Bengrina attaque les Emirats : mise en garde officieuse d’Alger à Ben Zayed ?
Par Houari A. – Abdelkader Bengrina s’en est violemment pris aux Emirats arabes unis en marge de la conférence pour le renforcement du front intérieur contre les menaces extérieures, organisée ce samedi au Club des Pins, à Alger. Le candidat à la présidentielle de décembre 2019 n’a pas cité ce pays nommément mais il y a fait une allusion directe, en parlant d’un «pays arabe» qui agit pour le compte d’Israël. «Je dois être clair. Je le dirai maintenant et ce sera la dernière fois que je parlerai de ce sujet. Il y a une entité fonctionnelle, hélas arabe, là où elle va elle provoque la désolation», a-t-il martelé.
«Cette entité s’est rendue au Maroc et l’a retourné contre l’Algérie bien que ces deux pays soient liés par une longue histoire, elle a essayé au Mali et au Niger, elle a provoqué une perte de contrôle de la situation en Libye», a renchéri le patron du parti Al-Bina, en ajoutant : «J’ai déjà évoqué les visites maudites de certains responsables de cette entité en Tunisie, dans tout pays arabe où ces responsables se rendent, ils incitent à la normalisation avec l’entité sioniste, et là où l’entité sioniste s’installe, elle représente une menace de dislocation de la nation arabe».
«Je suis certain que son but [le régime d’Abu Dhabi, ndlr] en Tunisie était d’obtenir une normalisation [avec Israël, ndlr] mais cela n’arrivera jamais tant que le président Kaïs Saïed est à la tête de ce pays frère car il a fait connaître sa position durant la campagne électorale, en qualifiant la normalisation de trahison et quand il a dit cela, le peuple tunisien l’a élu président de la République», a encore affirmé Abdelkader Bengrina, en estimant que «s’ils [les Emiratis, ndlr] échouent à faire plier l’Etat tunisien, ils n’hésiteront pas à créer un sectarisme politique en Tunisie pour détruire le tissus social, désagréger le front intérieur, tout en œuvrant à mettre en place un autre type de normalisation artistique, culturel, médiatique ou autre, en achetant les consciences comme ils l’ont fait ailleurs».
«C’est pour cela que j’ai dit que l’Algérie doit être vigilante pour être aux côtés du président tunisien et le soutenir dans sa position constante qui consiste à empêcher cette entité de s’infiltrer dans les rangs tunisiens et d’y provoquer une discorde entre les Tunisiens, comme elle l’a fait en Libye, au Yémen, en Syrie et dans plusieurs autres pays», a-t-il insisté, en soulignant que «la sécurité de la Tunisie influe sur la stabilité de la région, si bien qu’il n’existe pas deux peuples dans le monde dont la sécurité est intimement liée comme ceux d’Algérie et de Tunisie.»
C’est la première fois qu’un responsable politique algérien lance une critique acerbe à l’égard d’un Etat étranger, qui plus est arabe et dans le contexte d’une rencontre parrainée par le président de la République et traitant des menaces extérieures qui pèsent sur le pays. Cette attaque frontale intervient quelques semaines après les révélations d’El-Khabar selon lesquelles les dirigeants des Emirats arabes unis auraient commis une série d’actes hostiles contre l’Algérie qu’ils s’emploieraient à déstabiliser pour le compte du Maroc.
Des responsables émiratis ont fourni au Makhzen un système d’espionnage sophistiqué, selon le quotidien arabophone qui doit détenir ces informations de sources sécuritaires. Vraisemblablement fabriqué par Israël, cet équipement vise directement l’Algérie. Le journal ajoute qu’Abu Dhabi pratique un chantage sur le président tunisien pour qu’il rompe ses relations avec son voisin de l’Ouest et exerce des pressions sur la Mauritanie pour rallier la cohorte des normalisateurs et établir des relations avec l’entité sioniste. Enfin, croit savoir El-Khabar, les services émiratis ont tenté d’introduire d’immenses quantités de psychotropes en Algérie par la frontière terrestre libyenne.
En janvier 2022, un pont aérien entre les Emirats arabes unis et le Maroc, impliquant une dizaine de gros porteurs militaires de type Boeing C-17A Globemaster III, avait été révélé par un site spécialisé israélien. Rien n’a filtré sur cette opération qui suscite à ce jour de sérieuses inquiétudes tant il serait question d’armements, notamment de drones. S’agit-il des appareils de fabrication israélienne confectionnés aux Emirats ? Possible, indiquaient de nombreuses sources qui excluaient qu’il se soit agi, comme l’avaient rapporté certains médias, de cohortes d’émirs et de leur matériel habitués à la chasse dans les régions reculées du Maroc.
Aucune source officielle n’a communiqué sur ces mouvements suspects qui intervenaient dans un contexte extrêmement tendu entre l’Algérie et le Maroc. Il n’est plus question de brouille diplomatique, mais carrément de menaces sur la sécurité de l’Algérie après que le régime expansionniste de Rabat a signé une série d’accords militaires avec Israël, portant, entre autres, sur l’implantation de deux usines de montage de drones dans l’est et le sud du royaume, soit au plus près de la frontière avec l’Algérie et les territoires sahraouis libérés.
H. A.
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