Esprit de résistance victorieuse, reviens !
Une contribution de Kaddour Naïmi – A lire les informations concernant l’Algérie, notamment les agissements contre elle, les uns déclarés (pour intimider les futures victimes), et les autres clandestins (les criminels doivent cacher leurs crimes pour conserver le consensus de leurs populations), puis à prendre connaissance des informations au sujet de la situation mondiale actuelle, on constate la gravité – le mot n’est pas exagéré – de l’affrontement en cours.
Suivant leur nature intrinsèque de voraces insatiables, les oligarchies impérialistes, mises en difficulté à cause de leurs dettes faramineuses et impossibles à honorer (c’est donc ça, le libéralisme capitaliste, meilleur et indépassable modèle social ?), deviennent encore plus agressives pour perpétuer leur domination psychopathe sur la planète afin de continuer à enrichir, engrosser, faire content, jouir de tous les plaisirs, y compris les plus sadiques, le 1% de bipèdes humains arrogants et imbéciles, au détriment des 99% de l’humanité qui, jusqu’à présent, ne sait pas comment se débarrasser de ces vampires, cravatés, à la bouche entrouverte d’une rangée de dents pervers et dont les yeux brûlent une férocité dont un tigre affamé aurait peur.
Cependant, les peuples, à travers leurs dirigeants résistent, commencent à s’unir et, surtout, à affaiblir le talon d’Achille de l’oligarchie impériale, son Veau d’or, le dollar («In God, Dollar, we trust)». Evidemment, ces dirigeants résistants, qui veulent remplacer les «règles» de gangsters style Chicago par un ordre international multipolaire, libre, égalitaire et solidaire, comment voulez-vous que les représentants des oligarchies impérialistes les définissent ? Comme dictateurs, bien entendu.
A supposer qu’ils le sont, que dire, alors, des dirigeants des nations impérialistes, de leur «démocratie» manipulée, où vont au gouvernement des partis politiques copains-coquins et de leur «liberté» qui emprisonne et torture psychologiquement Julian Assange pour avoir dénoncé les crimes de guerre de cette oligarchie impérialiste ?
A supposer encore que les dirigeants des nations qui s’opposent aux oligarchies impérialistes soient des dictateurs envers leur peuple, il reste que ces dictateurs sont des adversaires de la dictature oligarchique impérialiste. Ne l’est-elle pas par l’utilisation de la force militaire, de manière unilatérale, contre toute nation qui veut se libérer de la dictature du dollar, de la dictature des bases militaires étrangères, de la dictature des multinationales, de la dictature des GAFA, de la dictature du way of life impérialiste ou néocolonial, de la dictature de «valeurs universelles», ces étiquettes des bombes qui multiplient les Wounded Knee, les «Chemins de larmes», les Oradour, les Guernica, les Sakiete Sidi Youcef, les My lai et autres lieux de crimes contre l’humanité, que l’apocalypse a omis de nommer, dont ont souffert toutes les nations qui ont résisté à ces «valeurs» mortifères, immondes, devant lesquelles le «Fléau de Dieu», Attila, serait resté songeur, Gengis Khan, perplexe, Satan, méditatif, et Hitler admiratif.
Pour les nations susceptibles d’être les futures candidates aux bombes «démocratiques», «libres» et «civilisatrices» de l’oligarchie impérialiste, la première capacité à se garantir est, bien entendu, dans le domaine militaire. Mais, depuis Clausewitz, et surtout et davantage depuis Nguyen Giap, – l’histoire enseigne un fait qui a valeur de loi fondamentale : la capacité militaire est à compléter par la capacité intellectuelle – laquelle est, aussi, psychologique, éthique –, du peuple, des citoyens qu’on appelle «ordinaires», mais qui ne le sont pas, quand ils constituent une «armée du peuple» aux côtés de l’armée institutionnelle.
