Le séparatisme est l’apanage des classes possédantes françaises
Une contribution de Khider Mesloub – Globalement, ces dernières années, le terme séparatisme est employé à tort et à travers. De nos jours, la notion de séparatisme désigne tout phénomène de nature communautaire pratiqué par un groupe culturel, ethnique, religieux. Cependant, longtemps la notion de séparatisme était exclusivement usitée dans le champ politique pour qualifier les projets de groupes minoritaires militant pour faire sécession sur le plan territorial, en vue de constituer un Etat-nation distinct de l’Etat qualifié d’oppresseur.
En France, cette notion de séparatisme apparaît au début des années 2000, en particulier dans les discours des politiciens marqués à droite et à l’extrême-droite, dans une acception très restrictive, puisqu’elle sera appliquée exclusivement aux populations d’origine immigrée de confession musulmane. Cette notion de séparatisme, en lieu et place de communautarisme, moins clivante et anxiogène, a été adoptée également par la macronie pour son orientation politique séditieuse.
Sur les sites officiels ministériels en France, le séparatisme est défini comme une «démarche idéologique visant à couper l’individu-citoyen de son cadre national». Le site gouvernemental précise : «Il s’affirme contre la nation comme source d’identité collective, en établissant des clôtures définitives entre les individus et les groupes». Et d’ajouter : «C’est l’action qui consiste à détruire ou à affaiblir la communauté nationale en vue de remplacer celle-ci par de nouvelles formes d’allégeance et d’identification.»
En France, la première et principale institution de socialisation et d’intégration à la communauté nationale est l’école. Pour rappel, l’un des principaux rôles de l’éducation nationale est de transmettre aux élèves les savoirs fondamentaux et les compétences nécessaires à leur réussite scolaire et à leur insertion professionnelle. Donc sociale. Par ailleurs, comme le définit le site gouvernemental, le rôle de l’éducation nationale consiste également à «former le citoyen de demain, en lui transmettant les valeurs de la République : liberté, égalité, fraternité, laïcité».
En France, les enfants français et immigrés de confession musulmane sont majoritairement scolarisés dans l’enseignement public. Autrement dit, ils sont scolarisés dans une institution éducative publique avec les autres élèves français ou immigrés de toutes origines ethniques et confessionnelles. Et, de ce fait, ces élèves reçoivent «les savoirs fondamentaux et les compétences nécessaires à leur réussite scolaire et à leur insertion professionnelle» dispensés par l’école publique.
Quoique victimes massivement de ségrégation résidentielle, puisqu’ils résident majoritairement dans des cités de relégation ou des quartiers populaires insalubres des grandes villes, les enfants issus de l’immigration sont scolarisés dans les écoles publiques, instances éducatives d’intégration républicaine par excellence.
Contrairement à la propagande répandue par les médias et les politiciens français, bien que victimes de «parquisme», c’est-à-dire bien qu’ils soient parqués dans des zones d’habitation aux conditions sociales et résidentielles scandaleuses, ils ne cultivent pas le séparatisme. Du reste, le séparatisme est un luxe que les pauvres ne peuvent s’offrir.
Le séparatisme, c’est une politique délibérée de repli social et géographique que seules les classes privilégiées peuvent s’octroyer.
Les pauvres, à plus forte raison les immigrés, n’ont pas les moyens de s’offrir le luxe du séparatisme. Institutionnellement et socialement, ils sont victimes de «parquisme». Or, il convient de distinguer le «parquisme», relégation sociale et résidentielle subie, et le séparatisme, séparation sociale et spatiale choisie.
Les médias et les politiciens français amalgament délibérément les deux phénomènes d’exclusion provoqués par la société de classe, c’est-à-dire le capitalisme fondé sur l’exploitation et l’oppression : le séparatisme et le «parquisme».
Considérer la concentration de la population de confession musulmane dans des zones d’habitation spécifiques comme du séparatisme est, sans jeu de mot, de la mauvaise foi. On n’a pas affaire à un séparatisme (choisi), mais à un «parquisme» (subi). Ces populations prolétariennes ont été délibérément parquées dans ces quartiers de relégation sociale et géographique.
Sauf à considérer la visibilité des populations musulmanes comme du séparatisme. Les Français et immigrés de confession musulmane sont les principales victimes du séparatisme de classe.
Certes, dans ces quartiers populaires à forte population immigrée de confession musulmane, il existe des groupes fondamentalistes qualifiés de salafistes ou de fréristes. Mais ces groupes fondamentalistes ne peuvent être considérés comme des séparatistes cherchant à construire des entités territoriales distinctes du corps national, à l’instar des indépendantistes corses ou bretons. Cette minorité religieuse fondamentaliste se cantonne assurément à vivre dans des espaces religieux confinés, toutefois tout en continuant à participer à la vie sociale française et à occuper une activité professionnelle dans les entreprises françaises. Donc à développer des interactions sociales avec les populations françaises de «souche».
On a affaire à un confinement d’ordre religieux et non à un séparatisme porté par un projet politique séditieux fondé sur la création d’entités territoriales distinctes de l’Etat français. Aussi parler de séparatisme, c’est-à-dire d’une «contre-société islamiste» en voie de constitution, relève d’une fantasmagorie, pour ne pas dire de la démagogie. La thèse des «territoires perdus de la République» est un mythe, un slogan politique répandu par les politiciens à court de programmes politiques fédérateurs et de projets de société salvateurs.
