La morale algérienne est ancestrale
Une contribution de Saadeddine Kouidri – L’anthropologue affirme qu’il y a plus important pour l’Homme que sa propre survie. On peut donner comme exemple le sacrifice pour l’indépendance de son pays.
Si toutes les nations ont payé un prix pour leur indépendance, le nôtre semble des plus élevés. Nous avons été contraints à le faire dès l’invasion de notre patrie, jamais auparavant, le 5 juillet 1830 à Sidi-Fredj, jusqu’au jour de la victoire, le 19 mars 1962. Il y a 61 ans.
Si notre défaite face à l’occupation a été totale, il reste néanmoins que le génocide de notre peuple n’a pas eu lieu. Nous omettons souvent de mentionner cette victoire de la résistance populaire dirigée par l’Emir Abdelkader, ce poète et guerrier flamboyant élu par ses pairs par la Djemaa de l’Ouest. La Résistance nous a coûté plus du tiers de la population, c’est-à-dire des millions de martyrs et en face 100 000 morts de soldats ennemis. C’est grâce à cette résistance populaire durant des décennies, à travers tout le territoire, que nous avions survécu au génocide programmé par la France.
Comme on sait que le sacrifice de soi est la forme la plus élevée du comportement moral, on peut déduire que cette dernière était bien partagée par nos concitoyens avant la colonisation. Pour comprendre la raison, il faut se rappeler que la morale, comme tous les attributs humains, progresse ou régresse, suivant l’histoire. Vu le nombre des martyrs, nous pouvons prétendre que nous étions des plus civilisés et face à nous il n’y avait que des barbares, n’en déplaise à Marx, à Engels et à tous les économistes. Pour tuer l’autochtone, l’occupant le considère comme un animal, un sous-homme. Face à lui, on étale un rictus et non un sourire. Il ne vient pas à l’idée de taxer un de ses enfants rictus de la barbarie, malgré son dernier acte sur la retraite contre son propre peuple de dictateur, Macron.
L’évolution des instincts sociaux donne la base au développement du sens moral. Pour le capitaliste occidental, l’autre reste un étranger à jamais alors que pour les peuples, l’autre est toujours sympathique dans la plupart des cas, un bienvenu. C’est cet instinct social, ce premier sentiment, y compris entre des inconnus, qui va cheminer la civilisation dont le moteur est la sélection naturelle, qui passe, par revers, de l’élimination des plus faibles par les plus forts à une société où le plus faible est non seulement respecté mais protégé pas la force publique.
Pour son intérêt, le capitaliste occidental ment à l’autre et finit par mentir à tout le monde. C’est lorsqu’il ment à tout le monde qu’il se dévoile avec le temps. Si on se réfère juste aux derniers grands événements occidentaux, comme les élections sur le Brexit, le coup d’Etat de Trump, leur guerre contre la Russie et dernièrement Macron et sa réforme des retraites, nous avons la preuve que leur mensonge est flagrant. Il nous permet d’affirmer, preuves à l’appui, que ce n’est pas Poutine ou Xi Jinping les dictateurs mais les dirigeants des pays capitalistes occidentaux qui le sont.
Un quotidien algérois, dans son édition du 15 de ce mois, titre : «Une majorité de députés néophytes sans véritable expérience politique» à l’Assemblée tunisienne. Cet intitulé disqualifie les députés que les Tunisiens ont élus. Pourquoi, puisque dans ce cas quand un député est élu, c’est, qu’aux yeux des électeurs, il est compétent pour les représenter. C’est du moins l’interprétation de la loi. Le journaliste nous donne son opinion qui ne retient pas que pour notre voisin c’est la rencontre d’un leader islamiste qui est contreproductif dans la sphère politique et c’est pour cela que Kaïs Saïed les chasse de sa sphère. Nous, nous lui disons bravo !
La pratique politique du président tunisien, les manifestations du peuple frère marocain et celle des magnifiques manifestations du peuple français mettent à nu cette démocratie. Elle est prétendument née dans le bassin méditerranéen, son berceau, dit-on, est la Grèce antique, une république esclavagiste qui tend aujourd’hui à devenir son cercueil.
Chez nous, avec la perspective d’adhérer aux BRICS, le Président conforte cet enterrement et la déconforte quand il rencontre un leader islamiste. Si Bouteflika méprisait le peuple et le jugeait inapte à la pratique politique, que doit-on dire de Tebboune qui, dans ses discours, parle de l’économie et de la sécurité et point de politique ? La conscience politique est la morale de l’homme moderne qui se dégrade quand elle n’est pas sollicitée. Avec son prédécesseur, le peuple était contraint à l’émeute ; avec le président actuel, qui dénonce lui-même la bureaucratie où la politique reste enserrée. A croire que la réaction est prête à nous ramener à la politique du 5e mandat, c’est-à-dire à un baril de pétrole, comme était l’Arabie Saoudite par exemple.
Si le mensonge des capitalistes a fait long feu, c’est, aussi, parce qu’il a naturalisé les inégalités. Il y a presque deux siècles, ils avaient naturalisé le colonialisme de peuplement à nos dépens jusqu’à faire de notre peuple lettré, amoureux de sa terre, pacifique, civilisé, un peuple barbare. Ils ont, grâce à leur philosophie, inversé les rôles pour légitimer les génocides de tribus entières aux yeux de leurs opinions analphabètes pour tenter d’écrire aujourd’hui leur histoire amorale, sur notre dos.
Honte à Stora, cet historien au service du pouvoir de Macron qui va jusqu’à disculper un tortionnaire notoire, ce leader de l’extrême droite après avoir tenté, des années auparavant, vainement, d’assombrir le 1er Novembre 1954 en écrivant l’autobiographie de Messali, non pas pour l’histoire d’un des promoteurs de la nation algérienne, mais pour porter préjudice à Boudiaf et ses camarades qui avaient corrigé la politique de ce zaïm opportunément pour inviter le peuple à la lutte de libération le 1er Novembre 1954.
Jusqu’en 1830, l’Algérie était dirigée par les Turcs qui avaient l’islam en commun avec les Algériens. L’islam, contrairement à ce qui est répandu à dessein malsain, n’est pas uniquement une religion, il est une civilisation. Cette civilisation avait une morale que la pratique de l’islam algérien avait élevée au diapason. C’est la morale de notre civilisation qui a permis notre survie au prix d’un sacrifice inouï. Les pouvoirs rétrogrades de l’Orient comme ceux de l’Occident nous jalousent sur cet acquis ancestral qui, pour certains de nos concitoyens, est amazigh, pour d’autres numide, arabe ou andalou et l’énorme sacrifice de notre peuple, face à la colonisation et ses valets, indique qu’il est de tous ceux-là et bien d’autres encore. Nos ennemis tentent toujours de nous démoraliser, vainement.
Vive notre morale ancestrale et vive la victoire qu’elle a remportée le 19 mars 1962.
S. K.
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