Voici ce que l’histoire enseigne encore. Le peuple, les citoyens «ordinaires» parviennent à la conscience de leur rôle de patriotes, non par la seule propagande, aussi efficace soit-elle, aussi machiavélique, goebelsienne, bolchevique, yankee soit-elle, mais par la culture. Oui, elle est cette chose qui semble dérisoire, au point de lui cracher dessus dédaigneusement, de ricaner avec mépris, d’éclater d’un rire aussi sonore qu’insultant. Mais, c’est, aussi, cette chose qui fait tirer le revolver à tout autocrate, aussi puissant croit-il être, parce qu’il a, en fait, la redoutable trouille tremblotante devant cette culture ; l’autocrate l’ignore, mais sait qu’elle peut le neutraliser. Toute société est forte quand sa culture est florissante ; et quand la culture régresse, c’est un signe irréfutable du déclin de la société tout entière, y compris dans son aspect matériel. Ne pas le savoir, c’est être un ignorant ou un naïf ; le savoir, mais l’occulter, c’est être un manipulateur au service d’une oligarchie.
La culture comprend, on le sait, tous les domaines de la vie sociale, sans exception. La culture est à la société la sève, le suc, la photosynthèse, la pluie nourricière, le soleil nécessaire, la lumière bienfaisante, les yeux dans le noir, l’étoile polaire du voyage sur terre, le bouclier contre la barbarie, le rempart contre la servitude, ce qui nous reste et nous permet de rester libre si notre corps est vaincu par la brutale et sauvage force matérielle, si nous voulons l’éliminer. Voilà pourquoi la culture a, partout et toujours, était et demeure combattue par les forces caverneuses de l’obscurité, malades du cancer de la domination ; voilà pourquoi la culture était et demeure défendue par les forces saines d’une humanité qui veut être une espèce digne de vivre sur cette planète.
La culture comprend, d’abord, le rappel de l’histoire des résistances patriotiques aux agressions tant militaires que culturelles du passé. Car les envahisseurs avaient très bien compris : leur conquête des corps demeurait fragile tant qu’elle n’englobait pas également la conquête des cerveaux, donc de ce qu’ils contiennent : la culture. C’est pour y parvenir que les envahisseurs proclamaient la «supériorité» de leur «civilisation» pour éduquer ceux qu’ils avaient stigmatisés comme «barbares» conquis, en cachant que cette «civilisation» d’envahisseurs, maquillée d’atouts «humanistes» et religieux («l’amour de l’humanité»), accaparait les terres et laissait aux dépossédés la Bible ou les Evangiles, qui promettaient aux damnés de la Terre, s’ils se résignent à leur damnation, le meilleur des Paradis dans l’au-delà.
L’aspect historique de la culture, c’est le rappel de tous les événements fondateurs d’une nation (agressions impérialistes et résistances patriotiques), par tous les moyens d’informations disponibles, sans oublier les musées, les lieux de mémoire, les commémorations, les œuvres de peinture et de sculpture, etc. Qui gère le passé gère le présent.
La culture comprend, également, la production : 1- strictement intellectuelle (publications de recherches, d’études, etc.), 2- artistique (littérature, théâtre, cinéma, télévision, peinture, musique, chants, etc.), 3- dans les réseaux sociaux.
C’est dire combien l’œuvre culturelle à accomplir est immense, diversifiée, complexe. C’est le prix à consentir pour préparer la patrie à décourager toute agression contre elle par les oligarchies ennemies.
Pour revenir au facteur historique, l’Algérie dispose d’un levier fondamentalement précieux : l’esprit qui donna naissance au 1er novembre 1954, qui mena à l’indépendance nationale. A présent, il s’agit de la préserver, cette indépendance et, pour cela, de réveiller au maximum ce même esprit du 1er novembre.
Rappelons qu’il put naître parce que se sont positivement complétés : 1- l’action de conscientisation (culture) et celle de préparation matérielle (militaire), 2- les agents de ces actions furent les patriotes aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières de la patrie, 3- le militaire et le culturel, autrement dit le matériel et le spirituel, 4- le passé de résistance et le présent de résistance, 5- le masculin et le féminin, 6- les diverses composantes territoriales et ethniques de la patrie, 7- les diverses conceptions idéologiques qui défendaient le peuple et l’intégrité de sa patrie.
