Du soleil pour les BRICS, des nuages au-dessus du dollar
Une contribution d’Ali Akika – La réunion des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) du 22 au 24 août va être disséquée à la loupe par la presse dominante en Occident. Des décisions à la fois politiques et économiques vont être prises. Le gendarme du monde suivi de sa cohorte d’alliés savent qu’avec les BRICS il faut dorénavant compter. Ces pays, avec des puissances comme la Chine, auront de plus en plus de moyens de se faire entendre. En effet, les Etats-Unis et l’Europe ne peuvent plus ignorer leur rôle dans la vie économique et politique, à la fois sur le plan régional et international. Le grignotage de l’espace du dollar par des devises fortes des BRICS et la guerre en Ukraine ont modifié quelque peu les rapports de force militaire et politique. L’Occident a, du reste, été surpris et dépité par beaucoup de pays qui ont refusé de l’accompagner dans son aventurisme des sanctions contre la Russie.
Surpris car dans leur arrogance, les pays de l’OTAN ont fait l’impasse sur deux faits. Primo, les peuples n’ont pas la mémoire courte. Secundo, l’Occident qui a la supériorité économique et technologique qui lui permettaient de s’arroger des droits qu’il ne reconnaît pas aux autres n’a plus cours partout (1). Ainsi, il efface l’histoire d’un trait de plus et la remplace par des couleuvres à faire avaler par des balivernes qui ont pour nom «le droit international». Palestine, Irak, Syrie, Libye, Sahara Occidental ne sont pas dans ses tablettes et agendas. Cet aspect politique des problèmes qui se posent sur la scène internationale va être débattu dans la réunion des BRICS. En effet, quelque 20 pays ont déposé leurs candidatures et les heureux candidats vont nous renseigner sur la nature de cette organisation qui veut se démarquer des recettes des autres organisations internationales qui ont pour nom OTAN, Union européenne, G20, G7 et même Union africaine et autre CEDEAO (en train de creuser sa propre tombe). C’est pourquoi des pays comme la Turquie et le Maroc ne seront pas éligibles. Outre leurs difficultés économiques, ils «aggravent» leur cas en étant membres d’alliances militaires ou bien offrent leurs territoires pour l’installation de bases militaires.
Les bases philosophiques des BRICS, solidarité et non-ingérences politiques dans les affaires d’autrui, sont les outils qui vont servir à analyser les adhésions à la lumières des nouvelles réalités créées par la guerre en Ukraine. L’un de ces objectifs de l’Occident nullement caché est de garder sa première place dans l’économie mondiale. Point besoin d’être devin pour identifier les obstacles à éliminer, les concurrents redoutables, les propriétaires des ressources qu’il faut «séduire» par n’importe quel moyen et les routes les mers pour accéder ces matières premières. Sauf que les concurrents, les matières premières et les voies de communication ne sont plus des orphelins mais des gardiens ombrageux de leur souveraineté.
Voyons maintenant les problèmes économiques et monétaires «internes» aux BRICS à «résoudre» pour sauter leurs propres obstacles. Commençons par celui de la monnaie et de la banque des BRICS. Le problème qui «ennuie» même les économies des amis de l’Oncle Sam, c’est le dollar (2) et sa domination des circuits financiers. Pour limiter l’emprise du dollar sur leurs économies, les BRICS (nous verrons plus loin leurs atouts) ont créé leur banque présidée par l’ancienne présidente du Brésil (Dilma Roussel) qui a été la victime d’un coup de Jarnac qui l’ont empêché de terminer son mandat en 2016. La main invisible de la Finance a même réussi à envoyer Lula en prison. Sa nomination est donc tout un symbole.
