L’Afrique et les «préjugés sectaires» d’une certaine France officielle
Une contribution d’Aziz Ghedia – Il y a quelques années, lors de sa visite au Sénégal (en Afrique donc), l’ex-président Nicholas Sarkozy avait tenu, à Dakar, un discours très controversé. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les personnes présentes, triées certainement sur le volet, était restées ébahies, bouche-bée. Qu’avait-il dit alors ? En substance ceci : que l’homme africain n’était pas encore entré dans l’histoire.
On savait que cette perception des choses par Nicolas Sarkozy était complètement erronée. Mais on ne l’avait pas interrompu. Par respect à son rang de président hôte ou par manque de courage de la part de gens présents. On l’avait laissé continuer, tranquillement, son discours jusqu’à la fin. Ce qui, il faut bien l’admettre aujourd’hui, dénote d’une certaine sagesse africaine.
Ce n’est que quelques jours plus tard que les pendules avaient été mises à l’heure. Un collectif d’intellectuels africains avait répondu à ce discours qui dénotait, selon ces intellectuels, de «préjugés sectaires».
Pour l’écrivain sénégalais Boubacar Diop, «il y aura d’autres Sarkozy jusqu’au jour où il y aura une nouvelle citoyenneté, faite de respect mutuel, de connaissances partagées et quand les préjugés seront déstructurés». Et, effectivement, cette remarque s’était avérée très judicieuse.
En effet, il y a à peine une année, c’était au tour de l’actuel président français, Emmanuel Macron, de tomber dans les mêmes travers. Il a fait un voyage-éclair en Afrique en donneur de leçons. Au passage, il n’avait pas omis de parler d’hypocrisie des Africains qui sont restés à l’écart d’un conflit européen (Ukraine) qui ne les regarde ni de près ni de loin.
Il faut dire que ceci est une marque de fabrique des présidents français ou plutôt leur seconde nature car les hommes, on ne les fabrique pas, ce ne sont pas des objets. Est-ce de l’insolence d’avoir dit cela ? Si c’est le cas, qu’on me pardonne cette pensée qui me semble se rapprocher de celle qui a dit «on ne naît pas une femme, on le devient». Ainsi donc, les hommes ne naissent pas présidents, ils le deviennent. Généralement, après une longue carrière politique. Sauf qu’en Occident, ces dernières années, on a opté pour les «young leaders» qui sont, en fait, choisis par les vrais meneurs des affaires du monde. La France en a connu trois jusqu’ici. Ils sont peut-être politiquement bien formés mais ils manquent de sagesse. Sagesse telle qu’on la conçoit en Afrique.
C’est ce qu’il fait qu’ils viennent toujours en Afrique en donneurs de leçons. Ils ont toujours le complexe de l’homme blanc qui prêche la bonne parole, oubliant que l’époque de la colonisation et son corollaire, la soi-disant civilisation des peuples barbares, est révolue depuis belle lurette.
Le hic, c’est que ceux-ci sont, apparemment, loin de se rendre compte qu’actuellement c’est la France, leur pays, qui est en train de sortir, progressivement, inexorablement, de l’histoire de l’Afrique. Et, gageons que personne en Afrique ne pleurera cette évolution de l’Histoire.
A. G.
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