Les tueurs d’enfants neutralisent l’Organisation des Nations unies
Une contribution de Saadeddine Kouidri – Il y a cinq siècles, la colonisation de peuplement de l’Amérique du Nord, qualifiée de conquête de l’Ouest par les Occidentaux, avait mené au génocide des Amérindiens. Le déni de ce génocide a encouragé d’autres crimes semblables qui, depuis, se sont succédé sans compter, jusqu’à celui de Gaza, dont la particularité est d’être vivant pour le monde entier. Il se passe sous les yeux de l’humanité tout entière à travers les écrans, y compris sous les yeux du président de la Cour pénale internationale (CPI). Dans ce cas, pourquoi faut-il des centaines d’hommes de loi pour que ce dernier puisse qualifier à son tour les bombardements de Gaza de génocide, de crime de guerre ou de crime contre l’humanité ?
Khan n’étant ni sourd, ni aveugle, ni insensible à l’assassinat de milliers d’enfants, nous oblige à croire que son jugement et celui de sa commission répondent à d’autres critères que le droit et relèvent du rapport de force. Nous pouvons invoquer le procès de Nuremberg qui le prouve. Dans ce cas, le rapport de force ne sera en faveur de la Palestine que lorsque Tel-Aviv ne pourra plus payer ses assassins, qu’il qualifie de soldats, sans préciser qu’ils tuent des enfants par milliers. La CPI semble le dernier recours pour condamner le génocide en cours, une fois que le constat de la prise en otage de l’ONU par l’Etat terroriste de l’Occident en Orient est devenue flagrante aux yeux de tous les peuples.
Les bombes israéliennes larguées sur Gaza rendent inaudibles la voix de la deuxième puissance mondiale, contrairement à l’URSS qui occupait ce rang. C’est parce que le génocide des Amérindiens n’a pas été jugé que celui d’autres peuples des colonies a été possible. Face à l’impunité, l’assassin s’est érigé en maître du monde, usant de la première loi de la nature, celle du plus fort. Des intellectuels qui défendent le système politique dominant attribuent au capitalisme le parrainage de la nature pour dire qu’il est éternel, divin, pour nous y maintenir, en attribuant des droits aux assassins dans les prétoires, sur les écrans télé et dans les livres.
Oui, vous aurez raison de dire que les grandes manifestations, particulièrement celles de Londres, vont secouer le cocotier financier de la City pour la prolongation du cessez-le-feu et finir par imposer un point de vue différent de celui de Tel-Aviv qui quémande plus de six milliards de dollars pour payer ses nombreux soldats. Biden, dans ses dernières déclarations, commence à s’y soumettre. Oui, mais à quel prix, quand on sait que dans le passé, la deuxième puissance mondiale qu’était l’URSS, dirigée par le maréchal Boulganine, avait sommé la Grande-Bretagne, la France et Israël de se retirer du Canal de Suez, illico presto, dans la journée même de l’ultimatum ? Récemment, un général français a affirmé que si son pays ne reconnaissait pas le génocide rwandais, c’est parce qu’il était prêt à recommencer. Effectivement, tant qu’on ne condamne pas la colonisation de peuplement, les peuples démunis comme ceux des colonies demeurent en danger de mort.
Cette solidarité soviétique avec le peuple égyptien est loin d’effacer sa reconnaissance en 1948 de la colonisation de la Palestine par d’Israël. Ce crime politique découle de l’analyse de classe faite par Marx sur la colonisation de peuplement, qu’il était loin de qualifier d’injuste, bien au contraire. Peut-on se soucier d’une classe ou d’une autre avant de préserver le peuple du génocide ou, du moins, de sa déshumanisation ? Existe-t-il un clivage politique lors d’une invasion ou face à une occupation étrangère, sinon celle des traîtres et ses derniers ne peuvent former une classe qu’aux yeux des sociologues de la droite et de l’extrême-droite ?
Tout ça pour dire que si l’initiative d’Alger ne mentionne pas le principal coupable, puisqu’elle parle de poursuivre les responsables militaires et politiques du régime sioniste devant la CPI sans mentionner le colonialisme de peuplement qui s’avère tout le long de l’histoire depuis cinq siècles synonyme de génocide.
Il faut rappeler que le Parti communiste, dirigé par Lénine, exigeait, à l’adhésion des partis à la 3e Internationale, le droit des peuples à l’autodétermination. Cette revendication a été adoptée par d’autres pays d’Asie à Bakou en 1920 et reprise à Bandung en avril 1955, en présence de l’Algérie combattante, représentée par Hocine Aït-Ahmed, Saad Dahleb, M’hamed Yazid et Tayeb Boulahrouf. Elle a été inscrite à l’Assemblée générale des Nations unies le 16 décembre 1966. Elle stipule : «Tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes.» L’ONU n’a pas pu appliquer ce droit au peuple palestinien pour la simple raison que le rapport de force n’est plus en faveur des mouvements de libération depuis la perte de l’URSS. Les Occidentaux maintiennent leurs relations avec les autres, avec la loi du plus fort et non les lois universelles qu’eux-mêmes avaient élaborées dans la majorité des cas.
C’est à la veille de l’indépendance de l’Algérie que la France a failli être emportée par l’OAS. Un détail pour l’illustrer : les automobilistes parisiens avaient été invités par le pouvoir à occuper les pistes d’atterrissage de l’aéroport du Bourget pour parer à l’éventualité d’un coup de force de l’OAS venant d’Alger où de Corse par les airs, sachant que des généraux parmi les plus gradés étaient à la tête de cette organisation qui s’opposait à l’indépendance pour garder l’Algérie sous le joug français.
Les Français en Algérie, ces pieds-noirs avant l’indépendance, étaient plus d’un million, et quelques mois plus tard, ils n’étaient plus que quelques centaines. Personne n’avait prévu ce départ massif et surtout pas les pouvoirs en place. C’est pour dire qu’il est difficile d’anticiper les situations au lendemain d’un conflit.
Il faut rappeler que l’ex-candidat à Maison-Blanche, Bernis Sanders, disait lors de sa campagne électorale : «Le peuple israélien a le droit de vivre dans la paix et la sécurité. C’est également le cas du peuple palestinien.» Tandis que Trump, à quelques mois de la fin de son mandat, voulait mettre la résistance palestinienne et ses soutiens hors circuit à jamais avec les accords d’Abraham.
Son successeur, Joe Biden, met en application les deux traités qui composent les accords d’Abraham pour renforcer la colonisation de peuplement et met à mal toutes les solidarités envers la cause palestinienne. Les bombardements de Gaza relancent la solidarité avec la Palestine à travers le monde entier et, le 27 du mois en cours, même la jeunesse étatsunienne scandait : «Tueur d’enfants !», «Palestine libre !» et «Biden, vous ne pouvez pas vous cacher, nous vous accusons de génocide !», et ce, en référence à son rôle dans le soutien aux massacres israéliens à Gaza. D’autres ont dénoncé Michael Tutchin, chef de l’AIPAC et ont assiégé son bureau.
D’innombrables soutiens à travers le monde, jusqu’à des centaines de milliers, parfois à leur tête leurs président, comme Miguel Diaz-Canel à Cuba, prouvent que la résistance palestinienne revient de loin, grâce à ses évadés du 7 octobre des camps de concentration d’Israël pour cheminer vers la victoire.
S. K.
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