La Banque des BRICS : elle fonctionne d’ores et déjà puisqu’elle vient même d’émettre des obligations sur le marché, preuve de la confiance acquise auprès des agents économiques des pays appartenant aux BRICS ou bien des futurs adhérents. L’Algérie, future adhérente, a annoncé son entrée dans le capital de la Banque pour la somme de 1,5 milliard de dollars. Ainsi, la Banque des BRICS va devenir un pivot dans le commerce de quelque 20 pays qui vont s’ajouter aux fondateurs des BRICS. D’ores et déjà, la Chine et l’Arabie «snobent» en partie le dollar dans leurs échanges économiques dans certains secteurs (pétrole notamment). En effet, ils commercent avec leurs propres monnaies avec certains pays, c’est certes simplement un coup politique qu’ils affichent publiquement. Mais pas que, car l’utilisation d’une monnaie locale est devenue une opération économique rentable au sens capitaliste du terme. Pourquoi est-ce possible pour ces deux pays ? Parce que tout simplement, ils ont des moyens politiques de résister aux pressions de l’Oncle Sam. Parce qu’avec leurs monnaies/devises, le yuan chinois et la Livre saoudienne, on peut régler ses factures dans toutes les banques, rares sont celles qui cracheraient sur ces devises fortes à moins d’être sur la liste noire des Américains, en s’appuyant sur «leur» droit (terrorisme, ennemi des Etats-Unis).
Les monnaies numériques
A côté de la Banque des BRICS et de l’utilisation des monnaies/devises locales, des pays ont créé des monnaies numériques pour commercer avec des pays membres ou non des BRICS. L’Algérie, le Venezuela et dernièrement la Russie ont d’ores et déjà annoncé la création d’une monnaie numérique ou cryptomonnaie (à ne pas confondre avec des cryptomonnaies privées qui ont fait le malheur d’un petit pays sud-américain). Un mot sur cette monnaie qui aide à surmonter en partie le diktat du dollar mais aussi à lutter contre l’archaïsme ou faiblesse d’une économie rongée par le manque de confiance des citoyens mais surtout par des trafics en tout genre. Manque de confiance et trafics car non-disponibilité de produits sur le marché et les souks ouverts au ciel et ses étoiles mais pas aux porte-monnaie des travailleurs. L’émergence d’une monnaie numérique va en principe gêner la circulation de la monnaie par le biais des sacs en plastique ou bien thésaurisée sous des matelas. Résultat des courses d’une monnaie qui souffre de la non-confiance des agents économiques et du citoyen lambda, une monnaie dite de singe qui fait fuir à la «bonne» ou plutôt qui fait courir les gens derrière le dollar.
Cette monnaie numérique est donc bénéfique sur le plan économique interne au pays. Elle évite l’augmentation de la masse monétaire en circulation, source d’inflation (3). Elle favorise et facilite les échanges entre groupes économiques nationaux possédant un compte numérique à la Banque centrale. Enfin, le gros intérêt, elle favorise les échanges avec les pays membres des BRICS qui ont déjà créé une monnaie numérique. La monnaie numérique est accompagnée par la Banque des BRICS que nous avons citée. Cette banque, outre les dollars et l’or dans son stock, peut recevoir des monnaies numériques et faciliterait ainsi les échanges entre les membres des BRICS. Cependant, s’il faut saluer l’émergence de ce commerce entre les membres des BRICS grâce à l’existence de monnaies fortes comme le yuan et un peu du rouble (gêné notamment par les sanctions bancaires spécifiques s’appliquant aux assurances qui ont entrainé l’arrêt de l’accord sur les céréales), les futurs adhérents doivent s’atteler à construire une économie productrice de richesses. Les pays ne doivent plus vendre leurs matières premières en vrac comme de «vulgaires» pommes de terre mais les transformer.
C’est cette transformation par le travail qui crée véritablement la richesse. Outre l’offre d’emplois à la population, cette richesse crée une valeur ajoutée qui mesure l’échange, donc le prix avec un produit étranger que l’on ne peut pas produire chez soi. La décision de transformer ces matières premières doit s’accompagner de l’élimination de tous les mécanismes archaïques hérités ou cultivés par ignorance, complaisance ou gain individualiste, mesquin et de courte vue. Ces archaïsmes se nichent dans les lois qui régulent la société alors que la vie les a rendues caduques, etc. Il est évident que le phénomène de la bureaucratie doit être traité en profondeur politiquement et culturellement. Le traitement par la focale du petit fonctionnaire imbus de son petit pouvoir et cherchant un misérable backchih ne suffit pas. En résumé, mettre de l’huile dans les rouages fatigués et inventer, laisser émerger une autre façon de regarder les choses.