Tous ces aspects ont constitué une unité solide, indestructible, constituée d’éléments solidaires.
Notons que l’Algérie actuelle est composée majoritairement de jeunes qui :
1- n’ont pas vécu l’infâme époque coloniale, que certains tentent de valoriser avec succès, vu l’admiration dont jouit, pour citer un exemple, le roman Ce que la nuit doit au jour de Y. Khadra. A ce sujet, j’ai entendu un médecin affirmer : «Notre pays est tellement foutu que je voudrais voir les Français revenir et le diriger !» Les auditeurs qui entendirent cette idiotie d’ignorant n’ont pas réagi, comme s’ils semblaient la partager. Combien d’Algériens ont cette mentalité de néocolonisé ? Et ce genre de citoyen est-il capable d’agir de manière patriotique en cas d’agression contre l’Algérie ?
2- N’ont pas subi la criminelle guerre coloniale de 1954 à 1962, que certains tentent de relativiser en stigmatisant les patriotes résistants algériens comme profiteurs, menteurs, opportunistes, selon K. Daoud (1). A ce propos, j’ai entendu, dans un taxi, un jeune, d’extraction populaire, se demander : «A voir ce qu’est l’Algérie, aujourd’hui, je me demande comment les moudjahidine étaient parvenus à gagner l’indépendance !» Combien de jeunes Algériens ont cette conception dévalorisante non seulement de la gestion actuelle du pays mais, aussi, de la Guerre de libération nationale ? Et ce genre de jeune est-il capable d’agir de manière patriotique en cas d’agression contre l’Algérie ?
3- N’ont pas connu la «décennie sanglante» (1990-2000), que certains présentent comme une opération de «qui tue qui», formule qui semble crédible au sein d’une partie du peuple. J’ai entendu un nombre préoccupant de personnes parler de «régime de généraux assassins». Qui exprime cette conception, peut-il se comporter en patriote en cas d’agression contre l’Algérie ?
4- Actuellement, ne disposent pas, de manière correcte et suffisante, de sources d’informations sur les trois périodes mentionnées ci-dessus et, fait plus préoccupant, sont livrés au bombardement incessant des réseaux sociaux, gérés et manipulés essentiellement par des agents complices des oligarchies impérialistes. Les jeunes Algériens, qui ne savent pas distinguer le vrai du faux, quelle serait leur réaction en cas d’agression contre l’Algérie ?
L’ancien et classique stratège chinois Zun Ze soulignait que, pour gagner une guerre, l’une des conditions est la connaissance correcte de ses propres forces, mais tout autant ses propres faiblesses.
Rappelons trois exemples extrêmement significatifs. Le peuple vietnamien, puis le peuple algérien, considérés par leurs respectifs agresseurs comme de vulgaire ramassis de paysans analphabètes, ces deux peuples ont su vaincre leurs agresseurs tant militairement qu’intellectuellement. Au contraire, le peuple irakien, supposé avoir la meilleure «4e armée du monde», fut vaincu par l’agression yankee en peu de temps, puis divisé en factions qui se combattent les unes contre les autres, selon la classique formule «diviser pour régner». L’échec de l’Irak provient du fait d’avoir opposé à la force militaire (infiniment supérieure de l’armée yankee) celle (dérisoire) de l’armée irakienne. Au contraire, la victoire des peuples vietnamien et algérien fut d’avoir opposé à la force militaire impérialiste (nettement supérieure) non seulement une force militaire (en comparaison, nettement inférieure) mais, tout autant, la force d’un peuple tout entier.
