Union européenne dans sa posture de «défense du principe universel du respect des droits de l’Homme», mais également quant à son absence proclamée d’impartialité pour l’établissement de la liste des «Etats en état de péché» car manque visiblement dans cette liste Israël, champion «toutes catégories» de la violation des droits de l’Homme.
On tire à juste titre le sentiment qu’Israël est hors de ce monde, que les Palestiniens sont exclus de toute protection et que les juifs qui dominent le pays ont reçu un autorisation totale de n’en faire qu’à leur tête, sans tenir compte des lois internationales et des règles de morale acceptées universellement, et selon leurs propres lois dictées par le moment et leur projet final. Et leur barbarie n’a aucune limite.
Même les dépouilles des Palestiniens assassinés ne sont pas respectées
On a vu ainsi ce qui constitue un acte infâme et un crime de guerre, car la mutilation du corps des ennemis tués au combat est strictement interdite et depuis des siècles, un médecin militaire israélien dispensait sur place une leçon d’anatomie sur un Palestinien qui venait d’être assassiné par les forces armées sionistes. Voici ce que ce que raconte un témoin : «La leçon a eu lieu à la suite d’un accrochage entre un groupe armé palestinien et une unité des forces de défense israéliennes. Le soldat a dit que le corps du Palestinien a été criblé de balles et que certains de ses organes internes ont été mis à découvert. Le docteur a déclaré l’homme mort et puis a pris un couteau et a commencé à découper des parties du corps», a déclaré le soldat. «Le docteur nous a expliqué les différentes parties – la membrane qui couvre les poumons, les couches de la peau, le foie, des choses comme ça.» (Lorenzo Veracini, Israël et la société de la colonie de peuplement, Londres, éditions Pluto Press, p.10).
Borrell est-Il si mal Informé sur l’état des droits de l’Homme en Palestine occupée ?
Il est difficile de croire que Borrell, le chef de la diplomatie de l’Union européenne, ancien interne dans un «kibboutz», selon sa propre biographie, ignore totalement non seulement le projet génocidaire sioniste, mais aussi la politique d’apartheid dénoncée par plus d’une organisation internationale consacrée à la défense des droits de l’Homme et confirmée également par un rapport d’enquêteurs israéliens mobilisés par Bet’selem, tout comme les crimes quotidiennement commis par les autorités sionistes contre les Palestiniens.
Le professeur Borrell insiste, pourtant, sur la nécessité de combattre la «propagande» et la «manipulation de l’opinion publique par des entités gouvernementales prêtes à diffuser toutes sortes de mensonges pour faire avancer leurs desseins malfaisant.» Mais étouffer les informations critiques sur les abus systématiques des droits de l’Homme et la politique d’apartheid d’Israël et son projet génocidaire peuvent être sans réserves définis comme de la «propagande» car, en cachant les abus commis au nom du sionisme et sous le couvert de «combattre l’antisémitisme», c’est une image d’Israël non conforme à la réalité qui est présentée au grand public et au monde. Et cela relève de la «propagande» tant honnie par Borrell.
Le tout dernier rapport d’Amnesty International date de décembre 2022
Pourtant, cet ancien professeur de mathématiques et diplomate au long cours, polyglotte avéré, peut facilement accéder au site d’Amnesty International, organisation de défense de droits de l’Homme, et lire, dans son texte originel, son tout récent rapport qui a mis à jour l’inventaire des violations de droits de l’Homme en Palestine historique, sous le titre clair d’«Israël Apartheid in Action»(2).
Comme les rapports de cette organisation de défense des droits de l’Homme, pourtant bénéficiant de financements de l’Union européenne, sont systématiquement frappées d’un embargo total dans les médias internationaux, on n’a d’autre moyen d’en faire connaître les critiques fondées et documentées qu’en en citant de larges parties, in extenso et mot à mot.