Des pays membres ou futurs adhérents ont amassé de l’expérience et leurs expériences peuvent aider à éviter des erreurs. Ces pays ont des passés, des cultures différentes mais ont néanmoins réussi à sortir du sous-développement. Quant à l’Occident, on connaît grosso modo le système qui a fait sa richesse et favorisé sa domination. La guerre en Ukraine a révélé son talon d’Achille. C’est la nature de son rapport aux autres, nécessairement élu par quelque «divinité» comme le Roi Soleil, son obsession à vouloir demeurer maître du monde parce que bon élève, donc «méritant» sans se rendre compte que ses idées n’impriment plus sur la dure réalité et leurs mots ne chantent plus la beauté. Le spectacle pathétique que ce monde-là offre dans ces médias est à éviter. Heureusement, dans cet Occident notion idéologique, il est des gens qui ne pensent avec leurs pieds. Hélas, ils existent mais sont interdits dans cette société du spectacle. Je terminerai cet article par deux propos tenus par un ex-ambassadeur et un ex-officier des services de renseignement symbolisant ladite société du spectacle qui se satisfait de l’ignorance enrobée dans un bel emballage.
L’ex-ambassadeur, impuissant à expliquer la politique de la Chine, s’abandonna à sa minute de philosophie pour nous révéler la fourberie des Chinois abreuvés de bouddhisme qui refuserait l’existence des contradictions dans la vie. Manque de pot, le dirigeant qui est à l’origine de la puissance de la Chine a écrit un essai intitulé De la contradiction. En appliquant la théorie des contradictions, ce dirigeant, Mao Tsé Toug a éjecté de son pays, le Japon, le féodal Chang Kaï Check (replié à Taïwan), et enfin à rouler dans la farine Kissinger le Prussien de la géopolitique qui voulait déjà en 1972 diviser Chinois et Soviétiques.
Le deuxième cerveau se dit ex-espion affirma sans rire que la Russie a besoin de l’Occident et non l’inverse. Ce monsieur fait partie de la secte des «intellectuels» qui affirme sans rougir que le PIB de la Russie est égal à celui de l’Espagne. Donc la Russie va perdre, conclut le Einstein de notre époque.
Pour conclure, il faut «espérer» que les conseillers des gouvernements ne vont pas faire leurs analyses sur la base de nos deux «penseurs» que je viens de citer. Je pense à toutes les populations en Europe qui doivent choisir entre manger et se chauffer. Mais aussi aux Ukrainiens qui meurent chaque jour alors que leur pays est dépecé et déjà vendu pour rembourser les dettes de dollars déversés pour alimenter la guerre.
Un dernier mot, je parie que la couverture des BRICS en l’absence physique du président Poutine va se réduire à l’obsession d’une chaîne LC… qui, faute de lui trouver une énième maladie, va peut-être ressasser sa peur du Covid que l’on dit de retour. Triste époque !
A. A.
1- La certitude et l’arrogance s’appuient sur l’ineptie de la comparaison entre le PIB russe qui serait à peine l’équivalent de celui de l’Espagne. Ce calcul consiste à prendre pour base de calcul l’ignorance crasse du rapport de la valeur d’utilité et de la valeur d’échange. Ce qui explique que la première puissance du monde a des stocks vides après une année de guerre. Quant à l’Espagne, tout l’or des conquistadors volé dans les Amériques ne suffira pas à construire une armée de milliers de chars, d’avions et à entretenir et à nourrir une armée de 2 millions de soldats. Les pauvres Ukrainiens en font l’expérience et les Américains sont pressés d’en finir avec cette guerre, eux pour qui le temps c’est de l’argent. Et le dollar peut devenir une monnaie de singe si la dette de 31 000 milliards est victime d’un accident… de l’intelligence artificielle. Je comprends pourquoi les Russes et les Américains sont d’accords pour ne pas confier le bouton du nucléaire à l’IA. D’accord mais pour des raisons différentes. L’Oncle a peur que le vert du dollar devienne rouge. Les Russes n’ont pas dévoilé leur raison, l’art de la guerre oblige. Ils ne sont pas du genre à annoncer leur offensive à la planète entière.
2- On sait que les Etats-Unis utilisent leurs lois internes sur la scène internationale. Ainsi, une banque française a payé 10 milliards pour commercer avec l’Iran en utilisant le dollar dans la transaction.
3- Le gonflement continue de la masse monétaire avec de nouveaux billets pour remplacer la monnaie qui dort dans les matelas est une des causes de l’inflation. La monnaie gonfle mais repose une richesse qui n’existe pas.
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