Les Américains s’interrogent : «Peut-on bâtir des solutions avec l’Algérie ?»
Par Nabil D. – «L’Algérie et les Etats-Unis partagent des intérêts communs dans la stabilité du Mali et du Niger. Peuvent-ils construire des solutions partagées ?», s’interroge l’United States Institue for Peace (USIP), en estimant qu’«une opportunité de promouvoir la stabilisation au Sahel, notamment au Mali et au Niger, pourrait faire l’objet d’une collaboration». «Depuis plus de deux décennies, l’Algérie et les Etats-Unis partagent les mêmes préoccupations concernant une présence terroriste métastasée au Sahel, et la coopération antiterroriste entre les deux pays est solide», note l’institut américain.
«Cependant, alors que le gouvernement actuel du Mali cherche à élargir ses relations avec la Russie et son groupe Wagner, les intérêts algériens et américains pourraient diverger», relativise-t-il, en rappelant que «la politique étrangère anticoloniale de l’Algérie s’est historiquement concentrée sur le rejet de la présence occidentale dans la région». «Cela peut s’expliquer, en partie, par la forte alliance entre l’Algérie et la Russie, qui dure depuis près de 70 ans», relève-t-on à Washington, en précisant que, pour les Etats-Unis, «la présence croissante de la Russie et du groupe Wagner constitue une menace directe pour les intérêts de sécurité nationale, en particulier les opérations de drones américains menées depuis le Niger voisin».
«Quand bien même les Etats-Unis et l’Algérie partagent un vif intérêt pour la stabilisation du Mali, ils ont des visions différentes sur la manière d’y parvenir», souligne l’USIP. «Compte tenu de l’alignement stratégique de Washington sur le rival de l’Algérie, le Maroc en l’occurrence, notamment en ce qui concerne le conflit du Sahara Occidental, il est dans l’intérêt des Etats-Unis de dissocier toute coopération avec l’Algérie au Mali des autres questions régionales», conseille l’institut, persuadé que si les Etats-Unis et l’Algérie parviennent à un accord sur le Mali, «il est concevable que les deux Etats puissent collaborer pour soutenir un processus de rétablissement de la paix dans ce pays».
«La situation au Niger est légèrement différente», note l’auteur de l’analyse, qui met en avant l’«inquiétude» de l’Algérie face à l’instabilité dans cet autre pays frontalier de la ceinture sahélienne. «Si les organisations terroristes devaient opérer librement au Niger, cela constituerait une menace directe pour la sécurité nationale algérienne», précise l’USIP, qui ajoute que les Etats-Unis «partagent» cette inquiétude, d’autant que l’administration Biden «a clairement indiqué que le maintien de la présence américaine au Mali voisin était essentiel, en particulier à la lumière de la menace terroriste persistante».
«Compte tenu de l’alignement américano-algérien au Niger – du moins en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme –, les efforts de médiation algériens pourraient être mutuellement bénéfiques», note encore l’United States Institue for Peace, en assurant toutefois que «l’intérêt des Etats-Unis à garder ses bases au Niger pourrait être contrarié par le refus par l’Algérie de toute présence militaire étrangère, surtout occidentale, à sa frontière». «Une question importante pour les décideurs politiques américains sera de savoir si l’Algérie exigera un retrait militaire américain du Niger comme condition préalable pour pouvoir coordonner avec les Etats-Unis un effort de stabilisation dans ce pays», fait remarquer cette institution officielle, dont le siège se trouve à Washington.
«La situation au Niger est intenable tant pour l’Algérie que pour les Etats-Unis. La crise au Niger constitue un terreau fertile pour le terrorisme et les réseaux criminels qui déstabilisent cette région frontalière de l’Algérie. Les Etats-Unis, l’Algérie et la CEDEAO devraient rechercher une convergence de leurs objectifs pour contribuer à stabiliser le Niger dans l’intérêt de tous», insiste l’USIP, qui persiste à poser deux questions lancinantes : «Le maintien de la présence militaire américaine au Niger deviendra-t-il un point de friction pour l’Algérie ? L’Algérie et les Etats-Unis peuvent-ils mettre de côté leurs points de vue divergents sur le Sahara Occidental ?».
N. D.
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