Une liste accablante des abus commis par l’entité sioniste
Ce que rapporte le document d’Amnesty International sur la situation de droits de l’Homme en Palestine occupée est reproduit plus bas. Cette citation claire et ne présentant aucune difficulté de compréhension est livrée ici telle quelle, sans ajouts ni commentaires qui pourraient déformer les affirmations qu’elle contient sur l’état des droits de l’Homme en Palestine historique :
«Le cadre national des droits de l’Homme :
- Israël a rejeté le mandat du procureur de la CPI (Cour pénale internationale) d’enquêter sur la situation en Palestine, sapant le travail de la CPI et poussant d’autres Etats à se distancer de l’enquête, avec des répercussions pour la justice internationale au-delà de la situation en Palestine.
- Israël continue de rejeter l’applicabilité de la Quatrième Convention de Genève (relative au droit humanitaire de la guerre) et ses obligations en vertu du droit international des droits de l’Homme dans les TPO (territoires palestiniens occupés) malgré le consensus international sur la question.
- Israël maintient des réserves […] qui empêchent le Comité des Nations unies contre la torture de se rendre en Israël pour contrôler la conformité et la CIJ (Cour internationale de justice) de se prononcer sur les différends concernant la torture par Israël.
- En 2022, la commission d’enquête internationale indépendante sur les TPO, y compris Jérusalem-Est et Israël (COI) a constaté qu’«il y a eu un manque de mise en œuvre des recommandations des rapports antérieurs en ce qui concerne les principales causes profondes sous-jacentes des conflit, approfondissant les tensions récurrentes, l’instabilité et la prolongation des conflits entre Etats, a refusé de coopérer avec la COI.
- Israël n’a pris aucune mesure pour créer une institution nationale des droits de l’Homme conformément aux principes de Paris, bien qu’il ait accepté deux recommandations d’envisager de le faire.
- Des centaines de maisons ont été détruites à Gaza lors des offensives israéliennes en mai 2021 et août 2022. Quelque 1 000 maisons détruites lors de l’offensive israélienne à Gaza en 2014 n’ont pas été reconstruites en 2022. Les matériaux de reconstruction font défaut en raison du blocus israélien contre Gaza depuis 2007. Israël a continué à utiliser la force létale illégale pour restreindre l’accès des Palestiniens à une zone de 300 à 1 500 m de large le long de la périphérie de Gaza, couvrant plus de 35% des terres agricoles de Gaza. Il a également restreint l’accès à 85% des eaux de pêche de Gaza, tirant régulièrement sur les pêcheurs s’aventurant au-delà.»
Borrell : une ignorance feinte de la réalité du projet sioniste
Dans une autre déclaration faite à l’occasion de l’interpellation de nombre de membres du Parlement européen dénonçant le silence de l’Union européenne face à la situation dramatique du peuple palestinien soumis à l’arbitraire colonial et à l’apartheid sioniste, Borrell a rejeté la qualification d’Etat-apartheid contre Israël et est même allé jusqu’à agiter le drapeau rouge de «l’antisémitisme» pour rejeter cette qualification.
Borrell ne peut tout de même pas ignorer l’histoire du projet sioniste.
Faut-il rappeler à cet universitaire de haut niveau, féru d’histoire, que ce projet est mené contre le peuple palestinien depuis déjà plus de cent ans car il date du début du mandat anglais sur la Palestine, en application des décisions du Traité de Versailles (28 Juin 1919) qui a suivi la fin de la Première Guerre mondiale ?
Cet infâme traité a «généreusement» divisé entre les «puissances alliées» tout le territoire couvert par la dénomination de «Moyen-Orient», démembrement de l’ex-Empire ottoman. A souligner qu’au congrès préparatoire à ce traité inique et infâme, mais toujours d’actualité, n’ont pris part ni des représentants des pays arabes de l’époque ni, évidemment, des représentants du peuple palestinien.
Les preuves qu’Israël est un Etat d’apartheid sont indéniables
Voici ce qu’affirme le rapport d’Amnesty International au sujet de l’apartheid en Israël, démentant le rejet par Borrell du qualificatif d’apartheid appliqué à Israël :
«L’apartheid et le droit à un logement convenable, Amnesty International appelle le gouvernement israélien à :
- Mettre fin au système d’apartheid en démantelant les mesures de discrimination, de ségrégation et d’oppression actuellement en place contre la population palestinienne et entreprendre un examen de toutes les lois, réglementations, politiques et pratiques discriminatoires pour des motifs raciaux, ethniques ou religieux, et abroger ou modifier pour les mettre en conformité avec le droit et les normes internationales relatives aux droits de l’Homme.
