Micmac mémoriel

Stora Macron
Benjamin Stora et Emmanuel Macron. D. R.

Par Khaled Boulaziz – Peu d’Algériens s’intéressent aux «bibles» de Benjamin Stora, tandis qu’une majorité lit Yves Courrière pour la densité du récit historique, Gilbert Meynier pour l’apport des champs événementiels premiers, Alistair Horne pour la dimension internationale de la guerre d’Algérie, Michel Habart pour la probité de l’écrit et John W. Kiser pour la mystique du combat libérateur.

Mais beaucoup d’Algériens sont «secoués» par l’autre facette de Benjamin Stora, celle où il court sur tous les plateaux de la métropole, dans tous les journaux, les ondes et les médias, en n’oubliant pas ses ballets à l’Elysée et ses virées en loucedé en Algérie.

Ce branle-bas, avec comme seul fonds de commerce la guerre d’Algérie, ça passe mal. Pour les Algériens, ça sent le révisionnisme à plein nez, avec des recommandations qui tricotent l’histoire de la nation algérienne à l’envers.

Le peuple algérien se tape un énième round, un autre coup de boutoir dans la caboche et l’imaginaire, déjà ébranlés. Comme dirait un pote dégoûté par cette commission : «Benjamin Stora veut nous refourguer la seconde mort de nos braves martyrs et nous demande de préparer le couscous funéraire !»

Stora rêve de se la jouer légataire de l’histoire de la guerre d’Algérie, mais il oublie juste que chez nous, il y a eu des plumes bien plus épaisses et des têtes bien plus fournies. Rejetant en bloc tout parallèle avec les remous franco-allemands – on se demande bien par quel jugement et quelle autorité –, Benjamin Stora balance aux Algériens une histoire lisse, à la limite une baston de voisinage entre deux pays qui vont se serrer la pogne miraculeusement après quelques rafistolages. Et le comble, c’est que les mêmes Algériens sont appelés à mettre la main à la pâte, présentés comme des experts indispensables.

Face à cette énième embardée révisionniste, le peuple algérien, avec son élite qui carbure nationaliste, remet les pendules à l’heure d’Alger en plaçant la révolution algérienne sur le même piédestal que la révolution russe, cubaine et vietnamienne.

Pour éviter toute confusion, ils précisent bien : «La révolution algérienne est un socle béton pour l’Etat national algérien, la garantie de la survie de la nation. L’histoire vraie de cette révolution, c’est nous, les Algériens, qui la racontons, parce que nous sommes les vrais boss de notre destin.»

Benjamin Stora est né en Algérie. Juste un hasard céleste. Oui, mais ça ne fait pas de lui un Algérien, c’est-à-dire quelqu’un de jaloux jusqu’à la moelle pour la pérennité de la nation algérienne.

La rente mémorielle de la France coloniale, avec ses fanatiques, elle est toujours là, plantée comme un bout de crasse sur les souliers des nostalgiques de l’Algérie française.

Cette rente mémorielle, bien chouchoutée au fil des décennies contre l’Algérie, n’a pas perdu un poil de son lustre. Elle persiste. On la voit avec nos martyrs encore pris en otage par l’ancien colon, à l’image de M’hamed Bougara, colonel de la Wilaya IV historique, tombé au champ d’honneur le 5 mai 1959, dont le corps est toujours séquestré par la France officielle. Un exemple poignant parmi tant d’autres.

Benjamin Stora, lui, préfère enduire de fard les cicatrices plutôt que de gratter les plaies qui saignent encore. Cette turpitude sournoise de la mémoire n’est pas loin de la fourberie de la «paix des braves», ce plan concocté par le galonné De Gaulle en 1958.

Pour finir le bal, cette commission sur les histoires de colonisation et de guerre d’Algérie, c’est juste un cheval de Troie pour un révisionnisme qui se planque et qui fait des ravages. Les Algériennes et les Algériens le savent bien, ils en mesurent à juste titre les objectifs non avoués du côté français.

Les Algériens et les Algériennes ne vont pas préparer le couscous funéraire pour le second martyr de nos héros, comme s’illusionnent Benjamin Stora et ses associés, mais plutôt pour bambocher sa dissolution une bonne fois pour toutes, cette commission de malheur.

