Litige mémoriel : il faut un préalable à la commission algéro-française
Une contribution de Saadeddine Kouidri – Le commandant Azzedine a raison d’écrire : «La Révolution algérienne s’inscrivait dans le cadre du Mouvement révolutionnaire mondial», sauf que la Révolution contre le colonialisme de peuplement comme la nôtre ne se conjugue pas au passé. Le dernier des actes offensifs de la France le prouve. C’est la réalisation d’une commission mixte histoire et mémoire du bourreau et sa victime. Elle relève de la guerre que livrent la droite et l’extrême-droite aux victoires des peuples. Les Révolutions sont dénigrées par la Réaction pour maintenir l’esclavage, la soumission et l’exploitation de l’homme et de ses richesses comme des normes universelles du capitalisme occidental envers le tiers-monde, malgré les indépendances, pour affaiblir toutes les luttes dont celle en Palestine, au Sahara Occidental et maintenir le désespoir dans les autres colonies.
Nous savons qu’un des collaborateurs de Stora, J.-J.J., de l’extrême droite (Algérie française) siège dans cette commission. Cette présence, à elle seule, révèle que la commission mixte n’a comme but principal, du côté français, que de transformer sa défaite du 19 mars 1962 en victoire ou, du moins, tromper le monde à ce sujet et faire du mensonge une vérité. L’acceptation d’une telle commission pour une écriture commune avec la France sur l’histoire et la mémoire est un piège pour notre pays qui doit être dénoncé. Nous ne pouvons compter dans ce cas sur la société civile pour la simple raison qu’elle englobe aussi bien les adeptes de la néocolonisation, ne serait-ce qu’inconsciemment, comme ceux qui se posaient la «question» du «qui tue qui» pendant que le pays allait à la dérive, dans des mares de sang.
Il y a un préalable à la formation d’une commission mixte algéro-française sur l’histoire. Il est celui de la reconnaissance par la France de son crime contre l’humanité en Algérie de 1830 à 1954. C’est ce préalable qui remettra la vérité-vraie dans l’histoire et révélera, par exemple, que quand les historiens mettent en exergue la bravoure de l’Emir Abdelkader comme sauveur des chrétiens, c’est surtout pour lui dénier sa principale action humanitaire. Celle de dix-sept ans de résistance pour surmonter le génocide de son propre peuple. Ce peuple qualifié d’extraordinaire par le gouverneur général de l’Algérie, Bugeaud, pour légitimer toutes ses violences, qui jalonnent sa course au génocide.
C’est la victoire populaire sur le colonialisme de peuplement qui n’est toujours pas reconnue au poète. La victoire de la résistance du peuple algérien sur le génocide est sa première victoire. L’amalgame qu’entretiennent les historiens relève de la guerre des mémoires que nous livre la France officielle et la réaction d’ici et d’ailleurs. Benjamin Stora, par exemple, confond sciemment la colonisation et la colonisation de peuplement. C’est un des moyens de subtiliser la première victoire populaire de l’Algérie, guidé par un poète et un stratège militaire sur la deuxième armée du monde. Si la colonisation a sévi sur des dizaines de pays, la colonisation de peuplement concerne trois peuples : l’Amérindien qui n’a pas survécu, à cause de l’absence d’unité malgré sa résistance héroïque ; l’Algérien grâce à sa culture plusieurs fois millénaire boostée par l’islam, actualisée par la victoire de l’oncle Ho et commandée par un homme aussi prestigieux et en sus, poète, lui ont permis de résister et de survivre ; et le troisième, le Palestinien qui résiste depuis des décennies face au sionisme, cet avant-garde de la réaction internationale.
Les peuples qui subissent encore le joug colonial sont neutralisés par la guerre des mémoires à travers la diffusion des mensonges H24 par les médias occidentaux.
Nous ne pouvons faire confiance, dans ce cas, sur la société civile, qui, comme l’intitulé l’indique, englobe aussi ceux qui sont pour la néocolonisation, ne serait-ce qu’inconsciemment. Rappelons que ceux qui étaient spectateurs de la mise à sang du pays étaient aussi de la «société civile».
Le piège n’a pu être tendu que parce que le pouvoir est dominé par la petite bourgeoisie qui a comme devise khayru al oumûri awsatuhâ. La petite bourgeoisie tient toujours le gros bâton par le milieu jusqu’au jour où il lui tombe des mains pour assommer le peuple comme si de rien n’était. Il faut garder en mémoire qu’à la veille du terrorisme-islamiste sanglant, cette dernière se querellait sur des broutilles au moment où la voie des assassins dominait.
Le non-alignement n’est juste, qu’en ce qui concerne les relations internationales, en présence des deux protagonistes que sont la Chine et son Parti communiste et les Etats-Unis avec son idéologie libérale. Oui, dans ce cas, il est juste d’avoir un «projet politique constant face aux changements géopolitiques», comme l’affirme le Dr Mustapha Khaouas dans le quotidien El-Moudjahid. Le non-alignement n’est pas valable dans les affaires intérieures, comme semblent le croire les opportunistes. Il est impossible à un pays où sa «société civile» baigne dans la religiosité, épaulée au «qui tue qui» et où domine le khayru al oumûri awsatuhâ de s’élever à une puissance modératrice dans le monde. Cette ambition ne peut être compatible avec un piège aussi grossier qu’une commission d’histoire, sachant en sus que, dans ce cas précis, les deux puissances antagoniques ont une histoire favorable à la décolonisation.
S. K.
Ndlr : Le titre est de la rédaction. Titre originel : Une commission favorable à la réaction internationale.
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