- Entre autres, abroger ou révoquer les lois et règlements suivants, ou les suspendre jusqu’à ce qu’ils soient mis en conformité avec le droit international des droits de l’Homme, en particulier les dispositions anti-discrimination : la loi sur la propriété des absents (loi sur le transfert de propriété) de 1950 ; la loi sur l’acquisition foncière de 1953 ; ordonnance militaire numéro 59 concernant les biens du gouvernement (Judée et Samarie) ; et la British Land (Acquisition for Public Purposes), ordonnance de 1943.
- Accorder des droits humains égaux et complets à tous les Palestiniens en Israël et dans les TPO sans discrimination, tout en veillant à ce que le droit international humanitaire protège les Palestiniens dans les TPO.
- Mettre fin aux transferts forcés de population, aux arrestations arbitraires, à la détention administrative, à la torture et autres mauvais traitements, aux homicides illégaux et aux blessures infligées, ainsi qu’aux restrictions d’autres droits fondamentaux, telles que la restriction arbitraire de la liberté de mouvement et de résidence des Palestiniens dans leur communautés, leur droit à la vie de famille et leur droit d’accéder aux moyens de subsistance, au logement, à la nourriture, à l’eau, aux services de santé essentiels et à l’éducation.
- Cesser immédiatement toute activité de colonisation comme première étape vers le démantèlement des colonies israéliennes dans les TPO.»
Ces deux citations ne représentent qu’une infime partie des exactions commises par les autorités israéliennes contre la population palestinienne et que révèle le long rapport d’Amnesty International.
«Cachez-moi cet apartheid et cette fausse démocratie que je ne saurai voir !» proclame Borrell.
Mais voici que même une publication israélienne, parmi tant d’autres, enfonce le clou de la situation réelle des droits de l’Homme dans la colonie de peuplement d’Israël. Là aussi on laisse la totale responsabilité de son écrit à un éditorialiste israélien qui dénonce la partialité de Borrell dans l’appréciation de la situation des droits de l’Homme. Michael Sfard, tel est le nom de cet éditorialiste, dans un article publié le 21 décembre sur le quotidien Haaretz, écrit ce qui suit spécifiquement à l’adresse de l’Union européenne et sous le titre «Alors que les crimes d’apartheid s’aggravent, l’exceptionnalisme de l’Occident envers Israël doit cesser» : «Alors qu’Israël s’est employé à mettre en œuvre un double système juridique centré sur la discrimination systémique des Palestiniens en Cisjordanie, l’Occident a conservé son propre système juridique double, permettant effectivement à Israël de violer les interdictions établies par le droit international.»
Il rappelle également dans le cours de son éditorial le traitement différentiel appliqué par l’Union européenne dans sa mise en œuvre de sa politique de «défense» des droits de l’Homme, où certains pays «récalcitrants» subissent la foudre de ses sanctions, tandis qu’Israël, qui fait autrement pire qu’eux, échappe à toute pression et continue à jouir du plein appui de cette «association de bienfaisants».
Voici ce qu’il relève sur ce comportement discriminatoire : «Si cette discussion portait sur la Russie et ses crimes présumés en Ukraine, ou sur la Syrie et les crimes que son régime commet contre ses propres citoyens, les pays européens dirigeraient l’appel à faire respecter l’ordre international fondé sur des règles, tel qu’interprété par les institutions juridiques internationales, au premier rang desquelles la CIJ. Lorsque la Russie viole les lois de la guerre ou lorsque la Biélorussie l’assiste, l’Europe impose des sanctions. Lorsque l’armée du Soudan du Sud commet des violations massives des droits de l’Homme ou lorsque le gouvernement vénézuélien réprime brutalement ses opposants, l’Europe impose des sanctions personnelles aux responsables car l’Europe de l’après-guerre veut croire que la protection des droits de l’Homme par l’application du droit international est à l’avant-garde de sa politique étrangère.»
M. B.
(**) https://www.amnesty.org/en/wp-content/uploads/2022/11/MDE1560912022ENGLISH.pdf
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