Rome prédit une faillite de la Tunisie dans neuf mois et alerte sur ses effets
De Rome, Mourad Rouighi – Les milieux proches de Giorgia Meloni sont catégoriques, la crise tunisienne «doit être réglée aujourd’hui». Après, «ce sera trop tard». Rome a, à cet effet, saisi l’allié américain pour débloquer en urgence le prêt de 1,9 milliard d’euros du Fonds monétaire international au gouvernement tunisien. De fait, estime l’Italie, sans cette bouffée d’oxygène, dans six, neuf mois au maximum, la Tunisie pourrait se retrouver en faillite et l’Italie submergée par une vague migratoire sans précédent en provenance de ce pays.
A ce propos, le Vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, Antonio Tajani, a longuement évoqué le sujet avec son homologue, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, pour sensibiliser l’administration Biden sur le risque des migrants, qui pourraient déferler sur les côtes européennes en cas d’aggravation de la situation économique de l’Etat tunisien.
Une situation, nous dit-on à Rome, que les Américains ont bien à l’esprit et qu’ils s’apprêtent à agir en coulisses, pour convaincre Bruxelles de débloquer des fonds supplémentaires pour soutenir les caisses tunisiennes.
Mais au-delà de cette communion de vues, l’administration Biden ne fait pas confiance au président Saïed, trop intraitable sur certains sujets qui tiennent à cœur à Washington.
Blinken a résumé le décor, en affirmant il y a quelques jours : soit la Tunisie rentre dans le rang, soit elle risque de tomber dans un gouffre ! Et la Tunisie de Saïed ne veut pas s’aligner, comme en témoigne le refus du président tunisien de recevoir le commissaire européen, Paolo Gentiloni, et sa froideur affichée en rencontrant la sous-secrétaire d’Etat américaine, Barbara Leaf.
Même Giorgia Meloni peine à obtenir une rencontre à Tunis – certes les préparatifs sont déjà en cours pour une visite dans les prochains mois, mais le locataire du Palais Carthage, droit dans ses bottes, refuse tout chantage migrants-aide à l’économie tunisienne.
Plus particulièrement, Tunis ne veut pas de centres de transit pour candidats à l’immigration sur son sol, estimant que la cohésion sociale du pays ne le permet pas et, même à un niveau plus large, la Tunisie répète, à qui veut l’entendre, qu’elle n’a pas à vocation à jouer les intermédiaires entre l’Europe et les pays à très forte poussée migratoire.
Un bras de fer qui se profile donc avec Bruxelles, que ne manqueront pas d’exploiter des puissances intéressées à se positionner en Méditerranée, c’est d’ailleurs ce que craint l’Italie, et c’est ce qui conforte le président tunisien dans sa posture de refus d’un partenariat tournant exclusivement autour de la question des migrants.
M. R.
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