K. B.

Comment (14)

    Abou Stroff
    1 décembre 2023 - 6 h 26 min

    apparemment c’est Khaled boulaziz qui travaille comme modérateur à AP autrement, je ne comprends pas pourquoi mes commentaires sur ses écrits ne sont pas publiés!

    Oud
    28 novembre 2023 - 21 h 55 min

    Qu’ elle est l (….) qui lui a confié la tâche d ecrire nôtre histoire?? Qu elle est sa légitimité vis a vis du peuple algerien pour nous représenté ?? Voilà la question que je me pose

    Anonyme
    28 novembre 2023 - 20 h 52 min

    C’est là qu’on verra et jugera du niveau de traîtrise de nos dirigeants.
    Stora est à sa place pas ceux qui lui donnent du crédit…
    Notre pays pullule de Boutef and co

    Tassaâdit
    28 novembre 2023 - 20 h 29 min

    Mais crénon de dieu c’est pourtant bien le gouvernement “algérien” qui a autorisé et donné SON AVAL pour la création de cette commission de malheur qui plus même s’est déjà réunie en Algérie. C’est INADMISSIBLE !
    Il y a de la TRAÎTRISE dans l’air au sein même du pouvoir “algérien”… c’est une CERTITUDE.

    Fodil
    28 novembre 2023 - 18 h 45 min

    Khaled Boulaziz, malheureux, vous voilà pris en flagrant délire de récidive sur le cas de « l’historien des salons » benjamin stora! Vous prenez le risque d’être à nouveau accusé d’antishlomisme.
    Par les temps qui courent, ce n’est plus un article sur « Libé-rat-sion » ou une « petit-sion » qui vous attend mais une convocation au représentant de la maison mère.
    ????????☝️????????

      Nawel
      29 novembre 2023 - 11 h 43 min

      En effet @Fodil, en ces temps maussades le mossad est là…dixit moi depuis 2 moi[s]. ????

      khaled Boulaziz
      29 novembre 2023 - 12 h 19 min

      Mes Maitres sont Abane et Ben M’hidi. Je vous invite à lire ma prochaine contribution le 11 décembre de cette année. Elle sera encore plus percutante ! 🙂

        Fodil
        29 novembre 2023 - 13 h 26 min

        Nous attendons donc avec impatience le 11 décembre et, je pense, que nous ne serons pas déçu du résultat de votre travail.

      Ali Ammar
      29 novembre 2023 - 12 h 26 min

      Le phacochère meyer habib en route vers les oscars pour une énième production sur le thème de la shoah. ????

      https://youtu.be/-kZDellgFBA?si=ZPD3VqjUhirWP_EM

        Ali Ammar
        29 novembre 2023 - 15 h 06 min

        Vidéo du phacochère indisponible! ????????

    Tin-Hinane
    28 novembre 2023 - 17 h 17 min

    Merci Khaled Boulaziz pour un tel article, merci pour cette mise au point, voilà longtemps qu’on l’attendait. C’est une histoire de fous et d’hôpitaux psychiatriques. Ces gens veulent nous faire rentrer dans leur délires. Benjamin Stora de code d’écrire notre histoire à notre place comme si on avait pas d’historiens, ou mieux, comme si on avait pas de mémoire. Et au nom du ciel, où à t’on vu un pays accepter que l’ennemi raconte son histoire à sa place. Et ce n’est pas n’importe qu’elle histoire, il s’agit de l’une des grandes révolutions de l’histoire de l’humanité. Rien que ça Mr Stora ne doute vraiment de rien. Qu’est ce qui a bien pu lui mettre une idée aussi saugrenue et aussi indécente dans la tête. Le problème de MR Stora et tous ceux qui pensent comme lui, c’est qu’ils pensent connaître les autres et ils ne les connaissent pas, pas vraiment.
    Je pense et espère qu’il a compris que les temps ont changé en Algérie. Qu’il aille écrire l’histoire qu’il veut mais pas cheznous.