L’explication de ces trois faits historiques est claire : tandis qu’au Vietnam et en Algérie le peuple fut dirigé par une équipe qui savait pratiquer une guerre populaire, en mobilisant tous les éléments indispensables, en Irak, malheureusement, l’équipe dirigeante ignora les leçons vietnamienne et algérienne.
La conclusion à tirer, aujourd’hui, en Algérie, est de nous rappeler la nécessité urgente de raviver l’esprit du 1er Novembre, qui sut mobiliser tous les éléments de la résistance populaire prolongée. Quant aux autres nations susceptibles d’être agressées par la «bête» impérialiste, si elles ne veulent pas subir le sort des dirigeants irakiens, elles devraient faire trésor des leçons vietnamienne et algérienne, et raviver leur esprit historique de résistance, en matière de défense de leurs patries.
«Ouais ! objecteraient certains. Cet article vise à détourner l’attention des citoyens des problèmes internes de l’Algérie et d’autres nations !» Réponse : les problèmes internes d’une nation : 1- comprennent également la défense de son indépendance comme pays ; 2- sont à résoudre par ses citoyens, en excluant toute intervention étrangère, qui exporterait sa «démocratie» à coup de bombes massacrant des civils, de «liberté» qui en exclut Julian Assange, et de «civilisation» anthropophage, celle des génocides des indigènes d’Amérique, des deux bombes atomiques au Japon, du napalm au Vietnam, des bombes à fragmentation en ex-Yougoslavie, sans oublier les coups d’Etat de militaires fascistes et les «révolutions colorées», notamment en Ukraine.
Certains affirment qu’en Algérie le peuple est suffisamment patriote et, donc, saura affronter victorieusement toute agression étrangère. Bien que vivant au sein du peuple, je ne dispose pas des informations indispensables pour parler en son nom. Par contre, je constate qu’en Algérie, en ce qui concerne le patriotisme, il est fondamental d’éviter une certaine exagération qui ignore la réalité réelle pour se dorloter d’illusions de la grenouille qui se prend pour un bœuf.
Pour éviter ce péril, il faut savoir que les adversaires de la nation et de son peuple ne sont pas uniquement les oligarchies impérialistes et leurs mercenaires-harkis intérieurs, mais, tout autant, – et, à ma connaissance, jamais signalé – toute cette couche de vils opportunistes, bien masqués, très hypocrites, au sourire de Judas, et aux instincts de requins. Ils occupent, dans tous les domaines de la vie sociale, et d’abord dans le champ culturel – donc, un champ stratégique – des postes administratifs, mais dont l’«idéal sacro-saint» – entendant par là le plus diabolique instinct prédateur – est de se vendre au puissant du moment, quel qu’il soit, avec la servitude la plus dégueulasse –, tout en veillant, sournoisement, à suivre le puissant qui le remplacerait afin de toujours bénéficier de méprisables et mesquins privilèges de «fonctionnaires» qui fonctionnent à la demande du meilleur offrant, le meilleur patron.
Pour y parvenir, ces «courroies de transmission» ne transmettent que ce qui répond à leurs intérêts personnels, ils empêchent, donc, les authentiques patriotes d’agir au service du peuple et de sa nation, allant jusqu’à les stigmatiser de toutes les étiquettes infamantes qu’un cerveau pervers, cet égout d’ordures nauséabondes, peut inventer.
Jamais, comme aujourd’hui, les peuples ont un besoin vital d’une authentique révolution authentiquement culturelle, authentique parce qu’elle ne sera pas un instrument d’une caste oligarchique pour dominer ce peuple, mais un moyen de sa véritable émancipation, dont l’indépendance de sa nation est une partie indéfectible. «Patria o muerte !» proclamaient les vainqueurs de la dictature à Cuba. Il est plus logique, plus sain, plus libérateur, plus enthousiasmant, plus mobilisateur de déclarer : «Patrie et vie !»
K. N.
1- Voir «Contre l’idéologie harkie. Pour une culture libre et solidaire», librement disponible in https://www.kadour-naimi.com/f_sociologie_ecrits_ideologie_harkie.html
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