Avec la notion de séparatisme, cultivée par les médias et la classe dirigeante française, nous avons affaire à une approche politique complotiste. Tout se passe comme s’il existait une conspiration islamiste, ingénieusement élaborée par des entités fréristes reliées entre elles, œuvrant à démanteler les valeurs de la France laïque et républicaine, pour les remplacer par une «contre-société islamiste» séparée de la société française majoritaire.
En réalité, le séparatisme est l’œuvre des classes possédantes, la pratique sociologique des classes privilégiées. Il s’agit du séparatisme social. Le séparatisme social peut être défini comme une entreprise de communautarisme social fondé sur la défiance et le repli sur soi, une auto-ségrégation urbaine où une classe sociale refuse de se mélanger géographiquement et culturellement avec une autre classe considérée comme inférieure.
Contrairement au discours dominant véhiculé par les médias et les politiciens français, le séparatisme est donc l’apanage des classes aisées qui privilégient une stratégie de l’entre-soi. Ce séparatisme des riches, symbolisé par la ghettoïsation des beaux quartiers, est délibérément éludé. Et pour cause. Car il peut prêter le flanc à la critique radicale et, surtout, à la révolte insurrectionnelle.
En France, la bourgeoisie dénonce le prétendu séparatisme des immigrés, en particulier celui des musulmans, pour nous faire oublier les divers séparatismes appliqués par les différentes classes privilégiées pour se distinguer des classes populaires, vivre séparément des classes sociales subalternes ouvrières. A preuve. Si un prolétaire français de «souche» fréquente et croise quotidiennement des dizaines d’autres prolétaires issus de l’immigration, dans le cadre professionnel, de son voisinage, dans son quartier ou au supermarché, il n’a quasiment aucune chance, au cours de sa vie, de croiser, et encore moins de fréquenter, un compatriote bourgeois, un député, un patron, ou tout autre membre des élites françaises.
Encore moins un Français de confession juive. Et pour cause. La communauté juive cultive un séparatisme radical, pour ne pas dire racial. Pourtant, aucun média ni aucun politicien n’en parlent.
Et le séparatisme pratiqué par la communauté juive commence par l’école. Les enfants français de confession juive sont scolarisés en majorité dans les écoles privées hébraïques.
Ce séparatisme précoce et radical peut s’expliquer par plusieurs raisons. Il peut avoir des motivations religieuses, socioéconomiques ou les deux à la fois. Le séparatisme juif peut s’appuyer sur la motivation de préservation des traditions religieuses judaïques. Mais, également, il peut s’expliquer par la volonté de la protection et de la pérennisation des privilèges économiques, politiques et culturels capitalisés par les membres de la communauté juive de France. Une stratégie de reproduction sociale appliquée par toutes les classes privilégiées du monde entier dans le cadre de la stratégie du séparatisme social.
Selon une étude publiée par le Fonds social juif unifié (FSJU), menée par le sociologue Erik Cohen, Heureux comme juifs en France ?, deux tiers des enfants juifs ne vont pas à l’école publique. Chiffres confirmés le 29 novembre 2023 par le député Les Républicains Philippe Juvin : «Depuis des années, deux tiers des enfants juifs en France ne vont plus à l’école publique laïque et républicaine.»
Le FSJU évalue à 100 000 le nombre d’enfants juifs en âge d’être scolarisés en France. Autrement dit, 75 000 élèves sont scolarisés dans les écoles privées. Selon l’association, sur 75 000 élèves, quasiment 35 000 sont scolarisés dans des établissements scolaires confessionnels. Or, les programmes scolaires des écoles de confession juive, outre d’être à connotation religieuse, sont calqués sur ceux de l’enseignement des écoles d’Israël. De surcroît, les écoles juives sont réputées, comme toutes les écoles confessionnelles, pour enseigner la Torah, la morale «hébraïque», les rites religieux judaïques. Pour servir une alimentation conforme aux prescriptions judaïques. Pour prôner également la non-mixité et l’interdiction de se «mélanger» aux non-juifs. Selon plusieurs enquêtes, si beaucoup de parents français de confession juive refusent d’inscrire leurs enfants dans une école publique, c’est parce qu’elle est laïque. Autrement dit, ils manifestent une défiance à l’égard de la laïcité.
Nous sommes en plein séparatisme, au regard de la définition fournie par le site gouvernemental français rapportée plus haut : «Démarche idéologique visant à couper l’individu-citoyen de son cadre national. […] C’est l’action qui consiste à détruire ou à affaiblir la communauté nationale en vue de remplacer celle-ci par de nouvelles formes d’allégeance et d’identification.»
Cette allégeance et cette identification à Israël se confirment à la majorité de l’étudiant, puisque de nombreux jeunes Français de confession juive vont faire leur service militaire en Israël.
Le nombre des populations françaises et immigrées de confession musulmane est estimé à 7 millions. Que dirait-on si près de 70% des enfants de ces 7 millions de musulmans étaient scolarisés dans des écoles privées confessionnelles islamiques ? Effectuaient leur service militaire dans leur pays d’origine ?
La réponse est que les musulmans placent l’islam au-dessus des lois de la République. Pis, ils se placent en dehors de l’Etat français. Pourtant, telle est la réalité sociologique d’une majorité des Français de confession juive.
Conclusion. La bourgeoisie française amalgame délibérément séparatisme et «parquisme», et, par une forme d’inversion accusatoire sociologique, plante le séparatisme délibérément sur la mauvaise implantation communautaire et sociale.
K. M.
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