    Brahms
    28 novembre 2023 - 16 h 55 min

    Ils voudraient piquer du fric aux algériens mais ils ne peuvent rien faire en réalité,

    Leur devoir de mémoire sert juste à identifier les préjudices des uns au détriment des autres mais comme il y a eu beaucoup de massacres et de viols de 1830 à 1962, le travail est impossible à faire.

    C’est aussi simple que cela.

    Souk-Ahras
    28 novembre 2023 - 15 h 48 min

    À l’attention de Mr Khaled Boulaziz

    Bonjour,

    Vous dites : « Stora rêve de se la jouer légataire de l’histoire de la guerre d’Algérie… »
    Que diriez-vous, je vous le demande, de l’interlocuteur qui lui fera face, l’intraitable et éminent historien, reconnu, Mohamed El Korso ? Lequel sera entouré de quatre historiens tout aussi éminents, tous déterminés à ne rien laisser passer sous silence, silence qui dure depuis juillet 1962.

    Il est inexact de vouloir attribuer à la commission mémorielle algéro-française la volonté d’écrire ou réécrire notre Histoire sous la période coloniale.

    En août 2022, Macron s’exprimait ainsi à Alger : « Ouvrons nos archives et permettons de regarder l’ensemble de cette période historique qui est déterminante pour nous : du début de la colonisation à la guerre de libération, sans tabou avec une volonté de travail libre, historique et un accès complet à nos archives, de part et d’autre. »
    En réponse à cette proposition, le feu vert de Tebboune à la création d’une « commission mémorielle » algéro-française s’apparente, politiquement parlant, à un « CHICHE !!! »
    La balle est dans le camp de l’État FR. Assumera-t-il entièrement la « Déclaration d’Alger » d’août 2022  ??? C’est un autre chapitre, wait and see dirait la perfide Albion.

    Quels sont les points – contentieux et autres – que cette commission algéro-française devra traiter ?

    → restitution de 2 millions de documents numérisés relatifs à l’époque coloniale, couvrant la période de 1830 à la fin du XIXe siècle (contentieux).
    → restitution à Alger de vingt-neuf rouleaux et de treize registres de la période ottomane (contentieux).
    → essais nucléaires dans le Sahara (contentieux).
    → disparus de la guerre de libération (contentieux).
    → bataille d’Alger 1957 (contentieux).
    → établir une chronologie des faits militaires, politiques, économiques, sociaux et culturels entre 1830 et 1962 (contentieux).
    → identification et recensement des cimetières, des tombes, du nombre et des noms des détenus algériens du XIXe siècle décédés et enterrés en France, ainsi que la valorisation de ces lieux de mémoire sur le portail de la commission (contentieux).
    → programme d’échange et de coopération impliquant quinze doctorants et chercheurs algériens en France, et des missions d’inventaire et d’étude des archives de la période coloniale en France.
    → numérisation des registres d’état civil et des cimetières de la période coloniale conservés en Algérie.
    → création d’une bibliothèque commune dédiée aux recherches et aux sources imprimées ou manuscrites du XIXe siècle. Cette bibliothèque servira de base pour l’édition, la numérisation et la traduction des sources et travaux les plus importants dans les deux langues.
    → création d’un portail numérique (bibliothèque en ligne consultable et téléchargeable gratuitement), consacré aux sources imprimées, aux archives numérisées, aux thèmes de recherche, à la cartographie, aux ressources iconographiques, sonores et filmiques, ainsi qu’à une chronologie, entre autres.
    → numérisation des registres d’état civil et des cimetières de la période coloniale conservés en Algérie.

    Question : Dans les points énumérés, où est-il mentionné une réécriture de notre Histoire ?

     Membres de la délégation algérienne :
    Mohamed El Korso (l’intraitable), Idir Hachi, Abdelaziz Filali, Mohamed Lahcen Zighidi et Djamel Yahiaoui.

    lhadi
    28 novembre 2023 - 14 h 22 min

    La révolution algérienne, avec son cortège de morgue, est inscrite sur le marbre de l’histoire. Et ce point besoin d’arbitrage pour l’établir. Rappelons à nous le sang des martyrs lorsque nous évoquons l’histoire de notre patrie.

    Fraternellement lhadi
    ([email protected])

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