La visite réussie du président Ghali à Dublin provoque une hystérie au Maroc
Par Mohamed K. – La visite du secrétaire général du Front Polisario en Irlande, les 14 et 15 février, a été un succès à tous points de vue. Elle a non seulement permis de mettre la question du Sahara Occidental dans l’agenda politique et médiatique de l’Irlande durant cette période, mais a également permis de renouveler l’élan de solidarité et d’amitié du peuple irlandais et de sa classe politique en faveur de la cause du peuple sahraoui. Elle représente un succès diplomatique de première importance pour le combat multiforme que mène le Front Polisario. Comme elle constitue un revers de plus pour le Makhzen et ses desseins expansionnistes et ses manœuvres dilatoires.
Brahim Ghali et la délégation qui l’accompagnait ont été, en effet, reçus au ministère des Affaires étrangères et au Parlement, où ils ont pu rencontrer des personnalité politiques, des députés et des sénateurs de pratiquement toute la sphère politique irlandaise, issus de la coalition gouvernementale et de l’opposition. Le président sahraoui et les membres de sa délégation ont pu mesurer auprès de l’ensemble de leurs interlocuteurs la solidité et la sincérité de l’engagement irlandais envers les droits légitimes du peuple sahraoui. Ils ont également pu confirmer l’intérêt porté à leurs doléances, qu’il s’agisse de la demande d’un statut diplomatique pour la représentation du Front Polisario à Dublin, de la nécessaire action de l’Irlande au niveau de l’Union européenne et de l’ONU pour l’aboutissement du processus référendaire, du respect des droits de l’Homme au Sahara Occidental ou encore de son assistance humanitaire pour les réfugiés sahraouis.
Le leader sahraoui a enfin accordé des interviews aux médias irlandais, dont les deux principaux titres de la presse écrite. Le clou de la visite a, évidemment, été l’audience accordée par le président Michael D. Higgins à son homologue sahraoui et à la délégation qui l’accompagnait, au siège de la Présidence irlandaise. Outre la chaleur de la rencontre, le leader du Front Polisario a senti chez son interlocuteur une amitié réelle et sincère pour le peuple sahraoui en lutte, et une compassion pour les épreuves qu’il subit sous l’occupation marocaine dans le territoire occupé et sous les tentes de l’exil. Cette visite rappelle, d’ailleurs, celle effectuée par le défunt Mohamed Abdelaziz, alors secrétaire général du Front Polisario, à Dublin, moins de douze années plus tôt, en octobre 2012.
A l’époque, le gouvernement irlandais était dirigé par une autre majorité, différente de celle formant la coalition actuelle. Le Maroc avait exprimé toutes formes de protestation, allant jusqu’à rappeler son ambassadeur en poste à Dublin. Il a dû le renvoyer un mois plus tard sans que la position irlandaise n’ait changé d’un iota. En recevant Brahim Ghali, le président Higgins traduit, en réalité, un consensus de la classe politique irlandaise sur la question du Sahara Occidental. Un consensus fondé sur le principe du droit des peuples à l’autodétermination, tel que consacré par la Charte des Nations unies et par les résolutions de l’Assemblée générale.
Le peuple irlandais, qui a accédé à l’indépendance en 1921, après une longue nuit coloniale, tout autant que sa classe politique, réservent une place de choix à ce principe cardinal. Il est la base, d’ailleurs, de leur position sur la Palestine, comme il le fut pour l’Afrique du Sud du temps de l’apartheid. Par conséquent, ce ne sont ni les pressions du Makhzen, ni ses méthodes corruptrices désormais connues de tous, ni les mensonges d’une presse aux ordres multipliant les allégations et les invectives qui vont changer cette position de principe. Une position qui honore le pays de Michael Collins et de Frank Aiken et qui fait de Dublin un fort imprenable et un soutien sûr en Europe pour les causes de libération nationale dans le monde. Cette constance de la démarche irlandaise a été régulièrement confirmée par les positions officielles exprimées publiquement par le gouvernement irlandais à ce sujet, et à travers ses voix les plus autorisées.
C’est le cas de la déclaration rendue publique par le ministère des Affaires étrangères, le 12 décembre 2020, au lendemain de la «normalisation» des relations entre Israël et le Maroc : «L’Irlande salue l’annonce faite hier sur la normalisation des relations entre Israël et le Maroc. La position de l’Irlande sur le statut du Sahara Occidental reste inchangée. L’Irlande soutient la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies sur l’autodétermination du peuple du Sahara Occidental. Nous n’avons pas d’opinion sur l’issue de cette décision tant qu’elle sera prise de manière pacifique et dans le cadre d’un véritable exercice d’autodétermination. Nous souhaitons voir une reprise rapide des pourparlers menés par l’ONU. Il est important que toutes les parties évitent toute action susceptible de déstabiliser la situation.» Cette position a été réitérée notamment par le chef de la diplomatie irlandaise, Simon Coveney, le 9 octobre 2021, à la suite de la nomination de Staffan de Mistura en tant qu’envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU pour le Sahara Occidental.
L’amitié du chef de l’Etat irlandais et sa solidarité avec la cause juste du peuple sahraoui remontent à plus de quatre décennies. Il avait visité, en 1996, dans le cadre d’une délégation de personnalités européennes, les camps de réfugiés sahraouis à Tindouf.
Dans une déclaration officielle, rapportée par The Independent à l’issue de son entretien avec Brahim Ghali, le 15 février dernier, le président Higgins réaffirme, notamment, que l’enjeu au Sahara Occidental est qu’il s’agit d’«une question de décolonisation qui demeure inachevée».
M. K.
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