Quelles raisons ont conduit le chef de l’Etat à dégommer le Premier ministre ?
Par Abdelkader S. – L’information est tombée comme un couperet, ce samedi. Alors que rien ne présageait une décision aussi subite, le Premier ministre a été dégommé et son limogeage annoncé par le truchement d’un communiqué aussi concis que sibyllin de la présidence de la République, nous apprenant que le directeur de cabinet, Nadir Larbaoui, présiderait aux destinées du gouvernement et que le conseiller juridique du président Tebboune prendrait la direction intérimaire du cabinet présidentiel.
Pourquoi ces changements et permutations inattendus ? Et pourquoi maintenant ? Aymène Benabderrahmane a-t-il failli dans l’exercice de ses fonctions ? Cette hypothèse est à balayer d’un revers de main, estiment des observateurs de la scène politique nationale, en ce que l’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie, dont la nomination à la tête de l’Exécutif fut aussi surprenante que son éviction soudaine, semblait exécuter à la lettre sa feuille de route, sans aucun risque qu’il commît un faux pas, puisqu’il a montré sa propension à s’astreindre à une discipline sévère.
Cette discipline sévère a-t-elle, justement, eu raison de son respect strict des règles de conduite qui lui étaient imposées, au point de retarder la mise en application des décisions et des directives du président de la République ? Autrement dit, Aymène Benabderrahmane a-t-il manqué d’initiative et de perspicacité ? Que peut-on reprocher au Premier ministre dont Tebboune a décidé de se séparer, sinon une lenteur dans l’exécution du programme présidentiel, mission pour laquelle il a été désigné en juin 2021, en remplacement d’Abdelaziz Djerad ?
Sur le plan moral, on ne peut pas accuser le déjà ex-chef du gouvernement de vénalité ou de concupiscence. Issu d’une famille pieuse et patriotique, Aymène Benabderrahmane ne peut pas avoir été remercié pour quelque soupçon de corruption ou de prévarication. Son seul tort aura sans doute été d’avoir eu du mal à éliminer les entraves dont le chef de l’Etat lui-même n’a eu de cesse de se plaindre, ces vieux réflexes ataviques que sont les lenteurs bureaucratiques, la petite corruption et l’inertie.
La nomination de Nadir Larbaoui à la rue du Docteur-Saâdane, à une année de l’élection présidentielle, dont l’échéance avance à grands pas, est un signe que le président Tebboune veut mettre les bouchées doubles pour rattraper le retard dans la réalisation de ses engagements pris lors de sa campagne électorale. Le chef de l’Etat, à qui le maintien du régime social tient à cœur, poursuivant les programmes de logements subventionnés par l’Etat, augmentant les salaires et les pensions, exemptant les citoyens de nouveaux impôts et taxes, instituant des allocations pour les chômeurs et les femmes au foyer, a jeté son dévolu sur un diplomate de carrière qui a eu à démontrer ses qualités à l’occasion du Sommet arabe qui s’est tenu à Alger les 1er et 2 novembre 2022.
Alors représentant de l’Algérie aux Nations unies, à New York, la mission, qui devait être confiée à l’ambassadeur d’Algérie auprès de la Ligue arabe, avait été déléguée à celui auquel le président de la République confiera, plus tard, la direction de son cabinet et qui verra ses attributions élargies pour devenir un quasi-Premier ministre bis.
Quel rôle le successeur d’Aymène Benabderrahmane va-t-il jouer durant l’année qui nous sépare de la prochaine présidentielle, alors que le prédisent en exercice n’a toujours pas fait part de sa décision de rempiler ou non, préférant, pour le moment, se concentrer sur les innombrables dossiers chauds qu’il doit gérer, tant sur le plan interne qu’externe ? Contrairement à son prédécesseur, le bagage diplomatique de Nadir Larbaoui lui permet d’appréhender les enjeux internationaux complexes qui s’imposent à l’Algérie, notamment depuis la reprise des hostilités au Proche-Orient et les massacres qu’Israël commet à Gaza. La dernière décision du président Tebboune de bouder le Sommet arabo-islamique conjoint, dont les travaux viennent de s’achever en Arabie Saoudite, prélude un changement profond dans la politique étrangère du pays, qui refuse que soit opposé aux crimes de l’Etat hébreu des communiqués creux et vains, comme celui qui a couronné le rendez-vous de Ryad, ce samedi.
A. S.
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